Une astuce qui a même un impact positif sur la clientèle... (Photo: Karsten Winegeart pour Unsplash)
MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudis. Vous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca
Q. – «Je suis le patron d’un restaurant franchisé, et j’ai la fâcheuse impression que mes employés travaillent de moins en moins fort, quel que soit le quart de travail. Y a-t-il un truc pour les « fouetter » un peu?» – Albert
R. — Cher Albert, en aucun cas on ne peut «fouetter» un employé, mais bon, je pense avoir saisi l’idée que vous voulez exprimer, le problème qui vous taraude. Le hic, c’est la baisse durable de la motivation de vos employés.
Pour remédier à cette situation, je vais vous présenter une expérience qui a été menée en 2018 par une équipe de chercheurs pilotée par Adam Presslee, professeur de comptabilité managériale à l’Université de Waterloo, en Ontario. Six restaurants œuvrant au Canada sous la bannière d’une chaîne de restauration rapide — les chercheurs ne dévoilent pas son identité, mais peu importe — se trouvaient confrontés à un grave problème de désengagement des employés: retards continuels en début de quart de travail, absences pour des motifs bizarroïdes, productivité fléchissante, etc. La situation était si préoccupante que leurs chiffres d’affaires accusaient le coup. Il fallait trouver une solution au problème, et vite.
L’idée d’Adam Presslee et son équipe? Instaurer dans chacun des restaurants, tous riches d’une trentaine d’employés, un programme de récompenses non pas individuelles, mais collectives. Leur pari était que la motivation reviendrait non pas si chacun était poussé à donner son 110%, mais si l’ensemble des employés était incité à travailler de concert pour atteindre une performance globale remarquable.
Concrètement, cela a consisté en un programme de 12 semaines consécutives où, toutes les deux semaines, le gérant évaluait la performance de chaque équipe (une équipe, c’est ici un groupe de travailleurs qui effectuent ensemble un quart de travail) en fonction de deux critères mesurables:
— La productivité, soit la mesure de la vitesse à laquelle sont servis les clients, en salle ou au volant.
— L’accomplissement des tâches récurrentes, soit la réalisation dans les temps impartis des tâches comme nettoyer les toilettes, sortir les poubelles et réapprovisionner les fournitures.
Lorsqu’une équipe atteignait ses objectifs, une petite cérémonie de reconnaissance était organisée, toutes les deux semaines. Le propriétaire du restaurant et le gérant saluaient la performance de chaque équipe méritante devant tout le monde. Puis, chacun des membres de ces équipes-là recevait deux cadeaux, en main propre: une carte de reconnaissance manuscrite et personnalisée, signée par les deux dirigeants, ainsi qu’une petite boîte de chocolats fins. À noter un point crucial: les récompenses n’avaient aucunement une valeur monétaire significative.
Résultat? Au bout des 12 semaines, les chercheurs ont noté que:
— Le niveau d’engagement et les efforts fournis par les employés ont été «beaucoup plus élevés» durant cette période en comparaison à ce qu’ils avaient été durant les 12 semaines précédant l’expérience.
— La motivation a été boostée de manière durable puisqu’elle n’est pas allée en diminuant au fil des 12 semaines qu’a duré l’expérience.
— La reconnaissance collective et son impact sur la motivation des employés se sont traduits par «une hausse significative du niveau de satisfaction de la clientèle» et par «une amélioration sensible de la performance financière» de chacun des restaurants.
Bref, des employés plus motivés, des clients plus satisfaits et des revenus plus élevés. Que demander de plus, mon cher Albert?