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Le mode hybride rend-il plus performant, ou pas?

Olivier Schmouker|Publié le 04 juillet 2024

Le mode hybride rend-il plus performant, ou pas?

(Photo: 123RF)

MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudisVous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca

Q. – «Ça fait maintenant un bon moment que nous fonctionnons en mode hybride au sein de notre PME. Ma question est de savoir si on est ainsi plus performants qu’avant la pandémie, lorsque nous étions 100% du temps au bureau. Ou si on l’est moins.» – David 

R. — Cher David, les études scientifiques abondent concernant l’impact du télétravail sur la performance individuelle et collective au sein des organisations, et nombre d’entre elles concernent spécifiquement le mode hybride (certains jours de la semaine passés au bureau, les autres à distance). La très grande majorité d’entre elles en arrivent à la même conclusion : en général, le mode hybride n’a aucun impact significatif sur la performance des employés ; ni positif ni négatif. Vous comme moi, nous sommes globalement tout aussi performants au bureau qu’à distance. 

Cela étant, il convient de ne pas tenir compte que de la performance. Car il se trouve que le mode hybride présente de nombreux avantages, souvent insoupçonnés. Pour vous en convaincre, David, laissez-moi vous parler d’une étude diffusée en juin par le site web du magazine américain Nature, laquelle est signée par Nicholas Bloom, professeur d’économie à Stanford, assisté de son étudiant Ruobing Han, et James Jianzhang Liang, cofondateur de l’agence de voyage en ligne Trip.com.  

Les trois chercheurs ont observé de près le travail effectué quotidiennement par 1 612 employés de Trip.com tandis que ceux-ci fonctionnaient en mode hybride. L’observation a duré six mois. Il en est ressorti des enseignements on ne peut plus précieux : 

– Plus heureux. Le simple fait de travailler en mode hybride (en l’occurrence, trois jours au bureau et deux jours à distance) accroît «de manière significative» la satisfaction au travail.  

– Plus fidèles. Le taux d’attrition a chuté d’un tiers. Ça signifie que nettement moins d’employés ont quitté les rangs de l’organisation du simple fait qu’ils ont eu la possibilité de travailler en mode hybride. (Ce qui, soit dit en passant, est un point non négligeable en période de pénurie de main-d’œuvre!) Par ailleurs, il est à noter que les gains en fidélité ont été surtout enregistrés auprès des employés non-cadres, des femmes et des personnes qui résidaient à une longue distance de bureau.  

– Tout aussi performants. À l’image de nombre d’autres, cette étude montre que la performance de ceux qui fonctionnent en mode hybride est globalement similaire à celle de ceux qui sont 100% du temps au bureau.  

– Tout aussi promus. Les employés qui fonctionnent en mode hybride n’en voient pas leur carrière pénalisée : ils obtiennent tous autant de promotions que les autres. 

Enfin, l’étude signée par Nicholas Bloom, Ruobing Han et James Jianzhang Liang a mis au jour un autre point fort intéressant, à savoir que les 395 gestionnaires qui ont participé à l’expérience sont globalement revenus sur leur a priori concernant le mode hybride et son impact sur la productivité. Avant l’expérience, ils pensaient que son impact était nécessairement négatif (−2,6% en moyenne). Mais après celle-ci, ils ont considéré que son impact se révélait être positif (+1,0%). Leur perception avait donc changé du tout au tout. 

Voilà, David. Si le mode hybride ne permet pas vraiment d’enregistrer des gains en performance, en revanche il permet de gagner en satisfaction et en fidélité. Ce qui est loin d’être négligeable, me semble-t-il. Qu’en pensez-vous? 

En passant, l’écrivain américain Arthur C. Clarke a dit dans «2001, l’Odyssée de l’espace» :

«La distance rend toute chose infiniment plus précieuse».