Des merveilles vous attendent sûrement... (Photo: Davisco/Unsplash)
BLOGUE. La pandémie du nouveau coronavirus est, certes, une période extrême à vivre (ex.: chômage, faillites, etc.), mais c’est également une période formidable en termes d’innovation. Plus précisément, en termes d’adaptation.
Çà et là, ont en effet émergé des initiatives à nulles autres pareilles:
> Sachant qu’elle courait droit à la catastrophe financière en raison de la «mise sur pause» de l’économie, une chaîne de restauration rapide a trouvé le moyen de ne pas «licencier» ses employés. Ce qu’elle a fait, c’est que, oui, elle les a remerciés temporairement (le temps que ses activités puissent reprendre normalement), mais elle s’est assurée que chacun d’entre eux soit aussitôt embauché par un grand détaillant qui, lui, avait été considéré comme «service essentiel» et qui savait qu’il lui faudrait vite augmenter sa main-d’oeuvre pour pouvoir répondre à la demande.
> Un grand détaillant a sorti d’un tiroir poussiéreux son plan d’urgence en cas de pandémie (aucun haut dirigeant ne croyait qu’il servirait un jour…). Ce plan indiquait qu’il faudrait 18 mois pour être mis correctement en place. Il lui a fallu, en vérité, deux jours pour y parvenir.
> Il n’a fallu que 72 heures à une entreprise de services financiers de plus de 1.000 employés pour équiper tous ceux-ci en matériel informatique sécurisé à domicile. Et ce, sans aucune interruption de service notable. Depuis, le télétravail est devenu la réalité de 100% des employés.
> Une chaîne de cinémas a fermé ses portes et a créé, quasiment du jour au lendemain, une entreprise dont le service était jugé «essentiel», à savoir une épicerie qui livre à domicile. Elle a ainsi pu continuer à faire travailler ses employés.
On le voit bien, l’imagination entrepreneuriale ne connaît pas de limite. Ou presque.
Maintenant, on peut raisonnablement se demander ce qui fait que certaines entreprises parviennent ainsi à tirer leur épingle du jeu, et pas les autres. Faut-il avoir certaines qualités précises? Certaines caractéristiques particulières?
Une équipe de six analystes du cabinet-conseil McKinsey & Company s’est justement posé la question, et elle en est arrivée à la conclusion que l’un des éléments clés d’une telle réussite en période de crise réside dans… l’aplatissement de la structure hiérarchique de l’organisation. Explication.
«L’idée, c’est de gagner en agilité. Et donc, d’aller au-delà d’une «hiérarchie de bosses», notent-ils dans un article.
«Au fond, le passage à une structure de travail plus agile revient toujours à régler deux points. Le premier est d’accorder un degré plus élevé d’autonomie aux employés de première ligne (ex.: ceux qui sont en contact direct avec la clientèle…). Ce qui revient à leur permettre de prendre des décisions, d’innover, de faire avancer les choses. Le second consiste à obtenir un degré plus élevé d’alignement entre les équipes afin que les priorités de l’organisation soient bel et bien celles de chacune des équipes.
«Or, ce qui fait toujours obstacle dans ce cas-là, c’est la faible, voire l’absence, adhésion de la hiérarchie à l’avancée de ces deux points. La plupart, ou même la totalité, des managers refusent d’accorder davantage d’autonomie aux employés et de faciliter la communication directe des employés de différents services. Car ils jugent que cela est une nuisance à leur leadership, à leur contrôle sur les membres de leur équipe. Pour ne pas dire à leur fonction-même au sein de l’organisation.
«La période hors-norme que nous connaissons ces temps-ci en est l’illustration parfaite. Les entreprises qui considèrent la hiérarchie comme le seul moyen de bien cartographier et structurer les relations formelles – en fait, le seul moyen de faire avancer les choses – trouvent la situation actuelle paralysante. C’est que la chaîne de commandement «normale» s’enlise : les managers sont dépassés par les événements, ils tirent dans plusieurs directions à la fois, ou arrêtent carrément de tirer. Ce qui se traduit, entre autres, par des retards alarmants dans la communication avec les clients, les fournisseurs, et même les employés, qui en viennent à éprouver le sentiment que «la boîte court en tous sens comme un poulet pas de tête».
«En revanche, celles qui s’en sortent bien sont celles qui voient leur structure hiérarchique autrement, et qui, au besoin, la modifient en fonction des circonstances. Ce sont celles qui oublient le concept de «pyramide» pour adopter celui de «connexion». La clé est dès lors de voir chaque employé comme un point dans un vaste réseau de connexions, les points les plus importants étant ceux qui sont les mieux connectés aux autres, ceux par qui les flux d’informations circulent le mieux (et non pas ceux qui «se croient» plus importants que les autres de par leur position «supérieure»). Et il appartient à l’organisation de confier à ces «points les plus importants» les moyens de fixer des priorités, de prendre des décisions rapides et de les mettre en oeuvre.
«À ce moment-là, les équipes opèrent en dehors de la hiérarchie «normale», tout en restant connectées au leadership via un hub central. Ce dernier est petit, rapide à former et tout aussi rapide à dissoudre, à mesure que les besoins changent. Surtout, il veille à ce que chaque équipe soit autogérée et habilitée à prendre des décisions et à innover.»
Un exemple lumineux est celui de Refinitiv, un fournisseur mondial de données sur les marchés financiers, détenu par Blackstone (55%) et Thomson Reuters (45%). L’avènement de la pandémie de COVID-19 a fait réaliser à l’entreprise que nombre de ses données n’étaient plus franchement pertinentes pour sa clientèle. Qu’elle souffrait, selon ses propree termes, d’«infodémie»…
Qu’a fait Refinitiv? La haute-direction a donné le feu vert à la création d’une unité pilote chargée de corriger le tir. Et pour que celle-ci soit efficace, de la détacher des liens hiérarchiques «normaux».
Résultat? L’équipe spéciale d’analystes s’est mise à innover comme jamais. Elle a notamment mis au point un système inédit de récolte de données liées aux transports routiers, histoire d’avoir l’heure juste sur l’activité économique d’un pays ou d’une région. Ou encore, un autre système de surveillance du cloud, ce qui lui permet de déceler avant tout le monde la moindre activité significative des petits fonds spéculatifs.
En conséquence, les données de Refinitiv sont devenues plus pertinentes que jamais. Ni plus ni moins. Et ce, tout bonnement parce qu’elle a pris la décision «audacieuse» d’aplatir drastiquement sa structure hiérarchique.
Et les analystes de McKinsey & Company de souligner : «L’une des leçons les plus importantes que les PDG peuvent tirer de ces approches est que les avantages des organisations plus plates – rapidité, flexibilité, productivité et autonomisation – découlent organiquement de leur aplatissement, notent-ils. Les fruits surgissent naturellement lorsque la «hiérarchie de bosses» est atténuée, voire prend fin. C’est aussi simple que ça.»
Voilà. La crise est dure, c’est vrai, mais elle peut être la source de merveilles. Il ne tient qu’à vous, ou presque, de faire preuve d’audace. Ou pas.
En passant, le tragédien grec Euripide a dit dans Oreste : «Le changement est toujours agréable».
*****
Découvrez mes précédents billets
Mon groupe LinkedIn
Ma page Facebook
Mon compte Twitter
Et mon dernier livre : 11 choses que Mark Zuckerberg fait autrement