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Le piège insoupçonné du travail hybride

Olivier Schmouker|Publié le 02 juin 2022

Le piège insoupçonné du travail hybride

Une «fatigue inusitée»... (Photo: Adrian Swancar pour Unsplash)

MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudisVous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca

Q. – «Quand mon employeur a annoncé que le travail hybride serait la nouvelle norme, j’en ai pleuré de joie. J’allais enfin avoir le meilleur des deux mondes: des moments avec mes collègues, d’autres au calme chez moi. Mais je suis en train de déchanter. Les va-et-vient incessants entre le bureau et la maison me fatiguent et me stressent. J’ai l’impression d’être devenue une nomade, à toujours trimballer mes affaires d’un endroit à l’autre, avec la peur continuelle d’oublier quelque chose d’important (un dossier, ma souris, etc.)…» – Maude

R. — Chère Maude, votre nouvelle réalité au travail semble vous user. Si cela peut vous rassurer, je peux vous indiquer que vous n’êtes pas la seule. Loin de là. Un récent sondage mené par TinyPulse, une plateforme numérique dédiée à l’engagement des employés, a montré qu’aux États-Unis 80% des responsables des RH reconnaissaient que le travail hybride entraînait une «fatigue inusitée» chez les employés.

Alertés par cette énorme proportion, les analystes de TinyPulse ont mené une enquête directement auprès de travailleurs du monde entier concernant les différents impacts du travail hybride sur leur santé physique et psychique. C’est ainsi qu’ils ont découvert que 72% des employés se trouvaient «épuisés» par le travail hybride. Ce pourcentage est «deux fois supérieur» à celui des employés qui sont 100% du temps en télétravail. Et il est «nettement supérieur» à celui des employés qui sont 100% du temps au bureau.

Comment se fait-il que le travail hybride puisse carrément «épuiser»? L’étude avance deux explications.

 

1. Deux routines au lieu d’une

En mode hybride, le travail devient «saccadé». Il se fait ici, puis là, puis encore ici et de nouveau là. Il nécessite de passer sans cesse de la routine du bureau à la routine de la maison. Et cette alternance continuelle finit par se révéler usante vu qu’elle demande «plus d’énergie, d’organisation et de planification».

 

2. Présentéisme numérique

Lorsque les employés travaillent à distance, le risque est de les voir faire du «présentéisme numérique». C’est-à-dire de se sentir obligés d’être tout le temps en ligne, même quand cela n’est pas nécessaire, de peur que leur employeur ne considère qu’ils profitent de leur temps hors ligne pour faire autre chose (un lavage, un épisode d’une télésérie Netflix, etc.). Ce qui peut conduire au surmenage, voire à l’épuisement professionnel, dont les effets sont dévastateurs tant pour l’employé que pour l’employeur.

D’ailleurs, un sondage mené en Grande-Bretagne montre que 20% des travailleurs disent «souffrir psychologiquement» du travail hybride en raison du fait qu’ils n’arrivent plus du tout à séparer vie privée et vie au travail. Selon eux, il leur est devenu impossible de déconnecter du travail, se sentant à disposition de leur employeur 100% du temps.

La solution? Les analystes de TinyPulse préconisent… le dialogue. Il ne revient pas à l’employeur d’établir seul les règles du travail hybride, par exemple de décréter que tout le monde doit être au bureau les lundis, mercredis et vendredis, et chez soi les mardis et jeudis. L’idéal est que le gestionnaire rencontre individuellement chaque employé dont il a la responsabilité pour voir, au cas par cas, quelle est la meilleure solution pour adopter le travail hybride. D’en relever ensemble les avantages et les désavantages, et d’identifier ensemble les moyens à mettre en œuvre pour surmonter les éventuelles difficultés.

Par conséquent, Maude, vous gagneriez sûrement à rencontrer votre gestionnaire pour lui faire part de votre fatigue liée au travail hybride. Et à l’inviter à chercher ensemble des pistes de solution visant à y remédier. Cela devrait notamment vous permettre de mieux vous organiser pour passer d’une routine à l’autre, à tout le moins d’atténuer la charge mentale que cela représente pour vous. Quant à votre gestionnaire, cela lui permettra de prendre conscience de difficultés insoupçonnées que rencontrent les membres de son équipe, et d’être ainsi en mesure d’apporter quelques judicieux correctifs à la politique managériale en vigueur concernant le travail hybride.