Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires

Le «quiet quitting» fait du bruit dans les bureaux américains

AFP|Publié le 29 août 2022

Le «quiet quitting» fait du bruit dans les bureaux américains

Certains Américains refusent les courriels et les coups de fil du soir et disent généralement «non» plus souvent. (Photo: 123RF)

Washington — Leur limite, c’est 40 heures de travail par semaine. Ils refusent aussi les courriels et les coups de fil du soir et disent généralement «non» plus souvent: certains Américains disent adopter un nouveau concept, celui du «quiet quitting», pour lutter contre l’impératif souvent étouffant de la connexion permanente.

Maggie Perkins, originaire d’Athens dans l’État de Géorgie, enchaînait les semaines de 60 heures en tant qu’enseignante. Après la naissance de son premier enfant, la jeune femme de 30 ans s’est rendu compte que sa situation n’était pas tenable.

À (re)lire: Gestionnaires, le «quiet quitting» n’est pas une fatalité

«Il y a des photos de moi en train de corriger des copies dans l’avion alors que j’étais en route pour des vacances. Je n’avais pas d’équilibre entre ma vie professionnelle et ma vie privée», explique-t-elle dans une vidéo sur TikTok dans laquelle elle raconte comment elle a choisi de rejoindre le mouvement du «quiet quitting».

Mme Perkins a dit à l’AFP avoir finalement quitté son travail pour se lancer dans un doctorat, mais elle continue de faire des vidéos pour donner des conseils sur la gestion du travail au jour le jour.

«Adopter cette mentalité du “quiet quitting”, cela veut juste dire que vous instaurez des limites qui vous aident à faire votre travail quand vous êtes payé pour le faire. Puis vous pouvez partir, rentrer chez vous et être avec votre famille», affirme-t-elle.

L’expression aujourd’hui virale de «quiet quitting» semble avoir fait son apparition dans une publication sur TikTok en juillet.

«Vous remplissez toujours vos fonctions, mais vous ne souscrivez plus à la mentalité consistant à se démener pour le boulot, qui dit que le travail doit être votre vie», expliquait l’utilisateur @zaidleppelin. «La réalité, c’est que ça ne l’est pas, et votre valeur en tant que personne n’est pas définie par votre travail».

La publication a connu un immense succès, avec presque un demi-million de «likes». Dans les réponses, un sentiment partagé de rancœur. Et les articles d’opinion se sont multipliés pour décortiquer le phénomène.

Car un débat a aussitôt éclaté: les partisans du «quiet quitting» essaient-ils juste de protéger leur équilibre, une notion davantage associée au mode de vie européen qu’américain? S’agit-il plutôt de «fainéants» s’abritant sous un nom à la mode? Ou alors de personnes au bord du burn-out, qui feraient mieux de démissionner tout court, et vite?

 

«Sang, sueur et larmes»

Selon les données disponibles, le besoin d’un meilleur équilibre est réel.

Le stress au travail est passé de 38% des personnes interrogées en 2019 à 43% l’année suivante, alors que la COVID-19 bouleversait le monde du travail, a constaté l’institut Gallup. Les femmes aux États-Unis et au Canada subissaient le plus de pression.

C’est une dynamique similaire qui a alimenté la «Grande démission», à savoir la récente vague du nombre d’employés démissionnant ou changeant d’employeur.

Beaucoup de ceux qui ont adopté le «quiet quitting» disent être parfaitement prêts à travailler dur, mais seulement pendant leurs heures de travail. 

Certains observateurs sont bien sûr sceptiques et rappellent que les employés refusant de travailler une minute de plus ou partisans du «Ce n’est pas à moi de le faire» ont toujours existé.

Arianna Huffington, la fondatrice du Huffington Post, a dénoncé le phénomène, estimant que le travail «fait partie d’une vie épanouie» et que rejeter le burn-out ne devrait pas exclure «la possibilité de trouver de la joie dans notre travail».

Mais l’ancien ministre américain du Travail Robert Reich, lui, pense que ces employés «refusent d’être exploités».

C’est ce que dit «Bess», qui préfère ne pas donner son vrai nom. 

Elle, par exemple, a été embauchée peu avant la pandémie pour un travail qui devait l’envoyer régulièrement en Allemagne.

Mais, raconte-t-elle à l’AFP, elle est restée coincée dans son appartement à New York, à devoir répondre au téléphone à 03h00 du matin en raison du décalage horaire.

Pour se protéger, elle a commencé à faire moins d’efforts, ce que ses amis américains avaient du mal à comprendre.

«Vous mettez votre sang, votre sueur et vos larmes dans votre travail aux États-Unis, et si vous ne travaillez pas, vous ne méritez pas d’être ici», dit-elle.

«Après six mois d’angoisse», elle a simplement arrêté de répondre aux courriels pendant plusieurs semaines. Et elle a fini par démissionner.

Philip Oreopoulos, économiste à l’Université de Toronto, estime qu’une meilleure communication peut clarifier les attentes de l’employeur avant que le futur employé n’accepte le travail.

«Si vous devez être de garde à la maison, ils doivent le dire clairement», dit-il.