Travailler avant tout pour soi, et non pour autrui... (Photo: Bruce Mars/Unsplash)
Toni Morrison a tourné la page, la semaine dernière. Et son départ nous a tous fait perdre une précieuse petite lumière qui parvenait à illuminer nos ténèbres, oui, qui réussissait à scintiller au beau milieu des eaux troubles dans lesquelles évoluent trop souvent nos vies.
C’est que l’écrivaine américaine, lauréate du prix Nobel de littérature, savait faire preuve d’une grande sagesse, de pensées empreintes à la fois de simplicité et de profondeur. J’en veux pour preuve un seul de ses textes, celui paru au début de juin 2017 dans le magazine The New Yorker, dans la rubrique «On the job». Un texte intitulé «The work you do, the person you are», qui devrait vous permettre de voir votre travail sous un tout nouveau jour. Ni plus ni moins…
Toni Morrison y raconte qu’enfant elle faisait le ménage dans une maison gigantesque et que les sous ainsi gagnés lui procuraient une satisfaction sans nom : d’une part, cela lui permettait de s’offrir des friandises; d’autre part, cela lui permettait de contribuer activement au revenu familial. À cela s’ajoutait la fierté de ne pas être «une bouche à nourrir», mais bel et bien «une personne qui comptait pour sa famille» : «C’était pour moi la confirmation que j’appartenais en partie au monde adulte, et non pas exclusivement au monde des enfants», note-t-elle.
Mais voilà, le travail est devenu de plus en plus harassant, à mesure que sa patronne lui accordait sa confiance. Un beau jour, il lui a fallu monter à l’étage une bibliothèque entière, puis déplacer un piano d’un coin du salon au coin opposé. Toute seule. Et elle a alors réalisé que c’était trop pour elle : elle s’est exécutée, sans se plaindre, de peur d’être virée et de ne plus pouvoir empocher les dollars qui embellissaient sa vie et celle de sa famille; pis, elle n’en a pas non plus parlé à sa mère, de peur de se faire dire qu’elle chialait pour pas grand’chose.
Qu’a-t-elle fait? Car cela ne pouvait pas continuer ainsi, pensait-elle…
Eh bien, elle a pris son courage à deux mains et s’est confiée à son père, à un moment où ils étaient seuls tous les deux à la cuisine:
«Je lui ai fait part de ce qui me dérangeait dans mon travail, je lui ai donné des détails et des exemples précis, et lui m’a écouté sans rien dire, il m’a comprise, ses yeux n’exprimant aucunement des pensées du genre «Oh, ma pauvre petite, comme ce doit être dur pour toi». Il a saisi que j’étais à la recherche d’une solution, et non pas de réconfort.
«Il a posé sa tasse de café et dit : «Écoute. Ta vie n’est pas dans cette maison où tu travailles. Ta vie est ici, dans notre maison, au sein de notre famille. Va au boulot. Gagne de l’argent. Et puis reviens à la maison.»
«C’est ce qu’il a dit. Et voici ce que j’en ai retiré :
1. Quel que soit ton travail, fais-le bien; ne le fais pas pour ton patron, mais pour toi-même.
2. C’est toi qui fais le travail; ce n’est pas le travail qui doit te faire.
3. Ta vraie vie est au sein de ta famille, pas ailleurs.
4. Tu n’es pas le travail que tu fais; tu es la personne que tu es.
«Depuis cette discussion, j’ai travaillé pour toutes sortes de gens, des génies comme des abrutis, des vifs d’esprit comme des imbéciles, des généreux comme des pingres. J’ai occupé de nombreux types d’emploi, mais je n’ai plus jamais mis en parallèle la quantité de travail que j’abattais et la qualité de la personne que j’étais, je n’ai plus jamais placé la sécurité d’emploi au-dessus de mes valeurs.»
C’est sur ces mots que se termine son texte. Un texte formidable, n’est-ce pas?
L’idée n’est pas de se contenter du travail qu’on nous donne, et, jour après jour, de «faire la job». Loin de là. L’idée, c’est plutôt de placer notre «éthique personnelle» au-dessus de tout.
Certes, l’emploi qu’on occupe n’est peut-être pas idéal, mais l’important est de le faire bien pour soi-même, et par suite, d’accomplir chacune de nos tâches en concordance avec nos valeurs, avec l’estime que nous avons de nous-mêmes.
Pourquoi? Tout bonnement parce que c’est là un excellent moyen d’œuvrer en harmonie. Oui, en harmonie avec soi-même ainsi qu’avec l’écosystème dans lequel nous évoluons. Et non plus de se «laisser bouffer» par son travail, comme cela arrive malheureusement trop souvent, de nos jours.
Selon Toni Morrison, il convient d’apporter le meilleur de soi au travail et de s’arranger pour exprimer son plein potentiel autant que possible. Et ce, même si le travail est certains jours plus dur qu’à l’habitude. Bref, il faut trouver le moyen de s’épanouir dans le cadre de son quotidien au travail. Oui, s’épanouir, c’est-à-dire d’être heureux et efficace. Et le tour sera joué!
Cerise sur le sundae : l’écrivaine américaine vous fournit une règle à suivre pour y parvenir, en quatre points. À vous, donc, de l’adopter et, le cas échéant, de corriger le tir comme il se doit.
En passant, Toni Morrison a dit dans Playing in the dark : «Mon projet naît du désir, pas de la déception».
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