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Employeurs, connaissez-vous les «vacances en douce»?

Olivier Schmouker|Publié à 08h19

Employeurs, connaissez-vous les «vacances en douce»?

Les vacances en douce, ça revient à prendre un congé sans en parler à personne, ni à son gestionnaire, ni à ses collègues, ni même, parfois, à ses proches ou à ses amis. (Photo: 123RF)

MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudis. Vous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca

Q. – «J’ai des doutes. Une collègue a obtenu le droit de télétravailler toute une semaine cet été, et depuis elle s’est mise à flouter l’arrière-plan de son image quand on est en visio. De plus, ça lui prend parfois plusieurs heures avant de répondre à un courriel. Travaille-t-elle vraiment?» – Roxanne

R. — Chère Roxanne, l’avènement du télétravail a fait naître une nouvelle tendance aux États-Unis, dénommée quiet vacationing et que l’on peut traduire par «vacances en douce». Ça ne m’étonnerait pas que cette tendance parvienne à présent chez nous, au Québec…

Les vacances en douce, ça revient à prendre un congé sans en parler à personne, ni à son gestionnaire, ni à ses collègues, ni même, parfois, à ses proches ou à ses amis. L’idée est de s’offrir des mini-vacances sous le couvert du télétravail.

Concrètement, cela peut revenir à prendre une fin de semaine prolongée, en télétravaillant le lundi depuis son chalet, plusieurs heures d’affilée afin d’effectuer le minimum exigé, mais pas nécessairement toute la journée. Ou encore, à passer carrément une semaine dans les Caraïbes en travaillant le matin et en profitant de la plage l’après-midi.

Bien entendu, la discrétion est de mise. D’où le fond d’écran flouté lorsqu’on est en visioconférence, ou bien les retards inhabituels dans la réponse aux courriels, comme vous le notez Roxanne. Car l’employeur n’apprécierait sûrement pas l’initiative prise par son employé…

Le phénomène est-il répandu? Beaucoup plus que ce qu’on imagine, comme en atteste un récent sondage Harris mené chez notre voisin du Sud. Sous le couvert de l’anonymat, 4 travailleurs américains sur 10 reconnaissent avoir déjà pris des vacances en douce. La proportion grimpe à 61% auprès de la génération Z, soit ceux qui sont nés entre 1997 et 2010.

Selon Libby Rodney, responsable de la stratégie chez Harris, l’intention de la plupart de ceux qui prennent des vacances en douce n’est pas de tromper, ni d’arnaquer leur employeur, mais plutôt de contourner un problème récurrent de nos organisations qui ne jurent que par la productivité maximale: la pression à donner notre 110% en tout temps. Un signe ne trompe pas à cet égard: des sondages du site web Expedia.ca montrent de manière récurrente que 1 Canadien sur 2 ne prennent pas tous les congés auxquels ils ont droit.

Pourquoi ça? Pour mille et une mauvaises raisons:
– Le quart d’entre eux se disent trop occupés pour pouvoir s’absenter ;
– Un autre quart craignent de mal paraître aux yeux de leur boss si jamais ils prenaient tous leurs congés.

En parallèle, 70% des travailleurs canadiens déplorent le fait qu’ils n’ont pas assez de vacances…

Ce paradoxe apparent traduit, en vérité, le fait qu’il est complexe de prendre des vacances! Beaucoup plus complexe que ce que peuvent croire les employeurs. Et pour se simplifier la vie, eh bien, certains recourent à des ruses comme les vacances en douce.

Roxanne, si votre collègue prend bel et bien des vacances en douce, ne la condamnez pas. Tentez plutôt de comprendre pourquoi elle en est réduite à ce subterfuge pour pouvoir enfin respirer un peu, profiter du soleil, prendre du bon temps. Demandez-vous si vous ne gagneriez pas à initier une discussion sur les vacances au sein de votre équipe, voire de votre organisation. À prendre le temps de découvrir pourquoi certains ne prennent pas tous leurs congés de manière normale. Je suis sûr que cela ferait le plus grand bien à tout le monde…

D’ailleurs, permettez-moi de vous signaler que les études scientifiques abondent concernant les bienfaits des vacances. Ainsi, prendre des congés rend plus productif, augmente la performance individuelle, réduit le stress, améliore le bien-être, et fait donc de chacun un meilleur travailleur. Tout simplement.

En passant, l’auteur français Jean-Marie Gourio a noté dans ses Brèves de comptoir: «La meilleure condition de travail, c’est les vacances».