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Les entreprises surveillent peu le recours à l’IA générative

Catherine Charron|Mis à jour le 09 septembre 2024

Les entreprises surveillent peu le recours à l’IA générative

«C’est un angle de mort, croit la directrice générale de l’Ordre des CRHA, Manon Poirier.

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RHÉVEIL-MATIN. Encore très peu d’entreprises se sont intéressées à l’utilisation que leurs employés font des outils d’intelligence artificielle générative comme ChatGPT ou sur les conséquences que ça aura sur leur main-d’œuvre, a révélé l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA) le 5 septembre 2024.

D’après le coup de sonde passé auprès de 340 de ses membres en août 2024, seuls 9% des répondants ont dit avec certitude que leur organisation a «mesuré le degré d’utilisation individuelle par leur main-d’œuvre», rapporte-t-on.

«C’est un angle mort, croit la directrice générale de l’Ordre, Manon Poirier. L’utilisation qu’en font les employés dans le cadre de leur travail est un phénomène que les organisations ne semblent pas encore avoir documenté ou pris en compte. Ça comporte des risques.»

À l’automne dernier, lorsque l’Ordre a mené sa propre enquête interne auprès des membres de son équipe, près des trois quarts ont dit s’en servir. Pour minimiser les risques, des principes d’utilisation ont donc été adoptés.

C’est ce qu’a aussi fait ou que compte faire le tiers des CRHA interrogés, qu’ils se soient penchés sur l’emploi de l’IA ou pas. Dans plus de 60% des cas, toutefois, la direction ou les gestionnaires n’ont pas été formés sur les dangers que comportent ces technologies.

Pourtant, près de 87% des membres de l’Ordre questionnés reconnaissent qu’il y en a, du moins dans le cadre de leurs fonctions. Les principales raisons qui alarment les CRHA quant à son utilisation sont «la prise de décision basée sur des algorithmes sans avoir l’assurance de la qualité des données», la protection de la confidentialité et les biais de la machine. Ils ont respectivement reçu 80%, 68% et 63% des voix.

L’importance accordée à chacune de ces craintes a légèrement évolué depuis la première mouture du sondage en 2022. La confidentialité inquiétait 60% des CRHA préoccupés, alors que les biais étaient mentionnés par 72% d’entre eux. Ce sont des changements occasionnés par la conjoncture, suppose Manon Poirier.

«On est dans une ère où la confidentialité des données est partout. Leur protection figure parmi les priorités des entreprises. Elles doivent encore jongler avec la Loi 25, on a été témoin de vols de données, rappelle-t-elle. Ce n’est pas nécessairement parce qu’on a été rassuré sur l’absence de biais.

Des conséquences sur la main-d’oeuvre encore peu mesurées

Cette deuxième édition de l’étude menée par l’Ordre des CRHA démontre que l’IA gagne du terrain dans les entreprises où on retrouve de ses membres. En 2024, près d’un répondant sur cinq n’avait ou ne comptait pas implanter d’ici deux ans des outils s’appuyant sur l’IA. En 2022, lors de son premier coup de sonde du genre, le double des personnes interrogées était de cet avis.

Ce sont donc 57% qui disent que de tels outils ont été implantés ou, du moins, le seront par l’organisation. En avril 2022, ce chiffre atteignait plutôt 36%.

Peu d’entreprises se sont toutefois penchées sur l’incidence de son adoption sur les travailleurs. «À peine 8%», souligne-t-on dans le rapport d’une quinzaine de pages. Pourtant, 63% des répondants croient que ça aurait de grandes répercussions sur les tâches qu’ils accompliront.

«Si tu n’es pas capable d’anticiper quelles conséquences aura l’IA sur ton équipe, tu ne peux t’assurer d’être efficient et optimal dans la reconfiguration des postes, prévient Manon Poirier. Tu ne fais pas le développement des compétences appropriées pour que tes employés qui seront les plus affectés puissent se replacer.»

S’y intéresser permet ainsi de ne pas laisser derrière des travailleurs dont les aptitudes deviendront désuètes à mesure que l’IA sera intégrée. Ces derniers ont certes un rôle à jouer afin de demeurer un atout pour l’entreprise, mais son employeur doit l’accompagner, estime la directrice générale. Au-delà de leurs compétences techniques, ces personnes ont peut-être de fines connaissances informelles que l’organisation ne devrait pas se départir.

«Le patron doit penser à la réorganisation du travail, sa planification de la main-d’œuvre. Il faut se demander ce que l’IA peut apporter de positif, et préparer nos employés en conséquence», résume Manon Poirier.