Au travail, ils sont parmi les plus stressés du monde. (Photo: Michal Matlon pour Unsplash)
MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudis. Vous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca
Q. – «Je lis régulièrement vos chroniques. Je les trouve pleines de trucs pratiques qui permettent de faire une vraie différence au travail, et je vous en remercie. Mais je trouve aussi que vous exagérez parfois: ce n’est pas vrai que la vie des employés est un cauchemar perpétuel et que les gestionnaires sont tous méchants et manipulateurs! Chez nous, par exemple, je ne vois que sourires et bonne humeur, tout en affichant une belle performance.» – Marc-André
R. – Cher Marc-André, à mon tour de vous remercier pour votre commentaire à la fois positif et constructif. Je suis heureux d’apprendre que je fais œuvre utile avec la chronique «Maudite job!». Et je suis enchanté de découvrir que vous évoluez dans une organisation où règnent le bonheur et l’efficacité.
Néanmoins, permettez-moi de considérer que vous devez être la fameuse exception qui confirme la règle. Car non, la joie de vivre n’est pas la norme au travail, à tout le moins au Canada. J’en veux pour preuve, s’il en faut vraiment une, la toute dernière étude «State of the Global Workplace: 2023 Report» du cabinet-conseil en management Gallup.
Ce rapport annuel donne le pouls des organisations à l’échelle de la planète, et en particulier au Canada. Il permet de se faire une juste idée de leur état de santé. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que les organisations canadiennes ne sont pas, en général, en pleine forme. Loin de là.
– Une motivation qui laisse à désirer. Seulement 21% des Canadiens se sentent engagés envers leur travail. Quant aux autres, soit ils travaillent juste pour la paie (62%), soit ils sont totalement désengagés (17%), et cherchent ailleurs une job plus tripante, parfois même sur leurs heures de travail.
– Parmi les plus stressés du monde. 56% des Canadiens se disent stressés «la majeure partie de la journée» au travail. Ce pourcentage est parmi les plus élevés du monde, le record revenant à la Turquie (68%), suivie par le Liban (67%) et par la Grèce (60%). En guise de comparaison, la Chine affiche un pourcentage de 55%.
– 1 Canadien sur 6 est en colère au travail. Le rapport montre que 17% des Canadiens se disent carrément en colère «la majeure partie de la journée» au travail. Ce pourcentage grimpe à 20% pour ceux qui ont moins de 40 ans, ce qui tend à montrer que les employés en début et en milieu de carrière sont ceux qui vivent le plus de frustrations professionnelles: difficultés à concilier travail et vie privée; rémunération qui n’est pas à la hauteur de leurs attentes; évolution de carrière moins rapide que prévu; etc.
– 3 Canadiens sur 5 veulent changer de job. 60% des salariés canadiens sondés disent qu’en ce moment même, c’est un bon moment pour changer de job. Là encore, c’est un des pourcentages les plus élevés du monde, le podium étant composé du Koweit (84%), du Mali (73%) ainsi que du Laos et du Danemark (tous deux 70%). À noter, par ailleurs, que 56% des Canadiens âgés de moins de 40 ans avouent, sous le couvert de l’anonymat, qu’ils sont activement à la recherche d’un nouvel emploi. Et que ce pourcentage est de 44% pour les seuls gestionnaires: ça signifie que si vous comptez 5 gestionnaires dans votre organisation, il y en a aujourd’hui 2 qui sont en train de regarder ailleurs dans l’espoir que l’herbe y sera plus verte!
Tout ça, Marc-André, m’amène à croire que votre organisation doit être un véritable bijou, ou bien que votre information concernant l’état d’esprit actuel des employés ne reflète pas totalement la vérité. Quoi qu’il en soit, la conclusion saute aux yeux, me semble-t-il: employeurs, prenez le plus grand soin de vos employés, car ils ne vont pas bien! Oui, n’attendez pas que la situation s’aggrave davantage et que tout ça vous pète au visage. Il en va sûrement de la pérennité de votre organisation. Ni plus ni moins.
En passant, le penseur chinois Mencius a dit dans «Le Livre des livres»: «La bienveillance est sur le chemin du devoir».