Les trucs d’Isabelle Hudon pour briser les plafonds de verre
Catherine Charron|Mis à jour le 08 novembre 2024Isabelle Hudon, PDG de la BDC
Il y avait un je ne sais quoi d’inspirant à observer des femmes comme Kamala Harris briguer des postes aussi convoités que le siège du Bureau ovale. À celles qui n’osent pas demander cette promotion tant convoitée ou la gestion de nouvelles responsabilités, voici les conseils d’autres femmes qui ont su briser des plafonds de verre.
Isabelle Hudon a-t-elle déjà senti l’effet du plafond de verre? Son parcours est loin d’une balade tranquille en forêt un dimanche matin, lui qui a été jonché de défis qu’elle a acceptés, qu’elle a créés, reconnaît-elle.
Néanmoins, «si le plafond de verre était là, soit je l’ai brisé, soit je ne l’ai pas laissé descendre assez bas pour m’y cogner la tête, dit celle qui a dirigé la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, la Sun Life et la BDC. Je ne veux pas laisser l’impression que ça a été facile, mais je crois que les défis que j’ai rencontrés n’étaient pas uniquement liés à mon genre.»
Au contraire, Isabelle Hudon s’est souvent servi de cette différence à son avantage, mettant à profit la perspective distincte qu’elle lui donnait. Seule femme dans des espaces remplis d’hommes, elle ne s’est pour autant jamais mis la pression d’atteindre la perfection pour éviter que ses échecs ne compliquent la tâche aux autres qui pourraient lui emboîter le pas.
«On doit plutôt viser l’excellence, estime-t-elle. Espérer être parfaite avant de commencer, c’est un biais qui nous fait tourner en rond, qui nous amène à être déçues de nous-même. On ne peut réussir l’ensemble des choses que l’on fait.»
Celle qui n’a jamais été intimidée par les détours croit qu’elle a développé cette aisance à être différente tôt dans son parcours, car elle n’est pas restée longtemps sur les bancs d’école. C’est peut-être aussi pour cette raison qu’elle n’est pas tombée dans le piège d’envisager qu’une seule voie pour arriver à ses fins.
Isabelle Hudon ne s’efforce pas non plus de plaire à tout le monde. La tâche est en soi impossible, surtout lorsqu’on se rapproche du sommet de l’organisation. Les décisions que l’on prend alors risquent de froisser quelques plumes.
«Pourquoi tente-t-on de faire quelque chose qu’on n’impose même pas aux autres, et à juste titre? dit-elle. Cette fichue quête n’est pas un bon objectif. Ça nous amène à des comportements parfois désalignés avec nos valeurs et nos cibles. Ça ne veut pas dire pour autant de ne pas aspirer à entretenir de bonnes relations.»
Réfléchir ne rime pas avec imposture
Se demander si la route à emprunter est la bonne ou si on est en paix avec les décisions prises jusqu’à présent, faire preuve d’humilité et éviter de tomber dans la complaisance sont tout à fait sain, estime la PDG de la BDC. Ce qui l’est un peu moins, c’est quand ces questions «nous plongent dans une spirale de négativisme».
Elle compare le syndrome de l’imposteur à un petit singe qu’on laisserait se poser sur son épaule afin de susurrer à l’oreille de son hôte des idées persécutrices. Au contraire, les femmes qui aspirent à davantage de responsabilités devraient le chasser, et du même coup se concentrer sur tout ce qu’elles amènent à la table plutôt que sur ce qui leur manque.
Cela ne veut pas dire pour autant d’être dupé par son ego, de manquer d’humilité et d’être hermétiques aux connaissances des autres. D’autant que c’est en étant bien entouré qu’un leader livre non seulement des résultats plus solides, mais surtout plus durables, lui a appris un de ses premiers mentors lorsqu’elle était dans la jeune trentaine.
«Je n’ai jamais dérogé de ce conseil et crois moi, j’ai eu plusieurs fois des rôles de leadership pour lesquels j’avais besoin de m’entourer de gens plus forts que moi pour réaliser ce que je souhaitais. Ça prend de la générosité, de laisser de l’espace, mais aussi de tenir son bout.»
Il l’a toutefois mis en garde: faire une telle chose est exigeant au quotidien, puisque ces personnes challengeront les idées. Ça peut amener les leaders à douter, certes. C’est également l’occasion d’apprendre et de se dépasser.
Des périodes de remise en question, Isabelle Hudon en a surtout rencontré au début de sa carrière, n’ayant pas de diplôme accroché au mur pour prouver tout ce qu’elle était capable d’accomplir. Elle ne s’est cependant jamais laissé engluer par le doute.
«Si on ne nourrit pas sa propre confiance, qui va le faire? demande-t-elle. C’est crucial de le faire, sans quoi il sera très difficile de gravir les échelons.»
C’est plus facile à dire aujourd’hui, après avoir une feuille de route aussi bien garnie que la sienne, reconnaît-elle. N’empêche, elle a toujours eu des convictions et un caractère fort. «Je sais ce que je suis capable de faire, ce que je ne sais pas, ce que ça me tente d’apprendre ou pas. […] Presque tout est possible dans la vie, encore faut-il y croire.»