Les trucs de Dominique Anglade pour briser les plafonds de verre
Catherine Charron|Mis à jour le 08 novembre 2024Dominique Anglade, professeure associée à HEC Montréal (Photo: courtoisie)
Il y avait un je ne sais quoi d’inspirant à observer des femmes comme Kamala Harris briguer des postes aussi convoités que le siège du Bureau ovale. À celles qui n’osent pas demander cette promotion tant convoitée ou la gestion de nouvelles responsabilités, voici les conseils d’autres femmes qui ont su briser des plafonds de verre.
Pour ne pas être limitée par le plafond de verre, Dominique Anglade, aujourd’hui professeure associée à la Direction de la transition durable de HEC Montréal, a mis en place de nombreux mécanismes tout au long de sa carrière.
«J’ai pris le problème à l’envers, dit l’ancienne cheffe du Parti libéral du Québec. Je me suis demandé ce que je devais faire pour que ça n’arrive pas.»
Dominique Anglade a adopté une telle attitude tôt dans son parcours, lorsqu’elle débutait son aventure chez Procter & Gamble en Ontario. Elle aspirait alors à devenir celle qui serait nommée le plus rapidement à la tête de son département. «Quand j’ai commencé à travailler, j’étais quatre fois une minorité: j’étais une jeune femme francophone noire. Si on se fit qu’à mes attributs, je ne me rendrais nulle part», explique-t-elle.
Dominique Anglade a donc mis cartes sur table auprès de son organisation. «On m’a dit que ça prenait habituellement quatre ans, raconte-t-elle. Je ne souhaitais pas qu’après trois ans, trois ans et demi dans la boîte, on me dise qu’il me manquait quelque chose.»
Son audace a été récompensée puisqu’un plan de développement a été bâti afin qu’elle ait en main toutes les compétences nécessaires pour prendre les rênes le jour venu.
Elle a adopté une approche similaire au moment de négocier sa rémunération. Ayant vu moult études qui mettaient en lumière le fait que les femmes obtenaient des salaires plus bas que leurs homologues masculins, elle a gonflé de 30% le montant qu’elle espérait recevoir au moment de passer chez Nortel.
«Mon mentor m’a alors dit que j’avais eu du front de demander une telle chose. Finalement je n’ai pas eu ce montant, mais j’étais la personne la mieux payée de mon département», rapporte la professeure associée, sourire dans la voix.
Oser prendre la place
Pour défaire les préjugés à son égard, l’ancienne cheffe du Parti libéral du Québec s’est aussi toujours assurée d’être solidement préparée. Elle prévoyait même en amont quelques questions afin d’être parmi les premières à prendre la parole.
Dominique Anglade ne souhaitait surtout pas donner raison à ceux qui s’imaginaient qu’une personne comme elle n’oserait pas briser la glace. «Je me suis forcée à prendre l’habitude même si je n’étais pas toujours à l’aise. Parfois, tu poses des questions un peu ridicules, mais qui n’en pose pas?», demande-t-elle.
Ainsi, en se mettant dans des situations difficiles, l’ancienne politicienne élargissait chaque fois sa zone de confort, gagnant en aise dans des milieux différents.
Si elle est arrivée à adopter de tels mécanismes, à «se gouverner» pour ne pas être limitée par le plafond de verre, croit Dominique Anglade, c’est en partie grâce à la confiance en elle qui lui a été inculquée dès son plus jeune âge.
«C’est fou l’impact que mon père a eu sur ses filles en leur disant que rien n’est impossible, qu’elle pouvait accéder à tous les postes. Mon père croyait plus en nous que nous en nous-même.»
Cette confiance n’était pas pour autant aveugle. À l’occasion, Dominique Anglade s’est demandé si elle était la bonne personne pour un emploi, si elle avait les qualités et les compétences pour mener à bien d’importants projets, sans pour autant douter de sa valeur.
C’est notamment pourquoi elle a autant de mal avec l’appellation du «syndrome de l’imposteur». Ce concept a été d’après elle popularisé afin de «garder les femmes en place», d’associer à la maladie le fait de se questionner. «C’est tout à fait sain. L’imposteur c’est la personne qui n’y pense jamais», ajoute la leader.
Tracer cette fine ligne entre une remise en question et le doute n’est pas facile, concède Dominique Anglade. Il lui a toutefois été nécessaire de le faire pour mener le parcours professionnel qu’elle a eu. Et encore aujourd’hui, elle applique ce principe.
«Je suis maintenant dans le milieu universitaire. Je n’ai jamais fait de recherche de ma vie. Développer des connaissances sur un thème, oui. Je vais apprendre les compétences qu’il me manque, tout en apportant ma propre intelligence. Peu de personnes avec mon bagage ont décidé de s’impliquer de cette manière-là, je vais donc apporter autre chose.»
Reconnaissant aujourd’hui où se trouvent ses forces, Dominique Anglade battit là-dessus sa contribution à une équipe. Une telle connaissance d’elle-même s’obtient toutefois à la dure, prévient-elle.
«Just say yes, then figure it out»
«Just say yes, then figure it out.» Voilà l’une des phrases qui a le plus marqué Dominique Anglade dans son parcours professionnel.
Ainsi, même si les défis qui lui étaient présentés pouvaient lui sembler imposants, elle préférait saisir l’occasion. S’il lui est arrivé à quelques reprises de se mordre les doigts, avoue Dominique Angalde, elle est toujours parvenue à s’en tirer. Encore faut-il aimer les défis, reconnaît la co-cheffe à la Direction à la transition durable.
Ce qui lui a toutefois le plus servi, c’est cette confiance qu’elle avait en ses capacités, croit-elle. Pour la nourrir, elle a su s’entourer des bonnes personnes, et pas que dans la sphère professionnelle.
«Il faut se débarrasser des boulets dans nos vies, conseille-t-elle. On en parle peu. J’en connais plein des personnes extraordinaires qui ont été limitées par des partenaires nuls, qui les ont tirées vers le bas. La vie est trop courte. […] Il faut se sortir de ça. D’être bien accompagnée, c’est ce qui me donne des ailes.»