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L’immense et désespérante solitude des RH

Olivier Schmouker|Publié le 19 août 2019

L’immense et désespérante solitude des RH

Une éprouvante solitude... (Photo: Austin Distel/Unsplash)

Aujourd’hui, j’ai une question qui tue à vous poser. Prêts? OK, la voici : «Si jamais le service des ressources humaines (RH) vous appelait, là, maintenant, sans prévenir, que penseriez-vous?»

Que c’est pour vous annoncer un changement dans le personnel? Que c’est pour vous demander de vite remplir un énième formulaire? Ou plutôt que c’est parce que vous êtes personnellement dans l’eau chaude?

Hein? Dites-moi, quelle pensée traverserait alors votre tête comme la foudre?

Bon. Pourquoi cette interrogation, à votre avis? Tout simplement pour vous rassurer, dans un sens : vous n’êtes pas seul à sentir une goutte de sueur froide couler le long de votre colonne vertébrale lorsque les RH veulent entrer en contact avec vous. C’en est même désolant, comme l’indique un sondage mené par Léger pour le compte du cabinet-conseil en ressources humaines ADP Canada:

– Licenciements. Au Canada, la moitié des employés (45%) affirment que s’ils recevaient un appel inopiné des RH, ils penseraient que c’est pour leur dire qu’il y a du mouvement dans le personnel (et qu’ils sont directement concernés par celui-ci).

– Tâche administrative. 39% pensent que ce serait pour remplir un nouveau formulaire.

– Ennuis. 26% croient que c’est parce qu’ils vont avoir des «ennuis».

Autrement dit, tout le monde, ou presque, considère que c’est mauvais signe lorsque les RH souhaitent parler à un employé en particulier.

Ce n’est pas tout. Le sondage met également au jour le fait que nombre d’employés n’ont pas d’idée claire de ce que font les RH au quotidien:

– 37% de ceux qui travaillent dans une entreprise dotée d’un service de ressources humaines estiment que le recrutement et l’embauche sont les grands attributs des RH.

– 20% croient que la gestion de la paie et des avantages sociaux est l’activité principale, pour ne pas dire unique, des RH.

– Moins de 30% estiment que les RH ont un rôle à jouer en matière de bien-être, de développement professionnel, de reconnaissance de la performance, ou encore de respect des droits des employés.

On le voit bien, le travail et les efforts des RH passent inaperçus. D’ailleurs, 37% des employés canadiens affirment que si, chez eux, le service des ressources humaines venait à disparaître, cela n’aurait guère d’incidence sur l’organisation!

Stupéfiant, n’est-ce pas? Et pourtant, c’est là un fait : les RH vivent bel et bien une immense et désespérante solitude au sein de nos organisations…

Que faire pour corriger le tir? Trois choses, je pense : communiquer, communiquer et communiquer.

Les RH ont en effet tout à gagner à mieux communiquer avec les employés, c’est-à-dire de mieux faire connaître les services qu’ils peuvent rendre à chacun.

Quant à moi, en toute modestie, j’aimerais apporter ma petite contribution en ce sens, à l’aide d’un petit retour en arrière dans le passé…

Avez-vous déjà entendu parler de Henri Fayol? Cet ingénieur français du début du XXe siècle est l’auteur du livre L’Administration industrielle et générale, paru en 1916, lequel en a fait l’un des pionniers du management. C’est qu’il y a considéré l’entreprise comme un «corps social» qui ne pouvait vivre et croître qu’à condition que toutes ses parties évoluent en harmonie, et a ainsi réalisé que cela n’était possible qu’à condition qu’un «liant» les aide toutes à y parvenir. Ce liant? C’est bien entendu ce qu’on appelle aujourd’hui les RH.

Aux yeux de Henri Fayol, le liant se doit de remplir quatre missions principales:

1. L’administration du personnel. Soit la récolte et l’analyse de données individuelles et collectives sur les employés, ou encore le respect des règlements et, le cas échéant, l’application de sanctions.

2. La gestion. Soit l’acquisition d’employés, ou encore la gestion des rémunérations.

3. La communication interne. Soit la rédaction du bilan social de l’organisation, ou encore la production et la diffusion du journal d’entreprise.

4. Les conditions de travail. Soit l’hygiène et la sécurité, ou encore la prévention des maladies professionnelles.

«Ainsi comprise, l’administration n’est pas le privilège du chef, malgré qu’elle tienne dans son rôle une grande place, elle se répartit, comme les autres fonctions essentielles, entre la tête et les membres du corps social», a dit en 1925 l’ingénieur français Henri Verney à l’occasion d’un discours visant à résumer la doctrine administrative développée par Henri Fayol.

Et d’ajouter, en guise d’exemple d’intervention pertinente du liant : «L’union et l’harmonie dans le personnel sont une grande force à développer; les conflits et les malentendus qui pourraient se résoudre dans une conversation s’enveniment souvent par correspondance; avec des relations verbales on gagne en rapidité, en clarté et en harmonie; l’abus des communications écrites se traduit en surcroît de besogne, lenteurs et complications».

D’ailleurs, Henri Fayol le disait lui-même : «Un talent réel est nécessaire pour coordonner l’effort commun, pour encourager l’enthousiasme, pour utiliser les capacités de chaque personne, et pour récompenser chacun à son mérite sans réveiller des jalousies potentielles et déranger des rapports harmonieux».

Et ce talent, vous savez quoi, il appartient aux RH d’en user. Mieux, d’en être le garant afin d’assurer une harmonieuse croissance individuelle et collective au sein de l’écosystème que représente l’entreprise. Ni plus ni moins.

Bref, il est urgent pour les RH de revenir aux fondamentaux, et d’expliquer à chacun la pertinence de son rôle, pour ne pas dire de sa mission. Puis d’aller au-delà, en en apportant la preuve concrète à chacun, oui, en prouvant ses dires par des actions judicieuses…

Et si vous innoviez à l’aide d’initiatives boostant réellement le bien-être des employés : verdir le lieu de travail; proposer une journée de télétravail par semaine; offrir la semaine de quatre jours; etc.

Et si vous innoviez à l’aide d’initiatives boostant réellement les droits des employés : bannir toute utilisation des courriels en-dehors des heures de travail, fins de semaine comprises, histoire de permettre à chacun de vraiment décrocher du travail; etc.

Et si vous innoviez à l’aide d’initiatives diminuant réellement le stress des employés : offrir les services d’un conseiller en finance personnelle, histoire de permettre à chacun de ne plus ressentir le stress financier, encore aujourd’hui tabou au travail; etc.

Oui, et si vous osiez enfin innover radicalement, et reprendre ainsi la place qui vous revient de plein droit au sein de nos organisations, c’est-à-dire celle du liant entre toutes les parties existantes…

En passant, Akio Morita, le cofondateur de Sony, aimait à dire: «Tout le monde peut innover, si sa vie en dépend».

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