L’utilisation exclusive du français au travail a connu une baisse
La Presse Canadienne|Publié le 07 mars 2024La proportion de Québécois qui utilisent exclusivement le français au travail est passée de 39,5% en 2016 à 32,2% en 2023, selon l'OQLF. (Photo: La Presse Canadienne)
La proportion de Québécois qui utilisent uniquement le français au travail est en baisse dans la province, alors que de plus en plus de travailleurs doivent incorporer l’anglais à leur quotidien, selon les plus récentes données de l’Office québécois de la langue française (OQLF).
Dans l’édition 2023 de son rapport sur la Langue de travail au Québec, publiée jeudi, l’OQLF a révélé que 66% des travailleurs adultes utilisent le français au moins 90 % du temps dans le cadre de leur emploi, soit une proportion similaire à celles de ses études de 2016 (67%) et de 2010 (66%).
Toutefois, même si «le français a toujours sa place sur le marché du travail québécois», l’OQLF a noté que «les travailleuses et travailleurs du Québec l’accompagnent de plus en plus de l’anglais dans le cadre de leurs fonctions».
Cela fait en sorte que la proportion de Québécois qui utilisent exclusivement le français au travail est passée de 39,5% en 2016 à 32,2% en 2023.
«Cela démontre qu’il reste encore beaucoup de travail à faire pour que le français reprenne la place qui lui revient. Travailler en français, c’est un droit inscrit dans la Charte de la langue française», a réagi le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, par écrit.
Lorsque les répondants à l’étude de l’OQLF ont été questionnés sur les raisons qui les poussent à utiliser une autre langue que le français au travail, 30,6 % ont répondu qu’ils doivent le faire principalement pour servir une clientèle, communiquer avec des personnes ou consulter des documents de l’extérieur du Québec, tandis que 29,3% d’entre eux ont dit devoir le faire pour servir une clientèle québécoise parlant une autre langue.
Ils ont été 16,2% à répondre que leurs collègues parlent d’autres langues que le français ou que les réunions se font dans une autre langue que le français au sein de leur entreprise.
Surtout chez les jeunes
Les jeunes sont particulièrement affectés par ce phénomène.Chez les 18 à 34 ans, seuls 22,3% des travailleurs utilisent exclusivement le français dans le cadre de leur emploi, soit presque deux fois moins que ceux de 55 ans et plus (41,3%).
Ces données confirment que «les travailleuses et travailleurs plus jeunes utilisent moins le français au travail que les plus âgés», a souligné l’OQLF dans son rapport.
«Plus largement, 58,2% des travailleuses et travailleurs de 18 à 34 ans travaillent en français au moins 90% du temps, alors que c’est le cas pour plus des deux tiers (68,9%) des personnes de 45 à 54 ans et pour 70,5% de celles de 55 ans et plus», a précisé l’OQLF.
L’Office a également observé un lien entre le niveau de scolarité et l’utilisation de l’anglais, notant que les personnes ayant un plus haut niveau d’études font une plus grande utilisation de l’anglais au travail.
Il a relevé que les personnes qui détiennent un diplôme d’études professionnelles (DEP), un diplôme d’études secondaires ou qui n’ont pas de diplôme sont proportionnellement plus nombreuses à utiliser exclusivement ou généralement le français au travail (72,1%) que celles qui ont un diplôme universitaire (54,9%).
Pas seulement à Montréal
Sans surprise, la proportion de travailleurs qui utilisent uniquement le français dans leur quotidien professionnel est plus faible à Montréal (18%) que dans l’ensemble de la province (32,2%).
Malgré tout, selon l’OQLF, «l’usage du français au travail est demeuré stable sur l’île de Montréal» entre ses enquêtes de 2010 et 2023. C’est plutôt à l’extérieur de la métropole qu’un changement a été observé.
«Dans l’ensemble du Québec, à l’exception de l’île de Montréal, les travailleuses et travailleurs ont tendance à délaisser l’utilisation exclusive du français pour une utilisation générale. Ainsi, la proportion de personnes faisant une utilisation exclusive du français a diminué de 7,9 points de pourcentage, passant de 46,7% en 2010 à 38,8% en 2023», a souligné l’Office.
À l’échelle provinciale, les personnes qui sont capables de s’exprimer tant en français qu’en anglais sont d’ailleurs plus souvent appelées à parler en anglais au travail.
Si le quart (25,8%) des travailleurs en mesure de s’exprimer dans les deux langues travaillaient exclusivement en français en 2016, ils représentaient plutôt un cinquième (20,4%) en 2023, signe que plus d’entre eux travaillent généralement en français tout en étant appelés à utiliser l’anglais de temps à autre.
Les anglophones travaillent plus en français
Dans sa déclaration écrite, le ministre Roberge s’est réjoui de voir que la proportion de personnes anglophones qui travaillent exclusivement ou généralement en français est en hausse depuis 2010, alors que celle-ci est passée de 8,2% en 2010 à 13,7% en 2023.
«C’est une avancée qui a été possible grâce à la loi 96, mais nous sommes conscients qu’on doit en faire plus», a-t-il reconnu. Adopté en mai 2022, le projet de loi 96, présenté par le gouvernement comme une modernisation de la Charte de la langue française, a imposé des obligations aux employeurs pour assurer le respect du droit des travailleurs à exercer leurs activités en français.
Plus de la moitié des anglophones (54,0%) disent toujours utiliser le français occasionnellement au travail, soit moins de 50% du temps.
L’OQLF a produit son rapport à la suite d’un sondage réalisé entre mai et septembre 2023 auprès de 7932 travailleurs de partout au Québec.
Par Mathieu Paquette, La Presse Canadienne