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Geneviève Desmarais

Bienveillance au boulot

Geneviève Desmarais

Expert(e) invité(e)

Mais où est passé le courage managérial?

Geneviève Desmarais|Publié le 12 octobre 2023

Mais où est passé le courage managérial?

«Bien des gestionnaires préfèrent les décisions populaires, celles qui ne froisseront personne et qui surtout ne risquent pas de faire baisser leur cote de popularité», estime Geneviève Desmarais. (Photo: 123RF)

EXPERTE INVITÉE. Quelle belle qualité que le courage! En gestion, il s’agit sans contredit d’une compétence de choix, puisqu’elle témoigne d’une «force de caractère qui permet d’affronter le danger», ou encore d’une «ardeur mise à entreprendre une tâche» d’après le Larousse. Alors, pourquoi la retrouve-t-on si peu dans nos environnements de travail?

Dans le cadre de ma pratique de consultation, je constate quotidiennement l’inaction, le refus d’intervenir de gestionnaires qui ont pourtant été mis en courant de situations problématiques. Quotidiennement!

Pourquoi est-ce si difficile d’agir en tant que gestionnaire? Pourquoi a-t-on la trouille et préfère-t-on l’inertie à l’action lorsque vient le temps de faire preuve de fermeté et de force de caractère lors de circonstances difficiles?

 

Le côté sombre de la popularité

Une partie de la solution tient certainement en un mot: popularité.

Bien des gestionnaires préfèrent les décisions populaires, celles qui ne froisseront personne et qui surtout ne risquent pas de faire baisser leur cote de popularité auprès de la masse. Gérer la masse plutôt que les cas problèmes, c’est une tactique pourtant bien peu bénéfique.

Certes, s’abstenir d’intervenir à la salle à café quand Gérard fait des commentaires douteux évitera à Émile, son patron, de se faire coller une étiquette de « trop sensible » ou de se retrouver au milieu d’un débat de générations sur ce qui se disait en 1980 et ce qui ne passe plus en 2023. Ultimement, toutefois, son manque de courage lui fera perdre de la crédibilité auprès de plusieurs (même auprès de la masse, et surtout auprès de la direction) et le mettra à risque en cas de plainte.

Oui, vous avez bien lu. Émile se met en danger en préférant la facilité et la popularité au courage puisque son employeur a l’obligation d’agir dès lors qu’il voit, entend ou qu’on lui rapporte des écarts de conduite. L’inaction n’est jamais une solution.

Diriger une équipe ce n’est pas uniquement faire des horaires, donner des instructions, analyser des statistiques et produire. C’est aussi inspirer, donner l’exemple et, surtout, mettre sa cape de courage lorsqu’il le faut.

 

Développer son sens du courage

Inutile de vous inscrire à des cours de saut en parachute. On parle ici simplement de développer son niveau de confort et son sens de l’intervention.

Si on reprend l’exemple d’Émile qui doit intervenir auprès de Gérard, une intervention en seul à seul pour sensibiliser ce dernier au fait que la civilité est l’affaire de tous est un bon point de départ. Un rappel à tous par la suite des comportements adéquats à adopter en milieu de travail, sans viser Gérard en particulier, passera le message au sein de l’équipe sans miner la cote de popularité du dirigeant.

Intervenir et faire preuve de courage ne sont pas synonyme d’humiliation publique. Il n’est pas nécessaire de rabrouer sévèrement Gérard devant ses pairs pour faire preuve de courage.

Ce n’est pourtant rien de bien compliqué, et la cote de courage (et de popularité) d’Émile pourrait même en bénéficier.

Il est possible de développer son courage managérial en quelques étapes simples lorsqu’une situation difficile se présente :

1) Clarifier sa vision en se questionnant sur la situation, le type d’intervention et le message qu’il est nécessaire de véhiculer. Rattacher son intervention à une politique d’entreprise ou un code de conduite est encore mieux. Plus ce sera clair et plus le gestionnaire aura confiance pour intervenir.

2) Valider sa perception de la situation si nécessaire pour gagner en confiance et avoir la certitude que l’inaction n’est pas une option.

3) Demander du soutien. Inutile de tout vouloir régler seul! Appuyer sa démarche auprès d’une personne de confiance et neutre est sain et fortement encouragé, surtout pour un jeune gestionnaire ou celui qui a été nommé parmi ses pairs – passer de collègue à gestionnaire a malheureusement le pouvoir de freiner le courage.

On a tous un bon fond de courage, suffit de le mettre en pratique avec tact et diplomatie pour gagner autant en confiance… qu’en popularité. Soyons braves, l’audace a la cote!