Malade, vaut-il mieux rester chez soi ou aller au bureau?
Olivier Schmouker|Mis à jour le 13 juin 2024Quand on est malade, la chute d'énergie est parfois si intense qu'il nous est impossible d'être productif. (Photo: Zohre Nemati pour Unsplash)
MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudis. Vous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca
Q. – «L’autre jour, j’étais malade comme un chien: fièvre, tremblements, courbatures, etc. Mon cerveau fonctionnait au ralenti, mais je suis tout de même allé au bureau, car mes collègues avaient absolument besoin de moi ce jour-là. Avec le recul, je m’interroge: aurais-je mieux fait de rester chez moi? Deux collègues sont tombés malades peu après, et c’est probablement à cause de moi…» – William
R. – Cher William, vous vous êtes rendu au travail avec un problème de santé vous empêchant d’être aussi productif qu’à l’habitude. Cela porte un nom, le présentéisme. Et je vais vous expliquer pourquoi c’est quelque chose… à ne jamais faire.
Si cela peut vous rassurer, sachez que le présentéisme est chose courante. Un récent sondage de l’Environics Institute indique que 51% des salariés canadiens vont malgré tout au travail lorsqu’ils sont malades, même s’ils savent pertinemment qu’ils ne seront pas productifs et qu’ils risquent de contaminer leurs collègues. Et ce, pour des raisons aussi nombreuses que variées:
– Ils estiment, comme vous, William, que leur présence est essentielle pour leurs collègues (46%).
– Ils ne peuvent pas se permettre d’avoir une journée non rémunérée (43%).
– Ils craignent de prendre du retard sur leur travail (33%).
– La pression de leur boss est telle qu’ils sentent bien qu’ils ne peuvent pas se permettre de rester chez eux à guérir tranquillement (18%).
– Ils ont l’impression de tourner en rond chez eux et préfèrent passer la journée au bureau, même si ce n’est pas pour y faire grand-chose (13%).
C’est que, dans la majorité des cas (63%), ils estiment que leur maladie n’est pas si incapacitante que ça, montre une étude du Conference Board of Canada. Pourtant, lorsqu’on creuse ce point, on découvre que les symptômes sont souvent conséquents:
– Symptômes de la grippe ou d’une forte fièvre (39,6%).
– Stress intense, anxiété, dépression (24,5%).
– Migraine, vertiges, mal de crâne (22,9%).
– Test positif à la COVID-19 (13,5%).
Oui, vous avez bien lu: plus de 1 fois sur 10, la personne malade a la COVID-19, le sait et va malgré tout au travail! Et ce, même si elle a conscience que cette maladie est hyper contagieuse et qu’elle peut se révéler carrément mortelle pour des collègues vulnérables (souffrant de diabète, d’une maladie cardio-vasculaire, d’une maladie chronique des voies respiratoires, etc.). Effarant, n’est-ce pas?
On le voit bien, le vrai problème ne concerne pas vraiment la personne malade, mais plutôt les conséquences de son comportement irresponsable pour ses collègues immédiats, voire pour l’ensemble de l’organisation.
Peu d’organisations ont conscience des dégâts potentiels du présentéisme. L’étude du Conference Board of Canada montre en effet que la grande majorité des entreprises canadiennes ne mesurent pas l’impact de leurs politiques d’absence sur l’assiduité (81%) ou sur la productivité et/ou la rentabilité (88%).
Pourtant, ce coût est considérable. Selon Matthieu Poirot, fondateur du cabinet-conseil français Midori Consulting spécialisé dans la qualité de vie au travail, le coût du présentéisme pour une PME qui verse en moyenne 74 000 dollars de salaire annuel à chaque salarié, la facture du présentéisme se chiffre de 1 435 dollars à 1 850 dollars, chaque année, par salarié.
Sa conclusion est sans appel: «Les salariés viennent travailler malades pour limiter l’absentéisme, or le présentéisme coûte plus cher que l’absentéisme», résume-t-il. Ce qui signifie qu’à choisir, mieux vaut rester chez soi qu’aller au travail quand on est malade, car cela coûte en bout de ligne moins cher à l’organisation.
D’autant plus qu’il y a moyen de se rendre utile de chez soi lorsqu’on est malade, si jamais on en ressent le besoin. À cet égard, les experts du moteur de recherche d’emploi Indeed suggèrent, entre autres, de:
– Faciliter la tâche aux autres. Il se peut que certaines de vos tâches du jour soient impératives. Dans ce cas, faites-en la liste exhaustive et communiquez-la à votre boss. Ce dernier se chargera de les répartir au sein de l’équipe, le temps de votre absence.
– Ajustez vos messageries. Composez des messages courts indiquant que vous n’êtes pas en mesure de répondre à vos messages (téléphoner, courriels, etc.). Si possible, indiquez une ou deux personnes à contacter en cas d’urgence. Et n’oubliez pas de supprimer toutes vos notifications, le temps de votre guérison, car il vous faut vous rétablir en paix.
– Envisagez le télétravail. Si l’une ou plusieurs de vos tâches ne peuvent être effectuées que par vous et se révèlent impératives, pourquoi ne pas les accomplir en télétravail? Mais en ce cas, prenez garde de ne pas trop en faire, car cela risquerait de vous épuiser et de freiner votre guérison.
Voilà, William. La prochaine fois, restez chez vous. C’est le mieux pour tout le monde, à commencer par vous-même.
En passant, l’humoriste français Raymond Devos disait, pince-sans-rire: «La grippe, ça dure huit jours si on la soigne et une semaine si on ne fait rien».