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Managers, devinez l’impact incroyable que va avoir l’IA!

L'économie en version corsée|Publié le 05 août 2019

Managers, devinez l’impact incroyable que va avoir l’IA!

Un impact carrément insoupçonnable... (Photo: Alex Kotliarskyi/Unsplash)

Certains disent que l’avènement des robots intelligents va se traduire par une hécatombe pour les emplois occupés par des êtres humains : demain, plus besoin de caissières, de camionneurs, de comptables, etc; et ces nouveaux chômeurs ne retrouveront plus jamais de travail, leurs compétences étant irrémédiablement dépassées par celles des algorithmes. D’autres affirment qu’au contraire cela va provoquer la création de tout nouveaux métiers, si bien qu’à long terme nous assisterons à une multiplication des nouveaux emplois : demain, on pourra devenir courtier en données personnelles, consultant en intelligence artificielle (IA), ou encore coach en magasinage en ligne; et plus personne, ou presque, ne connaîtra le chômage.

Qui a raison? Qui a tort? Difficile à dire, tant les études semblent abonder dans un sens comme dans l’autre…

D’où ma joie sans nom lorsque je suis tombé sur une étude fascinante à ce sujet, oui, fascinante, car elle apporte une réponse lumineuse à cette interrogation, après avoir pris le problème sous un tout nouvel angle. Cette étude est intitulée The employment consequences of robots : Firm-level evidence et est signée par : Jay Dixon, économiste à Statistique Canada; Bryan Hong, professeur de management à l’École de commerce Stern de l’Université de New York (Etats-Unis); et Lynn Wu, professeure d’opérations, d’informations et de prises de décision à l’École de management Wharton de l’Université de Pennsylvanie à Philadelphie (Etats-Unis). Regardons ensemble de quoi il retourne…

Les trois chercheurs ont eu l’idée de regarder l’impact des robots intelligents à l’échelle de l’entreprise, c’est-à-dire de se pencher sur leur impact microéconomique. Et ce, dans l’optique de découvrir ce qui se passe vraiment pour les employés lorsqu’une IA devient leur collègue.

Pour s’en faire une juste idée, ils ont puisé dans les données de Statistique Canada et ont croisé trois banques précises sur les entreprises, en lien avec leurs achats, leurs indicateurs économiques clés ainsi que leurs pratiques managériales. Et ce, à propos des entreprises canadiennes qui se sont dotées de robots intelligents entre 2000 et 2017.

Ce travail de moine leur a permis non seulement de voir tous les changements occasionnés par les robots intelligents à l’échelle de l’entreprise, mais aussi d’extrapoler avec précision les changements qu’occasionneront les IA à mesure qu’elles vont gagner en popularité auprès des chefs d’entreprise. Fascinant, n’est-ce pas? Je vous l’avais bien dit.

Bon, voici donc, pour vous, les résultats de cette étude. Un conseil : asseyez-vous bien avant de lire ce qui suit…

> Avant tout une question d’amélioration des produits et services. Les chefs d’entreprise prennent la décision de s’équiper en robots intelligents dans l’optique non pas de réduire les coûts de main-d’œuvre, mais plutôt d’améliorer leurs produits et services. Par exemple, celui qui se dote d’un chatbot – un robot intelligent capable de tenir une discussion téléphonique avec un client – le fait non pas pour ne plus avoir à payer les salaires des deux ou trois employés de son service à la clientèle, mais pour améliorer le traitement des appels de la clientèle, et par suite, le degré de satisfaction de celle-ci.

> Une cible précise. Une catégorie précise d’employés subit des coupures drastiques de postes lorsqu’un robot intelligent arrive au sein de l’entreprise. Oui, une catégorie précise. Laquelle, d’après vous, chers managers? Eh bien… la vôtre. Oui, l’entreprise se met dès lors à virer les managers.

Pourquoi? Pour deux raisons principales :

– Plus besoin de managers de la vieille école. Que faisaient les managers du XXe siècle (et, malheureusement, encore de nombeux managers en ce début de XXIe siècle)? Ils commandaient et ils contrôlaient. Ils donnaient des ordres et veillaient à ce que ceux-ci soient suivis à la lettre. Ce qu’un robot intelligent est tout à fait capable de faire aujourd’hui; et ce, pour autant d’équipes de travail qu’on veut, jour et nuit, 7j/7, 24h/24, sans jamais prendre de congé, sans jamais tomber malade, sans jamais faire de burn-out. Bref, les managers de la vieille école deviennent brutalement obsolètes, et ils se font vite montrer la porte : «Les superviseurs de routine deviennent totalement inutiles», soulignent les trois chercheurs dans leur étude.

– Plus besoin de managers pour prendre des décisions. Souvent, le manager, c’est celui qui tranche. C’est à lui qu’incombe la responsabilité de faire un choix pour l’équipe dont il a la charge. C’est là son rôle de décideur. Mais voilà, les robots intelligents changent la donne à ce sujet.

D’une part, les employés qui travaillent avec des robots intelligents deviennent capables de prendre eux-mêmes nombre de décisions qui, auparavant, revenait à leur boss (ex. : passer la commande de nouveaux matériaux). D’autre part, la haute-direction n’a dès lors plus besoin de managers pour prendre certains décisions importantes (ex. : elle peut se fier aux rapports quotidiens des robots intelligents pour saisir qu’il faut vite embaucher de nouveaux employés temporaires pour pouvoir répondre à temps à une grosse commande qui vient d’être enregistrée).

«Les robots intelligents centralisent (la haute-direction) et décentralisent (les employés) les prises de décision, ce qui a pour effet de supprimer la dimension décisionnelle des managers, et donc, une grande partie de leur utilité au sein de l’entreprise», notent-ils également.

Les stocks de robots intelligents, en M$ (Source: Dixon, Hong & Wu, 2019)

> De surprenants gagnants. En général, les grands gagnants lorsqu’un robot intelligent arrive, ce sont les employés. Si, si… Ils se voient confier de nouvelles responsabilités, voire davantage de responsabilités : par exemple, il leur appartient désormais de prendre certaines décisions qui, auparavant, revenaient à leur boss. Et comme cela ne se fait pas tout seul, les chefs d’entreprise ont le réflexe de proposer à leurs employés de suivre des programmes de formation adaptés aux nouveaux défis qu’il leur faudra relever.

Ce n’est pas tout. Cela se traduit également par… des embauches. De fait, à partir du moment où les activités de l’entreprise sont boostées par l’arrivée du robot intelligent, ses dirigeants n’hésitent plus à recruter. C’est qu’il leur faut davantage de main-d’œuvre pour répondre à la demande croissante de la clientèle, et qu’il leur faut même une nouvelle sorte de main-d’œuvre, «aux talents cognitifs propices au travail avec les robots intelligents et aux IA de demain», selon l’étude.

Qu’est-ce à dire? Prenons le cas des managers. On l’a vu, les entreprises dotées de robots intelligents ne veulent plus des managers de la vieille école, en revanche, elles se montrent friandes des managers de la nouvelle école, ceux du XXIe siècle. C’est-à-dire de ceux qui ne commandent et ne contrôlent pas, mais ceux qui agissent comme des coachs ; ils comprennent, conseillent et soutiennent, comme les coachs d’une équipe sportive, qui ont le don de se mettre au service des autres, et donc de ne surtout pas considérer que les autres sont à leur service. «[Ces managers-là] ont du travail aujourd’hui et en auront indubitablement encore demain», d’après l’étude.

«Les robots intelligents ont un impact significatif sur l’emploi et sur les pratiques managériales, un impact différent de ce qui s’est produit lors des précédentes révolutions technologiques. Par conséquent, il ne faut surtout pas s’appuyer sur le passé pour prédire ce qui va se passer demain à l’occasion de l’avènement de l’IA. Ce serait là une lourde erreur», notent les trois chercheurs.

Et d’ajouter : «Le mieux pour anticiper ce que va changer l’IA en matière de management, c’est d’extrapoler les impacts principaux de son précurseur, le robot intelligent. Très vite, les managers vont être bousculés dans leurs habitudes et il leur faudra adopter un nouvel état d’esprit pour espérer perdurer. Idem, les employés vont devoir cultiver et user de nouveaux talents pour pouvoir mener à bien de toutes nouvelles tâches, celles que l’IA n’effectuera pas à leur place».

Un dernier point. Les trois chercheurs terminent leur étude par une invitation : d’autres chercheurs feraient bien de se pencher sur un impact auquel eux n’avaient pas pensé avant d’effectuer leur étude, mais qui leur est apparu indirectement au fil de leurs recherches. Lequel? L’impact des robots intelligents sur les salaires des employés : «Nos données, certes insuffisantes, semblent toutefois montrer que l’avènement de l’IA poussera les salaires globalement à la baisse. Parce que les managers seront payés nettement moins, ayant moins de responsabilités à assumer. Et parce que les nouveaux emplois de demain comporteront, eux aussi, moins de tâches à mener à bien», indiquent Mme Wu et MM. Dixon et Hong.

À suivre, donc. Car ce point est on ne peut plus crucial…

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Espressonomie

Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l’actualité économique à la lumière des grands penseurs d’hier et d’aujourd’hui, quitte à renverser quelques idées reçues.

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