Les doutes nous grugent irrésistiblement... (Photo: Toa Heftiba/Unsplash)
BLOGUE. Soyons francs, l’une des plus grandes victimes de la COVID-19, c’est le moral des gens. Mon moral. Votre moral. Le moral de chacun de nous.
L’incertitude nous étrangle. Les doutes nous piétinnent les poumons. Et la peur nous envoie un direct dans le foie. Vous comme moi, nous voilà KO debout, ou presque.
Comment retrouver un peu d’air? Oui, comment nous redresser et oser regarder ce qui se profile à l’horizon? Et par suite, regagner assez d’énergie pour nous remettre à la tâche, solides et courageux face à l’adversité?
Eh bien, une solution évidente consiste à recharger notre coeur et nos tripes. Mais comment nous y prendre, au juste? C’est toujours facile à dire, n’est-ce pas?
Je vous propose d’agir en ce sens en deux temps. Plus précisément, j’invite chaque manager à agir en deux temps à l’égard de chaque membre de son équipe. Tout d’abord, en aidant chaque employé à arrêter de douter de tout, et surtout de lui-même. Ensuite, en aidant chaque employé à se sentir mieux dans son quotidien au travail, même si celui-ci continue de se faire à distance.
1. Aider à arrêter de douter de soi
Lancer des «J’ai confiance en toi» et autres «Si tu occupes ce poste, c’est bien parce qu’on sait que tu es capable» ne suffit pas. Loin de là. Pis, ça peut même être contre-productif lorsque de tels propos sont adressés à quelqu’un qui doute de lui-même, car ça peut l’enfoncer dans ses pensées secrètes du genre «Mais comment se fait-il que personne ne voit que je fais n’importe quoi, que je ne suis pas à la bonne place?»
Il faut aller plus loin que ça. Il faut trouver le moyen d’aider l’autre à argumenter avec sa petite voix intérieure, celle qui le décourage, qui le fait douter, qui le met et le remet sans cesse sur le grill. Cette petite voix qui martèle des «J’y arriverai pas», des «Je vais droit dans le mur» et des «Chuis pus capable». Cette petite voix que certains dénomment le «syndrome de l’imposteur», ou encore le «monkey mind», qui est si dommageable.
Le mot clé, ici, c’est «argumenter». L’idée n’est pas d’inciter la personne concernée à formuler ses doutes et à chercher à y répondre, car c’est là un combat qui, la plupart du temps, est vain : le moindre argument présenté au monkey mind amène toujours celui-ci à redoubler d’ardeur et à piailler de plus belle. Non, mieux vaut agir de manière plus subtile, en amenant les pensées de votre interlocuteur sur un autre plan, un plan où le monkey mind n’a guère de prises…
L’idée pour le manager est, dès lors, d’amorcer une discussion sur le manque de confiance en soi. De définir ensemble ce dont il s’agit, d’exposer les raisons pour lesquelles chacun de nous y est exposés tous les jours au travail, de discuter de son impact sur la performance individuelle et collective.
La coach américaine Tara Sophia Mohr, auteure du livre «Playing Big: Practical wisdom for women who want to speak up, create, and lead» (Penguin Random House), recommande à cet égard, dans un billet paru dans la Harvard Business Review, d’agir comme suit:
> Discuter à deux du monkey mind
«Le but est alors d’expliquer qu’il s’agit d’une petite voix présente en chacun de nous, qui ne reflète pas la réalité et qui sous-estime nos capacités de façon angoissante et irrationnelle», note-t-elle. Donc, de permettre à l’autre de reconnaître le moment où cette petite voix intérieure s’exprime, sachant que ses propos sont souvent les mêmes, qui que l’on soit:
– Le monkey mind rumine et ressasse;
– Il pose des questions fermées (de type «oui/non»);
– Il apporte des réponses où tout est «noir» ou «blanc»;
– Il se focalise sur les problèmes;
– Il s’exprime de façon angoissée et pessimiste.
> Discuter en groupe du monkey mind
Ensuite, il peut être bénéfique d’entamer une réflexion commune, tous ensemble, à propos des meilleurs moyens à mettre en oeuvre pour faire taire le monkey mind des uns et des autres. Car c’est ainsi, d’après Mme Mohr, que l’on peut trouver les solutions les plus adaptées, et donc les plus efficaces, pour chaque personne concernée.
«Votre objectif en tant que manager n’est pas de les amener à une assurance sans failles, mais plutôt de leur permettre de mieux gérer leurs croyances limitantes et leur manque de confiance en eux», indique-t-elle.
2. Aider à se sentir mieux dans son quotidien au travail
En Amérique du Nord, 35% des employés sont «d’accord» ou «fortement d’accord» avec l’idée qu’ils ont trop de travail pour pouvoir bien le faire, selon une étude menée en 2018. Une donnée qui indique que la surcharge de travail est omniprésente dans les organisations nord-américaines.
Maintenant que ceux qui ont encore un travail se retrouvent à devoir télétravailler, que ça leur plaise ou non, on peut raisonnablement estimer que la situation est en train d’empirer. D’où l’importance – vitale – de veiller à ce que chacun se sente le mieux possible dans son nouveau quotidien professionnel…
Erin Kelly est professeure de comportement organisationnel à l’École de management Sloan du MIT. Phyllis Moen est professeure de sociologie à l’Université du Minnesota. Ensemble, elles viennent de signer un livre intitulé «Overload: How good jobs went bad and what we can do about it» (Princeton University Press) dans lequel elles présentent, entre autres, le résultat d’une expérience qu’elles ont mené pendant cinq ans au sein d’une grande entreprise technologique américaine présentée sous le nom inventé de Tomo pour préserver son anonymat.
Le principe était simple… Une moitié des 56 équipes de travail n’a rien changé à son quotidien tandis que l’autre a dû changer ses habitudes de travail pour suivre les lignes directrices du STAR:
– S pour Soutenir;
– T pour Transformer;
– AR pour Atteinte des Résultats.
Concrètement, chaque équipe, sous la supervision de son manager – spécialement formé en ce sens par l’équipe des deux chercheuses -, a dû identifier les pratiques qui méritaient d’êtres améliorées ou carrément changées, puis d’en identifier de meilleures, a priori plus pertinentes. Puis, chaque équipe, sous la supervision de son manager, a dû mettre tout ça en pratique. Cela s’est souvent traduit par les mesures suivantes:
– Les employés ont pris davantage le contrôle de leurs tâches.
– Ils ont adopté des horaires de travail plus flexibles.
– Ils ont réduit ou carrément supprimé de leur liste de tâches celles qui étaient peu utiles, voire purement inutiles.
– Ils ont supprimé les réunions improductives.
Résultats? Grâce à l’adoption du programme STAR, «Tomo a connu une augmentation de la satisfaction au travail, une réduction de l’épuisement professionnel (ce qui signifie un engagement plus soutenu), une diminution des employés intéressés à trouver un autre emploi et une baisse de personnes qui choisissent de quitter l’entreprise», notent-elles, en soulignant qu’il n’y avait eu «aucun impact négatif perceptible sur la productivité, ni sur les ventes».
Ce n’est pas tout. Nombre d’employés ayant bénéficié du programme STAR ont indiqué que tout cela avait eu un impact positif sur «leur vie personnelle, leur santé et leurs liens avec la communauté».
Quelle leçon en tirer concernant le sujet qui nous intéresse aujourd’hui? C’est assez simple, me semble-t-il: chers managers, si vous voulez vraiment venir en aide à vos employés, surtout en cette période de confinement et de distanciation sociale, il vous suffit de vous inspirer du programme STAR. De le mettre à votre sauce afin que chacun puisse avoir davantage le contrôle sur son travail et se sentir davantage pertinent dans ses fonctions, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois. Et un grand pas sera accompli!
En passant, l’écrivain suisse Charles Ferdinand Ramuz a dit dans son Journal: «Être isolé du reste des hommes, c’est se sentir inutile. Se sentir inutile est pire encore que de se sentir coupable.»
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