Mine de rien, le danger est bel et bien présent... (Photo: Charles Etoroma/Unsplash)
Mine de rien, l’intelligence artificielle (IA) est en train de prendre une place grandissante au sein de nos organisations. Et cela met directement en péril l’avenir professionnel… des managers. C’est du moins ce qui ressort d’une étude mondiale signée par Oracle et Future Workplace.
L’IA vous paraît-elle encore de la science-fiction? Si tel est le cas, détrompez-vous vite fait, car elle est bel et bien à l’œuvre dans nos entreprises. Et ce, à l’échelle planétaire. Au moment même où vous lisez ces lignes, la moitié des employés et managers du monde entier disent travailler avec le concours de robots intelligents; l’an dernier, ce n’était le cas que pour 32% des gens.
Bien entendu, cette moyenne cache de grandes disparités. En Chine, ce sont 77% des employés qui travaillent avec une IA; en Inde, 78%; en France, 32%; et au Japon, 29%. (Malheureusement, l’étude s’est intéressée à 10 pays, et le Canada ne figure pas dans cette liste; cela étant, on peut noter que le pourcentage chez nos voisins du Sud est de 53%, si bien qu’on peut raisonnablement estimer que c’est le cas pour environ 1 employé sur 2 au Canada).
Que font actuellement ces robots intelligents? Essentiellement les six tâches suivantes:
– Collecter et analyser des données sur les employés et sur les clients (31%);
– Gérer des logiciels de programmes de formation (28%);
– Gérer le service à la clientèle (24%);
– Gérer des assistants numériques et autres chatbots (22%);
– Collecter et analyser des données (ex.: CV, …) en lien avec le recrutement (21%);
– Prédire l’évolution du taux de roulement du personnel (17%).
Le hic? C’est que l’avènement des robots intelligents suscite la panique chez les employés et les managers. Par exemple, seulement 25% des Japonais voient tout cela d’un bon œil; ce qui est également le cas pour seulement 22% des Américains, 20% des Britanniques et 8% des Français. Globalement, seulement 1 homme sur 3 pense que l’IA peut avoir du bon au travail, et, surtout, seulement 1 femme sur 4 pensent la même chose.
C’est bien simple, l’objet principal de leur angoisse est toujours le même : la peur de perdre leur emploi, et plus précisément, de devenir carrément obsolètes sur le marché du travail. En effet, comment compétitionner avec un robot qui, lui, ne coûte presque rien à l’employeur, est capable de travailler jour et nuit sans s’arrêter une seule seconde, ne tombe jamais malade et se révèle mille fois plus efficace que l’être humain?
Ce n’est pas tout. L’étude met au jour un autre phénomène, inattendu : ceux qui sont dans la mire de l’IA, ce sont avant tout… les managers.
En effet, il a été demandé aux employés interrogés dans le cadre de cette étude d’indiquer s’ils préféreraient avoir, à l’avenir, un être humain ou un robot comme boss immédiat. Et voici ce qu’il en est ressorti:
– 64%. Deux employés sur trois préféreraient un robot comme boss; d’ailleurs, la moitié de ceux qui ont d’ores et déjà pu choisir entre leur manager et un robot intelligent pour obtenir un conseil professionnel ont bel et bien choisi le robot.
– Méfiance. La majorité des employés font a priori plus confiance à un robot qu’à leur manager; et ce, que ce soit en Chine (88%), au Japon (76%), aux États-Unis (57%) ou en France (56%).
– Surtout les femmes. Les hommes (56%) seraient plus prompts que les femmes (44%) à se tourner vers une IA plutôt que vers leur manager.
Comment expliquer un tel désamour pour les managers humains? D’autres chiffres permettent d’en avoir une idée claire:
– 82% des employés pensent qu’un robot intelligent serait «meilleur» que leur manager actuel.
– Ils considèrent qu’un robot intelligent accomplirait mieux les tâches suivantes:
– Fournir une information non biaisée (36%);
– Actualiser les échéanciers (34%);
– Résoudre un problème (29%);
– Gérer un budget (26%);
– Fournir une réponse appropriée à une interrogation personnelle et confidentielle (21%);
– Évaluer la performance collective (20%).
– Ils considèrent néanmoins que les managers humains demeurent pour l’instant pertinents dans certains cas de figure, dont:
– Comprendre mes émotions (45%);
– Me coacher (33%);
– Instaurer une culture d’entreprise (29%).
«Notre étude met en évidence le fait que la plupart des employés se défient tellement de leurs managers actuels qu’ils préféreraient bien souvent avoir affaire à un robot plutôt qu’à ces individus-là, dit Dan Schawbel, directeur, recherches, de Future Workplace. Il y a de toute évidence une crise de confiance – «les managers sont surtout là pour le bénéfice de l’entreprise, et non pas du mien» – qui met en danger l’avenir même des managers.»
Et d’ajouter : «Néanmoins, si l’on regarde bien les résultats de l’étude, on voit que les managers actuels peuvent demeurer pertinents demain à condition d’améliorer leurs softskills – leur savoir-être – et de laisser tomber les compétences techniques et les tâches routinières – leur savoir-faire. Autrement dit, à condition de se rapprocher humainement des membres de leur équipe, en misant à fond sur l’empathie, l’humilité et autre bienveillance.»
Ça saute aux yeux : les employés d’aujourd’hui et de demain ne veulent plus d’un boss, mais d’un coach; ils ne veulent plus être au service d’un «petit patron», mais pouvoir compter sur quelqu’un à leur service pour booster leur efficacité et leur bonheur au travail, quitte à ce que ce soit un robot plutôt qu’un être humain. C’est aussi simple que ça.
Managers, vous voilà donc avertis : votre avenir est entre vos mains, à vous de voir si vous êtes prêts à vous adapter, ou pas.
En passant, le physicien britannique Stephen Hawking aimait à rappeler que «l’intelligence, c’est la capacité à s’adapter au changement».
*****
Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l’actualité économique à la lumière des grands penseurs d’hier et d’aujourd’hui, quitte à renverser quelques idées reçues.
Découvrez les précédents billets d’Espressonomie
La page Facebook d’Espressonomie
Et mon dernier livre : 11 choses que Mark Zuckerberg fait autrement