Le masque rend la communication plus ardue... (Photo: Good Faces pour Unsplash)
MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudis. Vous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca
Q. – «Depuis qu’il nous faut porter le masque bleu au travail, j’ai l’impression que la communication passe moins bien avec mes collègues. Est-ce que je me trompe? Et si j’ai raison, comment peut-on surmonter cette difficulté?» – Louis
R. — Cher Louis, plusieurs études montrent — sans surprise — qu’il est plus complexe de décrypter les émotions des autres lorsqu’ils portent un masque de procédure. Vous, comme moi, il nous est plus difficile de percevoir les petits mouvements du visage qui trahissent, entre autres, la contrariété, l’incompréhension ou bien la satisfaction. Ce qui nous empêche notamment de savoir si notre message est bien passé auprès d’autrui, ou pas.
L’une de ces études est riche d’enseignements, et devrait vous intéresser au plus haut point, mon cher Louis.
Maria Tsantani est doctorante en psychologie et en neuroscience au Birkbeck College de l’Université de Londres, en Grande-Bretagne. Avec son équipe de chercheurs, elle a récemment demandé à 120 personnes volontaires de décoder, via un vidéo, six émotions véhiculées par un comédien professionnel revêtant un masque de procédure: la joie, la tristesse, la colère, la peur, le dégoût et la surprise. Mais surtout, elle a demandé à chaque participant d’évaluer l’intensité des différentes émotions véhiculées par le comédien.
Résultat? Maria Tsantani et son équipe ont mis au jour deux phénomènes auxquels ils ne s’attendaient pas:
— L’intensité des émotions intentionnelles, c’est-à-dire celles que le comédien avait l’intention de transmettre, était réduite par le port du masque. Et ce, à une seule exception près, celle de la colère. Quand on est en colère, peu importe qu’on ait un masque ou pas, les autres le sentent immédiatement.
Autrement dit, lorsque les autres ressentent une vive émotion, nous sous-estimons l’intensité de leur émotion. Par exemple, un collègue peut être carrément époustouflé par ce qu’on vient de lui dire, mais nous, nous croirons juste qu’il est un peu surpris.
— L’intensité des émotions non intentionnelles, c’est-à-dire celles que le comédien n’avait pas l’intention de transmettre (c’est plus fort que nous, nous sommes traversés par des microémotions lorsqu’on communique avec autrui, et cela se perçoit en une fraction de seconde), était, elle, accentuée par le port du masque. Une fois de plus, à une exception près, celle de la surprise.
Autrement dit, lorsque les autres ressentent une infime émotion, nous surestimons l’intensité de celle-ci. Un collègue peut ainsi ressentir un peu de tristesse à l’annonce du départ d’un membre de l’équipe chez un concurrent, et nous, nous allons croire qu’il est dévasté par la nouvelle.
«L’interprétation des expressions faciales est devenue ambiguë à cause du masque de procédure», est-il noté dans l’étude pilotée par Maria Tsantani. D’où la nécessité d’en avoir conscience, et d’éviter à l’avenir les mauvaises interprétations des émotions ressenties par les autres en les invitant à exprimer oralement ce qu’ils éprouvent. Oui, le port du masque doit nous forcer à parler davantage entre nous, et mieux, à oser exprimer nos émotions à l’aide de mots. Sans quoi les quiproquos et autres malentendus risquent fort de pourrir la communication au sein de nos équipes de travail.
Bref, mon cher Louis, parlez, parlez et parlez encore avec vos collègues. Et surtout, écoutez, écoutez et écoutez de mieux en mieux, à savoir plus avec le cœur qu’avec les oreilles!