Un travail qui, mine de rien, est en pleine mutation... (Photo: Tina Whiterspoon pour Unsplash)
BLOGUE. COVID-19 oblige, nombre d’entre nous ont dû se mettre au télétravail pour une durée indéterminée, à tenir des réunions Zoom, ou encore à échanger une tonne de courriels avec les collègues à qui, auparavant, on jasait de vive voix. Du jour au lendemain, il nous a fallu apprendre à travailler autrement.
La question saute aux yeux : nos habitudes de travail ont-elles radicalement changé? Vous comme moi, nous en avons l’impression, mais cette impression-là est-elle juste?
Evan DeFilippis est doctorant en comportement organisationnel à la Harvard Business School (HBS). Avec trois collègues de la HBS et un autre de l’école de commerce Stern de l’Université de New York, il a signé une étude intitulée «Collaborating during coronavirus: The impact of COVID-19 on the nature of work». Dans le cadre de celle-ci, les cinq chercheurs ont analysé le comportement des gens au travail depuis le début de la pandémie, histoire de voir si la pandémie du nouveau coronavirus avait vraiment provoqué des changements, ou pas.
Pour s’en faire une juste idée, ils ont considéré un échantillon de… 3,1 millions de travailleurs. Des personnes qui travaillent tant en Amérique du Nord qu’en Europe et au Moyen-Orient. Des personnes à propos desquelles ils avaient des données pertinentes huit semaines avant la «mise sur pause» de l’économie locale ainsi que huit semaines après. Ce qui leur permettait d’avoir un comparatif fiable.
Résultats? Accrochez vos tuques:
> Plus de réunions. En général, chaque travailleur a connu une augmentation de 13% du nombre de ses réunions hebdomadaires. Des réunions qui, bien entendu, sont maintenant virtuelles, grâce à des logiciels comme Zoom et Teams.
> Plus de participants aux réunions. Le nombre de participants aux réunions a augmenté en moyenne de 13,5%.
> Des réunions plus courtes. La durée moyenne des réunions a, elle, chuté de 20%. Globalement, cela signifie que les gens passent, chaque jour, 11,5% moins de temps en réunion qu’auparavant.
> Autant de courriels entre collègues. Les travailleurs envoient quotidiennement «seulement» 1,4 courriel de plus à leurs collègues.
> Une heure de travail de plus par jour. La journée de travail est devenue plus longue qu’auparavant, en moyenne de 8,2%. Ce pourcentage pourrait laisser croire que ce n’est pas tant que ça; en vérité, ça correspond à une hausse de… 48,5 minutes par jour. Oui, presque une heure de travail de plus par jour!
Cela étant, une nuance s’impose à propos de cette heure de travail supplémentaire. Les cinq chercheurs indiquent en effet dans leur étude que leurs données ne permettaient pas de connaître l’intensité du travail effectué durant chacune des heures travaillées : «Il est possible que la journée de travail se soit allongée dans le temps – par exemple, au lieu de finir de travailler à 17h les gens finissent à présent à 18h – sans pour autant exécuter davantage de tâches qu’avant le confinement», notent-ils.
Une nuance importante. Néanmoins, je me permets de vous inviter à réfléchir au point suivant: personnellement, avez-vous levé le pied de l’accélérateur depuis que vous travaillez de chez vous?
Hum, je pense que je connais déjà la réponse… Non, bien entendu, vous travaillez aussi fort, sinon plus, qu’auparavant. À ceci près, il est vrai, que ceux qui se devaient de garder les enfants – voire faire l’école à la maison – n’ont pu faire autrement que de hacher menu leur horaire de travail habituel pour mener de front aussi bien le travail que l’éducation des petits.
D’où ma considération personnelle (libre à vous d’être d’accord ou pas) : oui, depuis la «mise sur pause» de notre économie décrétée par le gouvernement Legault, il est clair que chacun de nous travaille davantage que d’habitude; et si ce n’est pas exactement une heure de plus par jour, on n’en est sûrement pas loin…
«Les gens ont clairement modifié leurs habitudes de travail, en particulier en ce qui concerne le nombre d’heures travaillées, notent les cinq chercheurs dans leur étude. Reste maintenant à savoir si ces changements seront durables, ou pas. Cela étant, il serait étonnant de voir bientôt revenir les habitudes antérieures, car la situation sanitaire et économique est encore loin d’être revenue «à la normale».»
Voilà. Notre façon de travailler est, de toute évidence, en pleine mutation. Cette dernière n’en est qu’à ses débuts. À nous, donc, d’inventer collectivement nos toutes nouvelles habitudes de travail, oui, de nouvelles habitudes qui, je l’espère, seront plus équilibrées que celles que nous connaissons aujourd’hui!
En passant, le poète français Arthur Rimbaud a dit dans Une saison en enfer : «La vie fleurit par le travail».
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