Occupation Double a-t-elle encore sa place sur nos écrans?
Geneviève Desmarais|Publié le 02 novembre 2022Après 20 ans à l'antenne, on a peut-être fait le tour. (Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. Je ne pouvais pas rester muette après le scandale d’intimidation qui a secoué le Québec devant les images troublantes d’Occupation Double (OD) Martinique. J’ai écouté. J’ai lu. J’ai regardé. Je continue de me poser LA question: est-ce que les émissions de téléréalité comme OD ont toujours leur place en 2022 ?
N’oublions pas que la vaste majorité des téléréalités ont vu le jour il y a près de 20 ans. Ce produit télévisuel québécois en question a vu le jour en 2003, avant même les dispositions en matière de harcèlement qu’on retrouve aux lois du travail, bien avant le mouvement #metoo et les vagues de dénonciations de toute sorte, et à une époque où il y avait peu (ou pas) de cas rapportés dans les médias.
On va se le dire: le monde a bien changé depuis. Les concepts de téléréalités eux ? Très peu malheureusement. Les destinations sont plus exotiques certes, mais l’essentiel demeure: des larmes, des tactiques, des clans, de la chicane, des malaises et (beaucoup) de bitchage. Bref, une bonne émission à heure de grande écoute auprès d’un public qui a délaissé la télévision traditionnelle.
Je veux bien croire que les participants «choisissent» d’être là, mais est-ce à dire qu’ils consentent à se faire intimider ou humilier?
La production a, comme employeur, l’obligation de fournir un environnement de travail sain et sécuritaire à ses employés tout comme elle a l’obligation de prévenir et faire cesser toute situation qui serait portée à sa connaissance. N’a-t-elle pas également une obligation équivalente envers les participants ?
Le sceau «téléréalité» accorderait-il l’immunité au producteur ? Un peu comme dire aux participants : « Vous voulez être ici ? Très bien. Mais sachez que tout est permis; lisez les petits caractères au bas de votre contrat. » J’ose croire que non, mais on tend certainement à étirer le plus possible l’élastique du «bon show» au détriment d’un climat sain. Après tout, un climat sain en téléréalité, ce n’est pas très vendeur…
Je fais le parallèle avec un milieu de travail où on dit que la culture serait misogyne ou toxique. Si j’ai toujours voulu travailler dans cette boîte car les mandats sont passionnants et que je signe tout de même un contrat de travail, est-ce que je consens en tant que femme à être traitée avec mépris ou à évoluer dans un environnement malsain ? Bien sûr que non. Je peux aussi espérer que les choses évoluent et agir comme un acteur de changement.
Il faut arrêter de se rabattre sur les « ici ç’a toujours été comme ça ».
De piètres excuses
L’entrevue avec Julie Snyder à l’émission Tout le monde en parle m’a très peu convaincue. Les candidats fautifs ont été exclus, de la formation a été offerte (un peu tard) et, ne l’oublions pas, les candidats ont toujours eu accès à un psychologue ! On s’excuse, on apprend et on avance. Wow.
Mon résumé est simpliste soit, mais en fin de compte ce n’était qu’une belle opération de relations publiques. En 20 ans d’OD nous a surtout appris que plus ça joue dur dans les maisons et plus les cotes d’écoute sont bonnes. En 2022, ce n’était qu’une question de temps avant que ça explose.
Julie Snyder laisserait peut-être ses enfants participer à OD, mais comme mère elle n’accepterait certainement pas de les voir se faire humilier ou intimider devant plus d’un million de téléspectateurs simplement parce que ça fait partie de la game.
La production a poussé la note en diffusant les images. Et soyons clairs, personne n’y a vu de problème au montage parce que ça faisait un maudit bon divertissement pour nos 18-25 ans. D’ailleurs, ça me désole que ce soit ce qu’on présente à cette tranche d’âge.
Si les tactiques comme l’intimidation sont un incontournable et une composante essentielle de la téléréalité à la OD, alors ce genre d’émission est figé dans une autre époque et ne correspond plus à nos valeurs actuelles. Notre société prône plus que jamais le respect, la bienveillance et l’harmonie.
Après 20 ans à l’antenne, on a peut-être fait le tour?