La persévérance intelligente et bienveillante est aussi valable en position de leadership que pour soi-même, car elle empêche les dérives. À cet égard, l’histoire de la Canadienne d’origine népalaise Shriya Shah-Klorfine qui rêvait de conquérir l’Everest est assez éloquente. (Photo: 123RF)
EXPERTE INVITÉE. En affaires comme dans la vie quotidienne, la persévérance est une qualité qui a permis à nombre de gens de se dépasser pour atteindre des buts qu’ils s’étaient fixés et repousser des frontières pour innover. Il n’y a aucun doute qu’il s’agit d’un trait de caractère dont on ne compte plus les retombées positives tellement elles sont nombreuses.
Or, pour être positives, ces répercussions doivent être le résultat d’un bon dosage de persévérance et d’une saine gestion de celle-ci. Ce n’est pas toujours facile de respecter ces deux conditions, car elles sont souvent mises à rude épreuve lorsqu’on approche du but fixé, que les choses deviennent ardues et les choix plus lourds de conséquences.
Comment ne pas vouloir persévérer alors qu’on est presque à destination? Comment ne pas vouloir exiger plus de soi-même et des autres alors que le résultat nous semble si proche, malgré les vents d’adversité de plus en plus forts et les signaux d’avertissement qui s’intensifient?
On connaît la chanson: je suis capable, encore un peu plus, juste un peu plus, je vais y arriver, un autre petit coup, c’est mon rêve, je tiens à le réaliser, ce n’est pas vrai que je vais abandonner si près du but, personne ne va m’arrêter…
Et c’est là que le côté obscur de la persévérance peut surgir, qu’elle peut se transformer en acharnement et que les choses peuvent se mettre à déraper et devenir malsaines.
Lâcher prise n’est pas synonyme d’échec
Lorsqu’on devient aveuglé(e) par le but à atteindre au point de perdre tous nos repères de bon sens, les choses ne peuvent que mal tourner. On verse dans l’obsession, on nourrit le danger, on devient irritable, désagréable, acerbe, moins fréquentable et le parcours passe progressivement de stimulant à un calvaire, autant pour soi que pour les gens qui nous entourent.
Il n’y a pourtant rien de mal à lâcher prise ni même à abandonner un projet voué à ne pas aboutir dans sa forme actuelle. Tout est dans la manière d’aborder l’échec, qui n’est jamais une fin en soi lorsqu’on considère les choses dans leur plus large perspective.
En effet, peu importe ce qu’on entreprend dans la vie, deux issues positives sont possibles si l’on a l’esprit ouvert à voir plus loin que le bout de son nez : une réussite, ou un apprentissage. Et comme c’est en apprenant qu’on finit par réussir, il faut savoir accueillir favorablement tout ce qui nous permet d’apprendre, même si on éprouve parfois temporairement de la déception.
Les meilleur(e)s leaders savent quand lâcher prise ou prendre un pas de recul pour faire le point sur ce qui ne va pas. Ils et elles savent qu’on ne gagne jamais à s’embourber dans une situation. Il faut parfois avoir la modestie de s’avouer vaincu(e) afin de revoir son plan d’attaque pour mieux se relancer et affronter le défi la prochaine fois ou carrément viser une autre cible plus en phase avec ses compétences.
Atteindre un objectif ou réaliser un rêve est rarement le fruit d’une seule tentative. La plupart du temps, c’est une suite d’essais et d’erreurs qui nous amènent constamment à nous améliorer. C’est une expérience, un parcours qui, lorsqu’il est bien mené, ne cesse jamais d’être stimulant même lorsqu’il faut faire un pas en arrière pour élaborer le bilan de ses actions afin d’identifier ou de comprendre ce qui empêche notre progression.
Accorder la persévérance avec l’intelligence et la bienveillance
Pour être inspirante, la persévérance doit être rassembleuse, mobilisante, motivante. C’est pourquoi il faut la déployer avec intelligence et bienveillance. Les leaders qui savent le faire finissent toujours par arriver à destination parce que leur personnel les sent en pleine maîtrise de la situation, même lors des revers. En plus, les membres de leur équipe se sentent respectés dans le processus, ce qui les incitent à persévérer avec et pour leur patron.
À l’inverse, aucun(e) leader n’ira bien loin en s’acharnant sur son personnel, en exigeant de lui la démesure pour atteindre un but coûte que coûte, sans discernement. Il ou elle n’y gagnera que des obstacles, des délais, de l’insatisfaction, voire des départs qui seront autant d’écueils qui augmenteront le niveau de stress, alourdiront le climat de travail et mineront les chances de succès.
La persévérance intelligente et bienveillante est aussi valable en position de leadership que pour soi-même, car elle empêche les dérives. À cet égard, l’histoire de la Canadienne d’origine népalaise Shriya Shah-Klorfine qui rêvait de conquérir l’Everest est assez éloquente.
Malgré son peu d’expérience en alpinisme, sa lenteur à grimper et des avertissements qu’elle mettait clairement sa vie en péril si elle poursuivait sa quête, cette jeune femme déterminée a choisi de s’acharner pour se rendre jusqu’au sommet de la plus haute montagne du monde.
Shriya Shah-Klorfine a bel et bien réalisé son rêve, mais ses efforts pour atteindre le sommet ont malheureusement entraîné une surconsommation de ses réserves d’oxygène et fait en sorte qu’elle a souffert d’une hypoxie (taux d’oxygène insuffisant dans le sang) qui lui a été fatale dans la descente. Bien qu’un sherpa expérimenté lui ait donné une bouteille additionnelle d’oxygène après lui avoir fortement déconseillé de continuer l’aventure, son acharnement a fini par causer sa perte. Ses derniers mots ont été « Sauvez-moi! ».
La ligne peut être très fine entre la persévérance et l’acharnement. Le passage de la première à la seconde est même souvent insidieux. Cette histoire hors du commun témoigne néanmoins de l’importance et de la pertinence de toujours considérer à tête reposée toute quête dans sa globalité afin de mieux savoir dire oui à la persévérance et non à l’acharnement.