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Oui, le télétravail va perdurer!

Olivier Schmouker|Publié le 15 septembre 2022

Oui, le télétravail va perdurer!

Le télétravail est devenu une réalité mondiale. (Photo: Airfocus pour Unsplash)

MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudisVous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca

Q. – «Dans les médias et autour de moi, j’entends dire que le télétravail est là pour durer, que nous continuerons à travailler à distance du bureau même lorsque la COVID-19 sera chose du passé. Pourtant, je connais des patrons qui rigolent doucement à cette idée, qui attendent juste le bon moment pour forcer le retour du 100% bureau. À l’image, au fond, de ce que disent maintenant tout haut les patrons d’Apple, de Google, de Tesla… Qui croire? Comment travaillerons-nous vraiment demain?» – Sophie

R. — Chère Sophie, je n’ai pas de boule de cristal, mais je peux néanmoins m’avancer et vous dire, sans sourciller, que le télétravail est bel et bien là pour durer dans le temps. Que la pandémie a eu sur le travail un «effet cliquet», ce phénomène économique qui veut que lorsqu’une population enregistre un vrai progrès, il lui est impossible de revenir en arrière. Un exemple lumineux est celui du iPhone d’Apple, le pionnier des cellulaires à écran tactile: du jour au lendemain, la technologie des cellulaires à clavier est devenue obsolète, et aujourd’hui plus personne ne se sert d’appareils à touches.

Comment puis-je être aussi affirmatif? Tout simplement parce que je m’appuie sur une récente étude sur le sujet, une étude à la fois solide et majeure. Pilotée par Cevat Giray Aksoy, directeur de recherche à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd), à Londres, elle a en effet consisté en l’analyse d’un sondage mondial sur le télétravail mené en deux temps, en août 2021 et en février 2022. Un sondage mondial — je le souligne —, car il a été mené dans 27 pays, dont le Canada, auprès de dizaines de milliers d’employés et d’employeurs âgés de 20 à 59 ans.

Or, il ressort de cette étude de nombreux points qui montrent, sans l’ombre d’un doute, que le télétravail est là pour durer. En particulier au Canada.

– Une réalité mondiale. Le télétravail est aujourd’hui devenu une réalité dans tous les pays sondés, à raison d’environ 1,5 jour par semaine. On le trouve aussi bien au Brésil (1,7 jour) qu’en Serbie (0,8 jour) ou encore en Chine (1,1 jour). Le Canada figure dans le top 3, avec une moyenne de 2,2 jours de télétravail par semaine, derrière l’Inde (2,6 jours) et Singapour (2,4 jours).

– Une réalité qui n’enchante pas les patrons, mais qu’ils acceptent malgré tout. De leur côté, les employeurs souhaiteraient accorder moins de journées de télétravail qu’il n’y en a actuellement. À l’échelle de la planète, ils voudraient qu’il n’y ait en moyenne que 0,7 jour de télétravail par semaine. Au Canada, ils seraient d’accord pour 0,9 jour par semaine. Cela les fait néanmoins figurer dans le top 5, derrière l’Inde (1,8), Singapour (1,1), l’Australie (1) et le Royaume-Uni (1).

– Une réalité populaire. Dans tous les pays sondés, les employés voudraient davantage de journées de travail qu’ils n’en ont aujourd’hui. À l’échelle de la planète, la moyenne est de 1,7 jour par semaine. Ceux qui en voudraient le plus sont les Taïwanais (2,3), les Brésiliens (2,3) et les Canadiens (2,2). À noter que le Canada est l’un des rares pays où les employés ont autant de journées de télétravail qu’ils aimeraient en avoir! C’est également le cas en France (1,3) et en Chine (1,1). Et — chose étrange — les Néerlandais considèrent… qu’ils en ont trop (ils en ont 1,8 et ils en voudraient 1,5), tout comme les Britanniques et les Australiens (ils en ont 2 et en voudraient 1,9).

– Un acquis auquel tiennent les employés. De manière générale, les employés seraient prêts à sacrifier 5% de leurs revenus pour pouvoir travailler à distance 2 ou 3 jours par semaine. Au Canada, le pourcentage est de 5,1%. Outre l’Ukraine (qui me semble hors catégorie en raison de la guerre), les pays où celui-ci est le plus élevé sont la Serbie (8,8%), l’Égypte (7,8%) et le Brésil (7,4%).

– Une avancée irréversible. Si jamais leur employeur exigeait le retour du 100% bureau, que feraient la plupart des employés? À l’échelle de la planète, 26% partiraient sur le champ ou se mettraient à chercher activement un autre employeur. Au Canada, le pourcentage grimpe à 38%. Il s’agit du score le plus élevé, après celui du Royaume-Uni (42%).

Voilà. Toutes ces raisons font que le télétravail va perdurer. Je n’en doute pas une seconde. D’ailleurs, une anecdote me conforte en ce sens, le PDG d’Amazon, Andy Jassy, vient d’analyser la performance de l’ensemble de ses 1,6 million d’employés au cours des douze derniers mois, histoire de trancher une bonne fois pour toutes la question cruciale: «Oui ou non au télétravail?» Sa conclusion: OUI au télétravail, même si, au départ, il était convaincu que la réponse serait NON.

Selon l’analyse d’Andy Jassy, le télétravail ne peut fonctionner que si trois conditions sont réunies:

 

1. Définir les attentes

Les attentes individuelles et collectives doivent être établies d’emblée. Et celles-ci doivent tenir compte du fait que la priorité est l’évolution constante de l’organisation ainsi que l’optimisation constante de ses activités.

 

2. Lâcher la bride

Il faut donner aux équipes l’autonomie nécessaire pour travailler de la manière qui lui convient le mieux. Tant que cela bénéficie à la performance individuelle et collective, la haute direction n’a pas à s’en mêler.

 

3. Mettre l’accent sur la mission commune

Peu importe la façon dont les employés X, Y et Z travaillent, la seule chose vraiment importante est le souci de tout un chacun de remplir une mission commune. Un mot d’ordre chez Amazon: «Chaque décision doit avant tout viser à apporter la plus grande valeur au client», estime le PDG.

Bref, chez Amazon, travailler autrement est perçu comme une occasion en or de travailler mieux. Et je pense, Sophie, qu’il n’y a pas un patron digne de ce nom qui s’aventurera à contredire Andy Jassy sur ce point.