Pour l’instant, seule l’exigence professionnelle justifiée pourrait permettre à un employeur d’imposer la vaccination à ses employés qui souhaitent retourner au bureau. (Photo: 123RF)
À un peu plus d’une semaine de l’implantation du passeport vaccinal au Québec, force est de constater que les dirigeants d’entreprises sont mitigés à l’égard du statut vaccinal de leurs employés.
Selon une étude menée en août par Censuswide à la demande d’Indeed auprès de 250 employeurs québécois, plus de 57% des répondants «recommanderont fortement la vaccination pour revenir au bureau», et 32% sont même prêts à la rendre obligatoire.
Pourtant, selon la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), une telle exigence n’est pas recevable, car elle brime le droit à l’intégrité physique des salariés qui refusent de se faire vacciner. Le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale Jean Boulet a d’ailleurs précisé le 9 juillet 2021 que le statut vaccinal ne peut être un facteur de discrimination à l’embauche ni un motif pour congédier un employé.
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Au Québec, au moment d’écrire ces lignes, il n’est toujours pas permis, règle générale, d’exiger de ses employés qui souhaitent retourner au bureau qu’ils se fassent vacciner, confirme Catherine Biron, associée en droit de l’emploi et du travail chez Langlois Avocats. Elle soutient toutefois que quelques nuances doivent être apportées.
En effet, elle rappelle qu’en vertu de la Loi sur la santé publique, l’État aurait pu — et peut toujours — obliger la vaccination «de la population ou d’une partie de celle-ci».
«La seule exception, c’est ce qui est présentement analysé en commission parlementaire dans le secteur de la santé, au public comme au privé, où le gouvernement a bien clarifié son souhait d’imposer la vaccination aux employés qui travaillent de façon prolongée avec une clientèle vulnérable», précise-t-elle.
En ce qui a trait au passeport vaccinal, Me Biron laisse entendre qu’une entreprise devra démontrer «que le contexte propre à l’entreprise exige de questionner les employés sur le sujet» en vertu des lois concernant la protection des renseignements personnels et la Charte des droits et libertés de la personne. «C’est réellement une analyse au cas par cas», souligne-t-elle.
S’il n’est pas possible d’en faire la démonstration, n’en déplaise au 46% des employeurs qui estiment que le passeport vaccinal est l’une des clés du travail en présentiel à l’instar du masque, il n’est pour l’instant pas permis au Québec de questionner ses employés sur leur statut vaccinal.
Exception à la règle
Pour l’instant, seule l’exigence professionnelle justifiée pourrait permettre à une entreprise d’imposer la vaccination à ceux qui souhaitent retourner au bureau, «dans un contexte bien précis». Elle devra démontrer «que l’exercice de soupeser les droits collectifs et individuels demande dans son contexte d’exiger des employés de dévoiler leur état relatif à leur vaccination et qu’ils pourraient leur être interdit de revenir sur les lieux de travail à défaut d’être vaccinés», illustre Me Biron.
L’avocate estime que, dans le cas du vaccin, l’exigence professionnelle justifiée pourrait être invoquée si un travailleur est en contact étroit avec des populations vulnérables à la COVID-19.
Au contraire, une entreprise dont les employés ne travaillent pas avec des clients à risque, qui sont rarement sur leur lieu de travail et qui ne travaillent pas de façon rapprochée avec leurs collègues ne pourrait y recourir.
«Un employeur bien conseillé va analyser sa situation particulière et documenter en quoi de n’avoir que des employés vaccinés va le prémunir de risques réels dans son lieu de travail», assure Catherine Biron.
L’avocate spécialisée en droit du travail recommande aux entreprises qui comptent emprunter ce chemin de prendre note des craintes des membres de leurs équipes, dont ceux pour qui côtoyer des gens qui refusent le vaccin représente un réel danger, et l’historique de leurs éclosions. «Ce serait le genre de chose qu’analyserait un tribunal qui entendrait une contestation sur la demande d’un employeur sur l’état de vaccination de ses employés», indique l’associée du cabinet Langlois Avocats.
Une zone grise
Le nerf de la guerre est donc de déterminer quand la preuve est suffisante pour exiger une telle chose de ses salariés.
Les tribunaux devront donc se prononcer sur la réconciliation « des droits individuels des employés qui ne souhaitent pas se faire vacciner, et ceux qui ont aussi le droit à la protection de leur santé et de leur sécurité dans leur milieu de travail, qui eux ont des craintes que leur santé soit compromise», résume Catherine Biron.
Si au début de la pandémie, l’inviolabilité des droits individuels semblait primer, l’avocate n’en est aujourd’hui plus aussi convaincue, alors que les différents paliers de gouvernement imposent ou souhaitent imposer la vaccination dans certains secteurs.
Avec l’arrivée de la quatrième vague, elle observe d’ailleurs un désir marqué d’une bonne proportion des entrepreneurs au Québec à tester cette avenue pour travailler en présentiel.
Décisions attendues
La conclusion de la commission parlementaire, et la nouvelle stratégie du retour au bureau de Québec auront indéniablement des répercussions sur la sphère privée, car plus le gouvernement officialisera l’obligation de vacciner ses employés, plus ça touchera d’autres milieux, estime Catherine Biron.
Le président du Conseil du patronat Karl Blackburn est d’ailleurs un peu plus clair à cet égard.
Il milite pour que le gouvernement provincial utilise le passeport vaccinal auprès des fonctionnaires qui souhaitent remettre les pieds au bureau, a-t-il dit en entrevue avec le Journal de Montréal.
En attendant la décision de Québec qui, par le fait même, aidera les sociétés du secteur privé à élaborer leur propre stratégie de retour au travail, Karl Blackburn assure que le passeport vaccinal permettra «d’éviter» que certaines entreprises ferment leurs portes.
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