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Plus de 50 ans? Hum… la discrimination vous guette!

Olivier Schmouker|Publié le 17 août 2020

Plus de 50 ans? Hum… la discrimination vous guette!

L'âge, cette épée de Damoclès... (Photo: Peter van Eijk pour Unsplash)

BLOGUE. La rentrée approche à grands pas, et avec elle la décision des employeurs de rappeler les employés «temporairement» mis à pied, ou de les licencier définitivement. Autrement dit, l’heure des choix cruciaux est venue. Et savez-vous quoi? Les X et les boomers risquent fort de payer les pots cassés, de se faire remercier à tout jamais…

C’est que la discrimination par l’âge a malheureusement de fortes chances de jouer à fond dans les semaines et les mois à venir. Oui, l’âgisme peut bientôt redoubler à l’égard des 50 ans et plus. C’est du moins ce qui ressort d’une étude renversante à ce sujet, intitulée «Age discrimination across the business cycle» et signée par Gordon Dahl, professeur d’économie à l’Université de Californie à San Diego (États-Unis), et Matthew Knepper, professeur d’économie à l’Université de Géorgie à Athens (États-Unis). Une étude qui montre, sans l’ombre d’un doute, qu’en période de récession économique la discrimination par l’âge croît avec l’augmentation du taux de chômage. Regardons ça ensemble…

Les deux chercheurs ont eu recours à une base de données originale, celle de la Commission pour l’égalité des chances en matière d’emploi (EEOC). Ils se sont intéressés aux plaintes pour discrimination déposées aux États-Unis auprès de cette Commission, en particulier celles fondées sur l’âge. Et ils ont comparé l’évolution dans le temps des statistiques de ces plaintes à celle du taux de chômage dans les secteurs et les États concernés. L’idée, c’était tout bonnement de voir s’il y avait la moindre corrélation entre les deux, ou pas.

Résultat? Tenez-vous bien:

> Quand le chômage gagne en puissance, la discrimination âgiste aussi. Chaque fois que le taux de chômage augmente d’un point de pourcentage, le coût global des pénalités liées au licenciement fondé sur l’âge croît de 4,8 points de pourcentage et celui des pénalités liées à l’embauche fondée sur l’âge, de 3,4 points de pourcentage. Ce qui signifie qu’en période de récession – souvent accompagnée d’un bond du taux de chômage – les discriminations âgistes gagnent «considérablement» en ampleur : les travailleurs expérimentés, et donc «bien» payés, perdent plus souvent leur emploi que les autres; idem, les travailleurs expérimentés trouvent moins facilement un nouvel emploi que les autres; et ce, à chaque fois de manière «disproportionnée». Bref, à mesure que les conditions du marché de l’emploi se détériorent, les 50 ans et plus rencontrent de plus en plus de difficultés à évoluer sur le marché du travail.

Ce n’est pas tout. Les deux chercheurs ont voulu en avoir le coeur net et se sont servi, pour ce faire, des données issues d’une autre étude qui, elle, datait de 2012 et considérait l’envoi de CV fictifs de femmes tout aussi fictives de tous âges, dans différents secteurs d’activités, dans différentes villes américaines et durant différentes périodes de temps consécutives à la crise économique 2007. Ils ont regardé ces données-là à travers le prisme de la discrimination âgiste, et cela leur a permis de découvrir ceci:

> Le cap fatidique de la cinquantaine. Chaque fois que le taux de chômage local augmente d’un point de pourcentage, le taux d’appel pour un entretien chute de 14 points de pourcentage pour les femmes de 50 ans et plus.

Ainsi, plus le taux de chômage est élevé, plus les employeurs sont susceptibles de favoriser les jeunes femmes par rapport aux femmes plus âgées. «Une femme de 50 ans et plus voit ses chances d’être appelée pour un entretien d’embauche réduites de 6,8 points de pourcentage si jamais elle est en concurrence avec deux autres femmes plus jeunes qu’elle. Ce qui revient à voir ses chances d’être appelée fondre de 63% par rapport à ses chances normales», notent les deux chercheurs dans leur étude.

C’est clair, avoir 50 ans est une tare, de nos jours. Car on se met dès lors à souffrir de discrimination à l’emploi : on est plus facilement remercié que les autres, on est plus difficilement recruté que les autres. Et ce, même si une telle discrimination est aujourd’hui illégale: nul employeur n’a le droit de fonder sa décision de licenciement ou d’embauche en fonction de l’âge des candidats; mais bon, vous comme moi, nous savons bien que les biais cognitifs plus ou moins inconscients sont une réalité…

Que faire, par conséquent, pour atténuer la discrimination âgiste? Pour éviter de voir nombre d’employeurs avoir le réflexe de rappeler au travail les plus jeunes de leurs employés mis à pied en raison de la pandémie du nouveau coronavirus? Pour les voir considérer sérieusement un rappel des têtes grises ou grisonnantes, ou à tout le moins de certaines d’entre elles? Pour que chacun, au fond, ait une juste chance de renouer avec son emploi?

Eh bien, la priorité, c’est de prendre conscience que cette discrimination-là existe bel et bien, d’avoir le cran, pour un employeur, de reconnaître qu’il en souffre sûrement, tout comme n’importe quel autre employeur. Et que ce faisant, il crée tout autour de lui des souffrances invisibles et silencieuses.

Comment inviter un employeur – son employeur – à réaliser un tel travers personnel? Pas facile, c’est vrai. Néanmoins, si jamais quelqu’un laissait traîner ce billet de blogue imprimé au bureau, à un endroit où la personne en question est susceptible de jeter les yeux, à un moment ou à un autre… Ou encore si le sujet était évoqué, mine de rien, lors d’une réunion Zoom ou d’un partage de courriel à tous… À vous d’y songer et d’identifier la manière la plus subtile qui soit…

En passant, l’écrivain français Victor Hugo disait : «L’un des privilèges de la vieillesse, c’est d’avoir, outre son âge, tous les âges».

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