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Pour être un vrai leader, faut-il avoir un charisme fou?

Olivier Schmouker|Publié le 03 octobre 2024

Pour être un vrai leader, faut-il avoir un charisme fou?

Martin Luther King Jr. était un vrai leader, et avait une vision très particulière du charisme... (Photo: Unseen Histories pour Unsplash)

MAUDITE JOB! Q.  «Je ne suis pas le gars le plus charismatique. Personne ne boit mes paroles comme du petit lait. Personne n’est béat d’admiration devant moi. Et pourtant, j’ai pour ambition d’être un vrai leader, un boss respecté et écouté de tous, un boss qui sait emmener les membres de son équipe de succès en succès. Puis-je y parvenir sans charisme particulier?» – Dany

R. — Cher Dany, je ne sais pas si vous l’avez réalisé, mais vous posez là une question fondamentale. Je pèse mes mots. En résumé, vous vous demandez si l’on peut devenir un véritable leader sans avoir un charisme fou. Eh bien, sachez qu’être un bon leader, ça passe notamment par le fait de… ne pas avoir de charisme particulier. Explication.

Dans leur nouveau livre «Une équipe de feu!», le journaliste Mikael Krogerus et le coach Roman Tschäppeler invitent les leaders à mesurer l’impact qu’ils ont vraiment sur les membres de leur équipe afin d’avoir une juste idée de leur leadership. Et ce, par l’entremise d’un moyen très simple, tiré du livre «Petit chef ou vrai patron?» de Robert Sutton, professeur à Stanford, qui est considéré comme un classique du management. 

Le truc consiste à se poser à soi-même trois questions.

  1. Est-ce que je parle beaucoup comparativement aux autres?

«Le but est ici de déterminer si l’on est plus centré sur soi-même que sur les autres», notent les deux auteurs. Concrètement, il convient de demander à l’un des participants à la prochaine réunion d’équipe de noter en douce le temps de parole de chacun. Comme ça, le leader que vous êtes verra s’il parle plus souvent qu’autrement.

  1. Est-ce que j’ignore ou interromps souvent les autres?

Si quelqu’un dit une bêtise ou nécessite une information précise en réunion, il n’y a pas de problème à lui couper la parole. C’est le signe que la discussion est vivante. «Cependant, si vous le faites continuellement, ça montre que vous n’écoutez pas vraiment les autres, que vous n’essayez pas de saisir leur façon de penser, pas plus que leurs émotions», estiment Mikael Krogerus et Roman Tschäppeler. 

  1. Quand je parle, je pose plutôt des questions ou je fais plutôt des affirmations?

«Robert Sutton explique que les «petits chefs» ont souvent des idées arrêtées sur tout, indiquent-ils. Cela vient du fait qu’on attend en général des chefs qu’ils aient une opinion claire et nette, mais aussi du fait qu’ils se croient souvent plus intelligents que les autres»

Et de poursuivre: «En soi, ce n’est pas un problème. C’est peut-être même vrai que vous êtes le plus intelligent de ceux qui sont autour de la table de réunion.»

Le hic? «C’est que ceux qui ont plus le réflexe d’affirmer que de questionner croient diriger parce qu’ils prennent la parole, expliquent-ils. Or, diriger, c’est donner les moyens aux autres de performer, de s’épanouir au travail.

Le principe est simple: plus on parle, moins on écoute et moins on saisit l’état d’esprit, les pensées, les motivations d’autrui. Et moins on donne la parole, moins on permet aux autres de s’améliorer. «Bref, plus on parle, moins on dirige», concluent-ils.

Saisissant, n’est-ce pas? Quand nous pensons à un leader, nous imaginons souvent une personne charismatique, quelqu’un qui irradie la confiance en soi et insuffle aux autres l’envie de se surpasser par sa seule présence à leurs côtés. Mais après s’être posé les trois questions de Robert Sutton et avoir pris le temps d’y répondre soigneusement, nous réalisons qu’en vérité que l’une des clés du leadership n’est pas d’afficher le fait qu’on est «sûr de soi», mais au contraire de faire preuve d’«humilité». Notamment en posant des questions plutôt que de balancer des affirmations à tout bout de champ.

«Si on résume, un bon leader ne doit pas se montrer charismatique, disent Mikael Krogerus et Roman Tschäppeler. Sa job, c’est de permettre aux autres de le devenir.»

Voilà, Dany. Ne vous souciez donc pas de votre charisme, car ce n’est pas une clé essentielle pour devenir un bon leader. Bien au contraire, moins vous vous montrez charismatique, plus vous offrez la possibilité aux autres de développer cette qualité et plus vous vous montrerez un leader efficace.En passant, le pasteur baptiste américain Martin Luther King Jr. aimait à dire: «Le véritable charisme, c’est la capacité à inspirer les autres à devenir la meilleure version d’eux-mêmes.»