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Pour que l’expérience client retrouve ses lettres de noblesse

Catherine Charron|Édition de la mi‑novembre 2022

Pour que l’expérience client retrouve ses lettres de noblesse

Le client est-il toujours roi? (Photo: Martin Flamand)

POUR UNE EXPÉRIENCE CLIENT ROYALE. La pandémie et l’inflation auraient quelque peu terni la qualité générale de l’expérience client B2B et B2C. Pourtant, offrir un service royal est à la portée de toutes les entreprises, même de celles qui disposent de coffres plus modestes. La clé, disent les experts, c’est de revenir à l’essentiel. Voici cinq règles d’or pour assurer à votre clientèle un traitement impérial.

Le trône du client semble de plus en plus chambranlant: à mesure que les entreprises pâtissent de la pénurie de main-d’œuvre et de l’inflation, la qualité de l’expérience qu’elles prodiguent à leurs clients se ternit. Il est pourtant possible de retourner aux fondamentaux d’une expérience client réussie, selon les spécialistes rencontrés par Les Affaires.

Lorsqu’il a lu cet été que la «skimpflation» — soit la réduction de produits ou de services offerts pour un même prix — minait dorénavant l’expérience client et que les consommateurs n’avaient d’autre choix que de s’y faire, Daniel Lafrenière, consultant et conférencier en expérience client, auteur du livre De kessé l’expérience client? et blogueur pour Les Affaires s’est indigné.

Certes, il observe que l’expérience client en a pris pour son rhume au cours des dernières années, mais il refuse d’y voir là une fatalité pour autant. «Le client du 21e siècle n’est pas dupe, il va là où il est bien servi. Il transpose ses expériences vécues dans toutes les sphères de sa vie. Il ne va plus comparer une entreprise à son compétiteur immédiat, mais plutôt le service d’Apple avec celui d’un restaurateur», illustre le consultant.

Les innovations auxquelles il est confronté forgent ses attentes de demain, confirme Daniel Fournier, président de DFSA et directeur de formation au Centre d’intégration et d’expertise en technologies d’expérience client (Cietech).

À savoir si le client est aujourd’hui plus exigeant ou si ses besoins ont beaucoup évolué en deux ans, tous les experts ne s’entendent pas, d’autant que «ce qu’un consommateur pourrait espérer ou qualifier de “bonne expérience” évolue d’un secteur d’activité à l’autre», nuance Katie Bolla, associée et leader à Services-conseils — Management, Marchés de consommation et commerce de détail de l’équipe torontoise de KPMG. Chose certaine, le client aspire à être satisfait, d’où l’importance d’en faire une priorité organisationnelle afin de le fidéliser. 

 

1. Maîtriser la base

La situation est telle que le simple fait de maîtriser la base d’une bonne expérience client permet à une entreprise de se démarquer de la concurrence, observent les experts.

La recette de base, qui se résume à maximiser les réponses émotionnelles positives du consommateur par un parcours qui répond à ses attentes, est bien connue, souligne Jean-Luc Geha, directeur de l’Institut de vente HEC Montréal. «Maintenant, on doit bien le mettre en place. On ne veut pas simplement vendre au client, on veut lui revendre, et on ne peut y arriver sans une bonne expérience.»

Selon Daniel Lafrenière, cette expérience se résume à trois éléments: la qualité du produit, le savoir-faire et le savoir-être des employés. C’est d’ailleurs pour améliorer ce dernier point qu’il est le plus souvent appelé en renfort, autant par des entreprises B2B que B2C. «C’est davantage une question d’intention, de volonté et de culture que de taille et de moyens. Ce qu’Apple et Nespresso ont compris, c’est d’accorder une attention particulière à chaque contact client, puis d’y maximiser les émotions positives et de minimiser les négatives. Tout le monde est capable de faire ça», martèle-t-il. Pour redorer la qualité de l’expérience client dans la province, l’Institut d’hôtellerie et de tourisme du Québec (ITHQ) tente d’implanter dans d’autres secteurs d’activité les pratiques d’un service digne des grandes adresses.

«Comment se présenter, recevoir quelqu’un, donner toute son attention et faire de l’écoute active, ce sont des choses qu’on enseigne en service et qui se transfèrent bien dans toutes les entreprises, croit Jean-Charles Marin, professeur de gestion et responsable du programme de baccalauréat appliqué en gestion de l’accueil et de l’hôtellerie à l’ITHQ. Il y a une différence entre accueillir un plombier chez vous qui n’enlève pas ses bottes, qui dit à peine “bonjour”, et un autre qui est habillé en uniforme, qui salue et présente le travail qu’il vient faire. Le savoir-être, ça ne coûte pas cher.»

La principale différence entre une expérience B2B et B2C de qualité, estime Jean-Luc Geha, c’est la place accordée au contact humain. «En B2B, on ne cherche pas à avoir une expérience autant que d’obtenir ce dont on a besoin», affirme-t-il. En plus, le client B2C souhaite aussi une «chaleur humaine». Ces détails doivent être appliqués à l’ensemble du parcours client, de sa recherche pour trouver un nouveau fournisseur jusqu’à sa fidélisation. Daniel Fournier, qui enseigne aussi l’expérience client à HEC Montréal, constate toutefois qu’il manque certains points de contact avec sa marque sur le radar des entreprises qui lui demandent conseil.

Pour ce faire, il recommande de se fier aux cinq piliers de la Customer Experience Professionals Association (ci-dessous). La clé, c’est de s’assurer que chaque division de l’entreprise travaille de concert et non en vase clos, de façon à redonner du lustre au parcours du consommateur.

 

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Les cinq piliers de l’expérience client

 

  1. Réfléchir à l’expérience client
  2. Avoir une culture centrée sur l’expérience client
  3. Travailler le design pour optimiser les points de contact
  4. S’intéresser à la voix du client et des employés
  5. Mesurer l’expérience client

 

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Une philosophie à laquelle adhère Intelcom, dont l’objectif est de rendre plus fluide la livraison de colis autant pour l’entrepreneur qui se charge de la livraison que du client qui le reçoit. Afin d’offrir un service qui répond à la fois aux besoins des livreurs que des personnes qui attendent leur paquet, l’employé responsable de ce dossier s’assure que l’information collectée circule au sein de l’entreprise, affirme Olivier Thellend, directeur du marketing et de la stratégie commerciale de l’entreprise.

Pour mener à bien sa mission, ça passe notamment par une expérience employé digne de ce nom.

 

2. Expérience client et expérience employé vont de pairs

Le professeur à l’ITHQ Jean-Charles Marin s’intéresse tout particulièrement aux répercussions de l’expérience des employés au sein d’une entreprise sur la qualité du service qu’ils offrent à la clientèle. Il constate que les conséquences de la pénurie de main-d’oeuvre a terni ce service et que cela crée des réactions en chaîne.

«T’as beau être la personne la plus gentille au monde, si tu dis à un invité que sa chambre d’hôtel n’est pas prête à l’heure prévue parce que le sous-traitant n’a pas assez d’employés pour nettoyer les draps à temps, le client ne sera pas content», illustre-t-il. Le savoir-être ne peut donc entièrement compenser la qualité du produit offert si le manque de travailleurs empêche l’entreprise de tenir sa promesse à l’égard de sa clientèle.

S’il n’existe pas de formule magique qui s’applique à toutes les entreprises afin de pallier la pénurie de main-d’oeuvre et ses conséquences catastrophiques sur la qualité de l’expérience client, Jean-Charles Marin encourage les équipes de direction à changer de perspective.

Il rappelle que l’employé doit devenir tout aussi important que le client dans le modèle d’affaires de l’entreprise, ce qui suppose de travailler aussi fort pour le fidéliser, en commençant par s’intéresser à ses attentes à l’égard de son patron.

Ainsi, en parvenant à réduire le taux de roulement et en bonifiant le sentiment d’appartenance, les membres d’une équipe se sentiront plus investis de la mission d’offrir une expérience de qualité, en plus d’avoir eu le temps de suivre la formation et l’intégration nécessaires pour y arriver.

En effet, lorsque le manque de main-d’oeuvre dans une entreprise est important, «la formation du personnel sur la relation qu’il doit cultiver avec le client n’est pas adéquate», constate Daniel Fournier. «Il y a bien des chances que si l’employé se sent bien, il contribuera à une bonne expérience client, confirme Jean-Luc Geha. Or, il est garanti que si ce n’est pas le cas, il n’y aura pas de bonne expérience client.»

Sans compter qu’aujourd’hui, les clients veulent encourager des entreprises qui traitent bien leur équipe, glisse Katie Bolla.

 

3. Miser sur la collecte de données (et savoir quoi en faire)

Avant de décloisonner les données et de les comparer avec des indicateurs de performance financiers, encore faut-il les collecter. «Vous n’avez pas idée à quel point de petites questions peuvent améliorer l’expérience client», assure Jean-Luc Geha.

Avant de pouvoir comparer l’évolution de l’expérience client, une entreprise doit d’abord avoir un point de référence. La manière de brosser ce portrait dépendra toutefois du type de bien et de service qu’elle offre, et des moyens dont elle dispose pour le faire. «Sonder ses clients doit être simple, et il faut poser les bonnes questions pour faire des comparaisons, indique celui qui est aussi professeur invité au Département de marketing à HEC Montréal. On ne demandera pas “Avez-vous bien mangé ?”, mais plutôt “Qu’aurait-on pu faire pour améliorer votre expérience ?”»

Intelcom envoie un «gros»volume de courriels pour parvenir à obtenir en moyenne 5000 rétroactions quotidiennes. Elle en envoie aussi fréquemment 3 afin de dégager les grandes tendances de fond dans le secteur du transport. «Ce n’est pas nécessairement aligné avec ce qu’on pensait ou sur ce qui est dit à l’international», se surprend Olivier Thellend. Lorsque la quantité de données à traiter est trop importante, Daniel Fournier recommande de passer par l’intelligence artificielle pour débroussailler le tout et tirer profit de ces «pépites d’or».

Plusieurs indicateurs de performance servent à mesurer l’expérience client, les principaux étant le taux de satisfaction des consommateurs, le degré d’effort du consommateur et le taux de recommandation net, communément appelé dans le milieu le Customer satisfaction score, le Customer effort score et le Net promoter score.

Katie Bolla recommande d’aller au-delà de ces trois indicateurs, en se basant sur plusieurs critères afin de créer un portrait plus exhaustif. Par exemple, une entreprise devrait s’intéresser aux raisons qui motivent le client à conclure une transaction, au genre de contenu avec lequel il interagit, comprendre quel genre de contenu l’atteint, notamment lorsqu’il souhaite faire un achat.

Elle doit aussi s’intéresser aux efforts requis pour interagir avec la marque et comprendre ce que le client souhaite se procurer et où.

Daniel Fournier parle, lui, du «score d’expérience», qui permet de calculer l’écart entre les attentes anticipées et les attentes effectives de la clientèle.

Cette collecte d’information suppose aussi de s’intéresser à ce que ses clients pensent de la compétition et à ce que ses employés observent sur le terrain.

De petites rencontres en équipes à la fin de chaque journée peuvent être un bon moyen qui engage peu de frais, souligne Katie Bolla. Ça permet aussi d’assurer une certaine fréquence du suivi, alors que trop d’entreprises ne mènent cet examen qu’une fois par année.

L’entreprise doit ensuite s’engager à corriger la situation afin d’éliminer les irritants qui lui ont été mentionnés, sans quoi elle risque de décevoir davantage ses consommateurs, préviennent les spécialistes.

 

4. Personnaliser l’offre

Le Saint-Graal de l’expérience client, croit Daniel Lafrenière, c’est de passer d’une transaction à une relation afin de ne plus devenir qu’une simple commodité, pour laquelle n’importe en réalité que le prix et l’efficacité.

La personnalisation fait non seulement partie des six fondements de l’expérience client KPMG (ci-dessous), elle est considérée comme le premier levier de fidélisation client selon leur enquête sur le sujet.

 

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Les six fondements de l’expérience client selon KPMG

 

  • Intégrité l’entreprise démontre qu’elle agît dans l’intérêt du client
  • Solution elle tente de façon proactive de régler les problèmes de ses clients
  • Attentes des consommateurs elle connaît ces attentes, et tente de les dépasser
  • Temps et effort la transaction est facile et aisée pour le client
  • Résolution et empathie elle fait preuve d’empathie pour livrer la marchandise
  • Personnalisation l’entreprise comprend les besoins et y répond

 

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Celles qui appliquent la personnalisation «fidélisent le plus leurs clients, et ceux-ci en font davantage la promotion, confirme Katie Bolla. Toutefois, si vous ne maîtrisez pas les bases, aucune personnalisation ne pourra compenser ça.»

Une plus petite entreprise peut miser sur la flexibilité que sa taille lui procure pour répondre à ses besoins. Elle peut aussi commencer par utiliser le nom de ses clients dans ses communications ou utiliser un ton moins formel pour interagir avec eux.

Dans le B2B aussi, la personnalisation vaut son pesant d’or, estime Jean-Luc Geha. «Souvent, c’est le même vendeur qui fait affaire avec ses clients. Avec un programme de gestion de la relation client, on peut savoir comment il aime être servi, ce qu’il achète en général, les problèmes qu’il a eus, comment se sont passées les dernières livraisons, et quelles sont ses préférences.»

De nouveaux outils technologiques permettent d’en faciliter l’application, comme la biométrie, qui permet de comprendre ce que ressent le client à un moment précis, indique Daniel Fournier, directeur de formation au Cietech.

 

5. Le recours aux technologies

L’ensemble du parcours client peut bénéficier du recours aux technologies afin d’en bonifier l’expérience. La présence sur le Net n’est plus à justifier, mais encore faut-il que l’information qui s’y trouve soit véridique et qu’elle concorde, peu importe la plateforme, prévient Daniel Lafrenière.

Elle doit surtout permettre d’intégrer et de rendre fluide l’expérience du consommateur. «Un client ne devrait pas commencer une discussion avec une entreprise sur une plateforme et devoir recommencer au complet sur une autre, prévient Katie Bolla. Par exemple, certaines boutiques en ligne livrent à la maison, mais ne permettent pas de facilement retourner le colis.»

La transformation numérique sert aussi à pallier les inconvénients de la pénurie de main-d’œuvre, en permettant de repositionner les employés dont on dispose dans des postes à valeur ajoutée. «En magasin, par exemple, ça peut passer par l’ajout de caisses libre-service, comme à Walmart ou Dollarama», estime Jean-Luc Geha.

Intelcom s’en sert justement à la fois pour développer de nouveaux services, mais aussi pour mieux déterminer où elle doit concentrer l’énergie de ses effectifs. «On a investi beaucoup d’argent pour automatiser nos stations et notre plateforme technologique, indique Olivier Thellend. On aspire à offrir des routes encore plus optimisées, à mesurer plusieurs facteurs et à faire de la prédiction.»Avant d’adopter un nouvel outil ou d’adhérer à une nouvelle tendance, Daniel Fournier recommande de se demander comment cela bonifiera l’expérience client, et de prévoir comment l’entreprise parviendra à se différencier de la concurrence si la technologie devient obsolète.

Et le métavers dans tout ça? «C’est à regarder de loin pour l’instant. Laissons les grands joueurs structurer tout ça, tant qu’il n’existera pas des Shopify ou des GoDaddy pour permettre aux PME de s’y implanter. Il ne faut toutefois pas le négliger, car les clients seront à la recherche d’une expérience.»