«Il n’y a aucune humanité, aucune empathie dans l’annonce, on branle entre un mauvais rendement ou un licenciement. Appelons un chat un chat», dit Sylvie St-Onge, professeure titulaire au Département de management de HEC Montréal. (Photo: courtoisie)
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RHÉVEIL-MATIN. La scène est digne du contre-exemple parfait d’une fin d’emploi réussi: Brittany Pietsch, une chargée de compte employée par la société américaine Cloudflare, voit apparaitre à son horaire une rencontre avec deux personnes dont elle n’a jamais entendu parler depuis son arrivée dans l’entreprise quelque mois plus tôt.
Elle filme et publie par la suite sur TikTok l’échange d’un peu de moins de 10 minutes où elle tente de comprendre la véritable raison derrière son renvoi, sans pour autant parvenir à obtenir une réponse concrète. Ce jour-là, 39 autres de ses 1500 collègues apprendront une nouvelle similaire.
«Il n’y a aucune humanité, aucune empathie dans l’annonce, on branle entre un mauvais rendement ou un licenciement. Appelons un chat un chat», dit Sylvie St-Onge, professeure titulaire au Département de management de HEC Montréal.
Sans se prononcer sur la justesse des motifs de ce renvoi, elle confirme que la vidéo qui compte près de deux millions de visionnements met en évidence l’importance d’édicter et d’expliquer pourquoi un employé est remercié.
Lorsque c’est sa piètre performance qui en est la cause, le congédiement ne devrait pas causer une telle surprise, précise la spécialiste en gestion de la vie professionnelle. Celui-ci survient habituellement après plusieurs interventions «objectives et constantes» de la part de l’organisation lorsqu’une baisse de performance est observée. Elle est l’étape finale d’un plan de redressement.
A contrario, un licenciement n’a rien à voir avec la performance de l’employé. Il est plutôt le fruit d’un contexte économique plus difficile, ou d’une période de vache maigre pour l’entreprise. Les raisons pour lesquelles la personne ne passe pas le couperet doivent toutefois respecter la Charte des droits et libertés de la personne, et être objectives, précise Sylvie St-Onge.
«Il faut enlever l’idée que c’est une question de rendement du travailleur, c’est plutôt une question de rendement de l’organisation, de bénéfice ou de marché», soutient-elle.
Dans ce cas-ci, jamais l’employeur ne parvient à expliquer noir sur blanc pourquoi l’employée est remerciée, ou même s’il est question d’un congédiement ou d’un licenciement.
Clarifier le flou, ou «appeler un chat un chat», comme dit Sylvie St-Onge, permet de tempérer la réaction de l’employé remercié.
La chercheuse au Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations n’est toutefois pas surprise par le fait que l’annonce ait durée moins de 10 minutes. Pour éviter de semer l’émoi au sein de l’entreprise, il n’est pas surprenant que de tels appels soient rapprochés, précise la professeure.
Présent ou non, le gestionnaire immédiat?
À plusieurs reprises, Brittany Pietsch s’étonne que son gestionnaire immédiat ne fasse pas partie de l’appel. Ce n’est pas inhabituel, affirme Sylvie St-Onge.
Lorsque la relation entre l’employé et son supérieur est conflictuelle ou tendue, par exemple, sa présence serait mal avisée, nuance-t-elle. «C’est du cas par cas, mais en général, ce doit être le gestionnaire accompagné d’une personne des ressources humaines.»
Dans le cas d’un congédiement, si le gestionnaire n’est pas présent, la personne des ressources humaines responsable d’annoncer la nouvelle doit avoir en main un dossier étoffé, afin de rappeler les mesures prises par l’entreprise, le supérieur et l’employé pour que ce dernier réponde aux attentes de l’organisation. Cette personne externe peut avoir le recul nécessaire pour présenter la situation de manière objective.
«Il y a des décisions difficiles à prendre, il faut apprendre à les communiquer et à s’appuyer sur des bases qui font faire le moins de préjudices possible, indique la chercheuse. Qu’on licencie ou congédie de façon diligente, il faut le faire avec respect.»
Télétravailler ou ne pas télétravailler, telle est la question qui cause des émois dans bien des entreprises.
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