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Pourquoi les iniquités salariales perdurent-elles?

Olivier Schmouker|Publié le 20 juin 2023

Pourquoi les iniquités salariales perdurent-elles?

Une injustice qui incite certaines à vouloir changer d'employeur. (Photo: Ben White pour Unsplash)

MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudisVous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca

Q. – «Est-ce que je me trompe? Chez nous, j’ai l’impression que les écarts de salaire entre les hommes et les femmes ne bougent pas tant que ça, et qu’ils ne bougeront pas non plus à l’avenir. Et que c’est partout pareil au Québec. C’est à désespérer…» – Nathalie

R. – Chère Nathalie, je n’ai aucun moyen de connaître les éventuels écarts salariaux qu’il peut y avoir au sein de votre organisation. Je ne suis donc pas en mesure d’infirmer ou de confirmer l’impression que vous avez. Cela étant, je peux vous confier qu’à l’échelle du Canada, il est bel et bien vrai que des écarts salariaux «considérables» entre hommes et femmes perdurent, année après année.

Selon un récent sondage de Maru Public Opinion mené pour le compte d’ADP Canada, les femmes gagnaient l’an dernier, en général, 21% de moins que les hommes. Et cet écart est relativement stable: par exemple, en 2020, il était également de 21%, et en 2018, il était de 25%.

Ainsi, le salaire moyen des hommes était l’an dernier de 72 743 dollars alors qu’il n’était pour les femmes que de 57 725 dollars. Cela représente un déficit annuel de plus de 15 000 dollars pour la gent féminine. À noter que les hommes enregistrent des rémunérations plus élevées à tous les niveaux de salaire.

Maintenant, la question saute aux yeux: qu’est-ce qui pourrait faire que l’équité salariale gagne enfin du terrain au Canada? Oui, qu’est-ce qui pourrait changer les mentalités à ce sujet, en particulier la mentalité des employeurs qui, consciemment ou pas, font perdurer cette criante inégalité?

La bonne nouvelle, Nathalie, c’est que les femmes semblent avoir en main un tout nouveau levier susceptible de changer la donne, si elles le souhaitent vraiment. Le sondage d’ADP Canada met en effet au jour deux points cruciaux:

— Prêtes à changer d’employeur. 50% des femmes disent qu’elles pourraient envisager de quitter leur employeur si jamais elles avaient la preuve qu’un collègue masculin de même rang professionnel en termes d’ancienneté et de statut recevait une meilleure rémunération que la leur. Autrement dit, si elles avaient la preuve d’une criante injustice salariale en leur défaveur.

— Surtout les jeunes générations. Dans le même ordre d’idée, 63% des membres de la génération Z (18-24 ans) et 53% des milléniaux (18-35 ans) disent qu’ils seraient tellement choqués d’apprendre qu’il y a de la discrimination salariale dans leur organisation qu’ils en changeraient dès que possible, pour en rejoindre une autre qui, elle, serait respectueuse de l’équité salariale.

Par conséquent, les femmes ont un pouvoir insoupçonné, celui de menacer de quitter leur employeur actuel si jamais des efforts conséquents ne sont pas entrepris pour atténuer l’iniquité salariale. Une menace d’autant plus puissante que nous sommes actuellement en pénurie de main-d’œuvre. Une menace d’autant plus réelle que les générations montantes semblent vraiment tenir à corriger le tir, dans les années à venir.

Mais bon, la menace de partir peut-elle vraiment se révéler efficace? Pas à l’échelle individuelle, me semble-t-il: Nathalie, je ne vous conseille pas de menacer de passer chez un des concurrents de votre employeur dans l’espoir que l’herbe y est plus verte. Non, je vous recommande plutôt de faire comprendre à votre gestionnaire ou à la haute direction que l’enjeu est crucial, comme le montre le fait qu’au Canada 1 femme sur 2 se dit prête à démissionner si rien n’était fait pour atténuer l’iniquité salariale. Et de soumettre plusieurs voies à explorer afin de changer la donne:

— Viser un ratio de 50/50 à l’embauche. La moitié de la population est composée de femmes. Pourquoi n’en est-il pas de même dans chaque organisation?

— Jouer la transparence salariale. Si les rémunérations de chacun étaient connues de tous, les éventuelles inégalités seraient visibles de tous, et nul doute que cela amènerait les uns et les autres à vouloir que cela soit vite corrigé.

— Investir dans le potentiel des femmes. Offrir des programmes de formation et autres participations à des séminaires peut permettre à des femmes de développer certaines compétences clés. Cela leur permettrait d’accéder plus facilement à des postes à responsabilités, et donc à de meilleurs salaires.

— Intégrer la diversité dans les valeurs de l’organisation. C’est que toute organisation digne de ce nom se dote de valeurs qui lui sont propres et ajuste chacun de ses faits et gestes en fonction de celles-ci. Leur ajouter la diversité imposerait aux gestionnaires et à la haute direction d’agir en en tenant toujours compte. Cela amènerait notamment à réduire les éventuelles disparités salariales entre hommes et femmes, entre autres.

«L’importance de construire une culture d’égalité et de transparence ne peut être sous-estimée. Par exemple, mettre l’équité salariale au premier plan et adopter une rémunération égale pour tous donnera aux organisations, de toute évidence, un avantage dans l’embauche des meilleurs talents», dit Heather Haslam, vice-présidente, marketing, d’ADP Canada.

Bref, Nathalie, l’idée est de faire comprendre à votre employeur qu’il est grand temps de passer des paroles à l’action. Qu’il ne tient qu’à lui, au fond, de briller par son équité salariale et d’ainsi clancher la concurrence !