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Louise Champoux-Paillé

Les facteurs ESG en action

Louise Champoux-Paillé

Expert(e) invité(e)

Privilégier le pourquoi au comment

Louise Champoux-Paillé|Publié le 03 janvier 2023

Privilégier le pourquoi au comment

En 2010, seulement 6% des hauts dirigeants sondés répondaient que la durabilité faisait partie de leurs trois principales priorités corporatives. (Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. Dans un sondage réalisé en 2010 par le cabinet McKenzie auprès de hauts dirigeants et d’investisseurs institutionnels, 50% jugeaient la gestion des facteurs ESG (environnement, société, gouvernance) importante ou très importante pour leurs organisations, en regard du développement des produits, ou encore de leur image, réputation ou stratégie. Cependant, peu d’entre eux étaient à l’affût d’investissements dans ce domaine ou des moyens d’intégrer les facteurs ESG concrètement dans leurs pratiques d’affaires. En 2010, seulement 6% des hauts dirigeants sondés répondaient que la durabilité faisait partie de leurs trois principales priorités corporatives.

Dix ans plus tard, le cabinet a renouvelé l’exercice auprès du même type de clientèle. Le nombre de répondants convaincus de la pertinence de telles actions demeurait sensiblement le même (57%), mais plus de 80% des répondants estimaient à présent que les programmes ESG pouvaient créer de la valeur dans l’entreprise au cours des cinq prochaines années.

Si le maintien d’une bonne réputation et la capacité d’attirer et de retenir les talents demeurent les principales raisons pour intégrer cette philosophie de gestion et accroître la performance financière des organisations, d’autres arguments se sont ajoutés au fil des ans, dont l’amélioration de la compétitivité et une réponse plus efficace aux attentes de la société en matière de comportement d’un bon citoyen corporatif.

Des signes de progression notable

Comment les facteurs ESG ont-ils progressé au sein de la direction des organisations ? Une enquête récente effectuée auprès des sociétés canadiennes de l’indice S&P/TSX60 permet d’avancer que 40% de ces entreprises comptent à présent sur les services d’une très haute direction responsable de la durabilité. Les titulaires d’une telle fonction peuvent être également responsables d’autres fonctions telles que le secrétariat institutionnel, les affaires juridiques, la gestion des risques et les communications. Fait à noter, un nombre significatif des titulaires de ces fonctions sont des femmes.

Selon un sondage effectué par le cabinet-conseil Deloitte1 auprès de 80 professionnels travaillant au sein d’institutions financières dans différents pays, la même tendance s’observe quant au positionnement de cette fonction dans les organisations. Trois raisons les incitent à se doter d’une telle fonction au niveau stratégique : l’adaptation à l’environnement externe en profonde transformation, l’importance de développer une structure particulière pour répondre aux attentes des différentes parties prenantes et le constat que les enjeux de durabilité et ESG requièrent une fonction dédiée et stratégique.

Les principales responsabilités des titulaires de ces fonctions sont les suivantes : comprendre les besoins de l’écosystème de l’organisation et les rapporter au sein de l’organisation, aider l’entreprise à revoir sa

stratégie en fonction de ce nouvel environnement et être le promoteur du dossier dans l’organisation en suscitant l’adhésion, en sensibilisant les équipes internes et en regroupant toutes les ressources pouvant faire un succès d’une telle relation.

La complexité des dossiers traités par les responsables de la durabilité, leur aspect stratégique et leurs transversalités exigent que cette fonction relève d’un dirigeant de très haut niveau. Il le faut, car ces personnes doivent souvent distinguer l’urgent de l’important, et s’imposer comme des agents de changement.

L’analyse de Deloitte nous permet également de comprendre les pièges auxquels sont confrontés ces «porteurs de sens» au sein des organisations. Il y a par exemple la perception d’activiste que certains de leurs collègues ou collaborateurs peuvent entretenir, ce qui exige qu’ils soient humbles, modestes et empathiques. Parmi les autres pièges à éviter, mentionnons le maintien d’un dossier sans faille puisque leurs interventions seront scrutées à la loupe, les aléas de relever de la plus haute fonction de l’organisation ce qui peut les fragiliser lorsque ce dernier vit des moments difficiles ou quitte ses fonctions et l’épuisement professionnel puisque ces personnes sont constamment sur la sellette en tant qu’agents de changement.

Une question mérite d’être posée. Comment cette orientation vers la durabilité et une conscientisation aux besoins de l’ensemble des parties prenantes transforment-elles les organisations dans le style de leadership qu’elle privilégie ?

Selon une étude réalisée par le cabinet Accenture2, l’intégration de la durabilité et des facteurs ESG requiert un nouveau style de leadership caractérisé par des éléments suivants : l’inclusion de la perspective des parties prenantes dans le processus décisionnel, l’émotion et l’intuition, la mission et la raison d’être de l’organisation, l’innovation, le développement continu des connaissances et l’esprit critique.

C’est là un nouveau style de leadership qui se distingue du management du siècle dernier où, comme l’écrivait Richard Straub, fondateur et président du Peter Drucker Forum3, il ne suffit pas de faire bien les choses, mais de faire les choses justes en mettant l’accent sur les objectifs et les valeurs et en se souciant moins du comment que du pourquoi.