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Quand changer sans cesse de façon de travailler fait flipper…

Olivier Schmouker|Publié le 02 Décembre 2021

Quand changer sans cesse de façon de travailler fait flipper…

D'incessants changements qui nuisent au sentiment de «sécurité psychologique». (Photo: 123RF)

MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudisVous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca

Q. – «Avant, c’était le 100% bureau. Avec la pandémie, c’est devenu le 100% télétravail. Bientôt, tous les employés de mon entreprise vont devoir passer en mode hybride: 60% bureau, 40% télétravail. En tant que gestionnaire, je sens autour de moi des employés qui souffrent d’être ainsi trimballés à gauche et à droite, qui sont persuadés que personne ne s’intéresse vraiment aux conditions de travail qui leur permettraient de donner leur 110%. Comment leur dire que leur perception est erronée, qu’on veut vraiment le bien du plus grand nombre, que le mode hybride est bon pour presque tout le monde?» – Charlène

R. — Chère Charlène, vous avez vu juste, nombre d’employés vivent mal tous ces changements à répétition. D’autant plus qu’ils ne sont pas choisis, mais subis. Et pour certains, on peut sûrement parler d’un véritable «choc psychologique», comme vous le signalez.

La solution? Selon Mark Mortensen, professeur de comportement organisationnel à l’école de commerce Insead, à Fontainebleau, en France, il s’agit maintenant de rétablir au travail ce qu’on appelle le sentiment de «sécurité psychologique». Ses travaux montrent qu’il est primordial que chacun se sente assez en confiance pour exprimer un désaccord ou un malaise, que chacun ne redoute pas que sa remarque personnelle lui retombe sur le bout du nez.

Car sans cette sécurité-là, l’équipe risque fort d’aller droit dans le mur. Imaginez que votre équipe soit médicale, en bloc opératoire. Et imaginez ce qui pourrait se passer si jamais l’un des membres de l’équipe n’exprimait un doute au moment où le chirurgien s’apprête à intervenir avec un scalpel qui n’a peut-être pas été parfaitement désinfecté. Par peur du regard courroucé des autres. Ou par peur de se prendre une volée de bois vert par le chef d’équipe.

Cette sécurité psychologique, il est possible de l’établir au sein de votre équipe grâce à différents types d’intervention suggérés par Mark Mortensen:

1. Présentez la situation comme un défi collectif. Prenez le temps de rencontrer les membres de votre équipe et de leur indiquer que le passage au travail hybride est un défi que vous parviendrez à relever seulement si vous vous soutenez les uns les autres. Expliquez-leur que le «pourquoi» du travail — satisfaire les clients, créer un nouveau produit, etc. — ne change pas et que le «comment» — travail hybride, télétravail, etc. — peut, lui, changer sans que cela modifie quoi que ce soit à la mission commune.

2. Donnez l’exemple. Dévoilez aux autres quelles difficultés concrètes il va vous falloir surmonter personnellement pour passer au travail hybride. Par exemple, votre hantise de découvrir une fois chez vous, lors d’une journée de télétravail, que vous avez laissé au bureau un document en papier important. Soyez à cet égard clair et transparent. Car cela incitera les autres à en faire autant à leur tout.

3. Soyez rassurante. Soulignez régulièrement que personne n’est tout seul dans son coin, que personne n’a à subir en silence une souffrance liée à l’adoption du travail hybride. Martelez que les uns et les autres sont toujours là pour donner un coup de main, quoi qu’il advienne. Et quand l’occasion se présente, partagez une anecdote à ce sujet, du genre: «Jeudi, j’étais en télétravail comme nous tous, et j’ai accidentellement jeté le document “X13” à la poubelle et vidé toute la poubelle. La catastrophe! Heureusement, j’ai eu l’idée d’appeler Delphine, et elle m’a envoyé sa propre copie du document. C’était une vieille version, mais pas grave, ça m’a permis d’avancer dans mon travail.»

4. Soyez à l’écoute. Attachez une grande importance aux remarques «anodines» concernant le travail hybride. Car cela peut vous donner l’occasion d’ôter une épine du pied d’un des membres de votre équipe, avant que celle-ci ne l’empêche de marcher normalement.

5. Soyez patiente. La sécurité psychologique, ça prend du temps à germer et à fleurir. Elle est de surcroît toujours fragile. Alors, soyez sans cesse bienveillante avec elle, en ayant bien conscience qu’elle ne grandit pas à la même vitesse chez tout le monde ; certains ont besoin de plus de temps que d’autres pour accorder leur confiance, et il est impératif de respecter cela.

Voilà, chère Charlène. Le travail hybride va demander un supplément de travail aux gestionnaires. Parfois même plus qu’un «supplément» de travail. Mais il est clair que ce travail en vaut la peine, ne serait-ce qu’en raison du fait qu’il peut, entre autres, permettre de nouer des liens plus forts que jamais au sein d’une équipe de travail.