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Quand la baisse d’hormone mine vos employés expérimentés

Catherine Charron|Édition de la mi‑novembre 2023

Quand la baisse d’hormone mine vos employés expérimentés

Pour aider les personnes qui vivent des épisodes de chaleur ou de frisson, on recommande d’aménager un espace pour leur permettre d’avoir un peu d’intimité pour passer à travers ces moments parfois difficiles à cacher dans des espaces à aire ouverte. (Photo: 123RF)

« Chaleur, maux de tête, brouillard cérébral, insomnie, trous de mémoire et j’en passe », écrit Nancy*, directrice générale d’une entreprise lorsqu’on lui demande quels sont les symptômes de la ménopause qui nuisent à sa performance au travail. 

Ces symptômes ne sont pas sans rappeler ceux vécus par Stéphane*, directeur du développement des affaires dans la jeune cinquantaine qui est incommodé par l’andropause. À ces symptômes s’ajoutent la prise de poids et un changement sur le plan de l’odorat qui lui donne l’impression d’avoir une odeur corporelle plus désagréable qu’à l’habitude. 

Si l’intensité de ces symptômes fluctue dans le temps, il va sans dire que pour quelqu’un dont l’une des principales fonctions est de rencontrer de potentiels collaborateurs, ça mine particulièrement son estime de soi. 

« Quelquefois, je me dis que je devrais accepter un poste ayant moins de responsabilités, le temps que ça s’apaise », ajoute la femme qui ressent ces symptômes débilitants depuis plus de deux ans. Et elle n’est pas la seule. 

D’après le rapport « Ménopause et vie professionnelle au Canada », mené par la Fondation canadienne de la ménopause et diffusé le 16 octobre 2023, 10 % des Canadiennes sondées « risquent de quitter le marché du travail » pour cette raison. 

Annuellement, cette transition qui survient au moment où les femmes atteignent généralement le sommet de leur carrière coûte 237 millions de dollars en perte de productivité aux employeurs, révèle l’analyse que l’organisme a commandée à Deloitte Canada. 

Par ailleurs, toujours selon l’étude, 540 000 jours de travail sont perdus à cause de symptômes incontrôlés. 

Puisqu’il n’existe pas d’étude similaire réalisée sur l’andropause — qui touche de 15 % à 20 % des hommes —, il est difficile d’apprécier l’ampleur des conséquences de ce débalancement hormonal chez les professionnels d’expérience sur l’économie et la performance des entreprises. 

N’empêche que quelques gestes simples peuvent être implantés afin d’atténuer la nuisance que ces symptômes incontrôlés peuvent causer en milieu de travail, affirme Marie-Ève Fullum, conseillère en santé globale spécialiste de la transition ménopausique.

 

Déstigmatiser 

Minimiser les conséquences de la ménopause et de l’andropause est une responsabilité partagée, rappelle la consultante. Les travailleurs incommodés par ces symptômes non contrôlés qui viennent avec l’âge doivent donc faire leur bout de chemin sur le plan personnel pour s’adapter. 

Or, leur organisation peut les épauler dans cette démarche, affirme Marie-Ève Fullum. Lorsqu’elle intervient dans les entreprises, le principal objectif de la consultante est de normaliser la ménopause, d’éviter la stigmatisation, les jugements, la discrimination et les commentaires déplacés à l’égard des personnes qui en ressentent les effets. 

Pour ce faire, tout part de la position qu’adoptera la direction, croit-elle. « Si elle ne s’implique pas, ce sera difficile de faire passer le message vers le bas », constate la conseillère. 

Ouvrir simplement le dialogue et briser les tabous en éduquant les membres de l’organisation sur ce que la ménopause et la périménopause peuvent avoir comme effet sur les travailleuses, et ce, dans un climat idéalement empli de bienveillance, peut avoir de belles retombées. 

Ça peut aussi aider leurs homologues masculins. C’est en discutant avec une collègue en pleine ménopause de ses symptômes que Stéphane s’est intéressé à l’andropause, d’où l’importance, selon lui, que les hommes aussi se sentent interpellés par ce discours. 

Si lui ose en parler, encore peu d’hommes de son entourage le font, remarque-t-il. Pourtant, depuis qu’il comprend mieux ce qui explique ces maux, et l’irritabilité qui s’ensuit à l’occasion, il parvient à prendre acte plus rapidement lorsqu’il remarque un changement dans son comportement. « Ce n’est pas la faute de tes collègues quand tu as la mèche courte parce que tu dors mal et que tu as de la difficulté à te concentrer. » 

À Organon Canada, une société de soins de santé spécialisée dans celle des femmes, les gestionnaires sont mêmes formés afin de mieux accompagner leur personnel, rapporte sa directrice des ressources humaines, Litsa Spiridonakos. « Nous avons également développé un guide interne sur la ménopause pour faciliter l’écoute et accompagner la personne qui traverse cette période », dit-elle. 

En offrant des horaires flexibles et le travail hybride, l’organisation s’assure aussi de permettre à ses employés incommodés par des symptômes non contrôlés par ces débalancements hormonaux de travailler au meilleur de leur capacité. 

Une pratique que prône aussi Marie-Ève Fullum, qui recommande de prendre de fréquentes pauses si nécessaire : « Ç’a l’air de rien, prendre cinq ou dix minutes, mais si tu demeures dans cet état-là et que tu t’acharnes, tu ne gagneras pas en productivité, et c’est vrai pour tout le monde. » Encore faut-il que les pauses n’aient pas mauvaise presse au sein de l’organisation.

 

Tempérer l’environnement 

Pour aider les personnes qui vivent des épisodes de chaleur ou de frisson, Marie-Ève Fullum recommande d’aménager un espace pour leur permettre d’avoir un peu d’intimité pour passer à travers ces moments parfois difficiles à cacher dans des espaces à aire ouverte. « Certaines entreprises n’ont même pas de salle de bain réservée aux femmes où elles peuvent s’isoler, dénonce-t-elle. Peut-on simplement avoir une petite salle pour leur donner une petite pause? »

C’est d’ailleurs ce qu’a fait Organon Canada : « Nous avons réaménagé nos espaces de travail qui comprennent dorénavant une petite pièce qui permet à nos employées de prendre un moment, au besoin », rapporte sa directrice des ressources humaines. 

Marie-Ève Fullum suggère aussi de s’assurer que le système de ventilation et de contrôle de la température ambiante peut être ajusté, quitte à offrir de petits ventilateurs ou même des éléments chauffants aux employés. 

Les uniformes peuvent même être repensés et faits de tissus non synthétiques pour qu’ils respirent davantage. 

La clé, croit Litsa Spiridonakos, c’est de s’assurer d’« instaurer un climat de confiance priorisant l’écoute et le respect ». 

En effet, encore aujourd’hui, des femmes craignent que leurs symptômes ternissent leur image aux yeux de leurs collègues, comme Nancy. « J’en ai déjà parlé à mon conseil d’administration, mais plutôt à la blague… Sérieusement, je ne voudrais pas perdre de crédibilité. »

 

* Les noms de famille ont volontairement été retirés pour préserver l’anonymat de nos intervenants.