Arrive le moment où une simple goutte d'eau suffit à faire déborder le vase... (Photo: Usman Yousaf pour Unsplash)
MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudis. Vous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca
Q. – «Au travail, je sens parfois la colère monter en moi, et je me retiens toujours d’éclater. Ça peut se produire quand je découvre qu’un membre de l’équipe tire au flan, ou bien quand un client avance un argument bidon pour obtenir un dédommagement immérité. Je ressens alors une intense pression en moi, pendant des dizaines de minutes. Y a-t-il un truc pour devenir un peu moins colérique?» – Liam
R. – Cher Liam, il est vrai que la colère empoisonne l’existence, aussi bien celle de celui qui la ressent que celle de ceux qui l’entourent. Et il est tout à votre honneur de vouloir atténuer, voire supprimer, ses effets toxiques.
Plusieurs stratégies préconisées par différents experts en la matière peuvent être envisagées à cet égard. Je vous laisse choisir celle ou celles qui seront les plus adaptées à votre quotidien au travail.
Faites une pause cortico-thalamique
Lorsqu’on pique une colère, la passion l’emporte sur la raison. Ou, si vous préférez, le Système 1 (rapide, instinctif et émotionnel) de notre cerveau occulte le Système 2 (plus lent, plus réfléchi et plus logique), selon les explications du psychologue américano-israélien Daniel Kahneman, «prix Nobel» d’économie en 2002.
Or, pour faire taire la fureur qui nous gagne, il convient de recourir à la raison, plus précisément au Système 2. Ce qui peut se faire comme suit:
– Ouvrez le plexus en prenant une respiration profonde;
– Gardez l’air dans vos poumons pendant deux secondes;
– Expirez lentement, puis attendez deux secondes avant d’inspirer à nouveau.
Ce faisant, n’hésitez pas à fermer les yeux pendant deux ou trois secondes, de temps à autre. Car vous couper de l’image qui provoque en vous de la colère permet d’alléger la pression.
Cette simple technique peut suffire à vous empêcher de pousser un regrettable coup de gueule.
Usez de la méthode XYZ
Pour désamorcer une dispute, vous pouvez recourir à la méthode XYZ concoctée par le psychologue Haim Ginott. L’idée est tout bonnement de relancer la discussion sur de bonnes bases, à l’aide de la phrase suivante: «Quand tu as fait X, j’ai ressenti Y et j’aurais préféré que tu fasses Z».
Par exemple, ça peut revenir à dire ceci au collègue que vous surprenez en train de se tourner les pouces par: «Excuse-moi, mais là, tu es clairement en train de te «pogner le cul» (X). Moi, ça me choque (Y). Tu comprends qu’il serait nettement plus préférable que tu mettes l’épaule à la roue, comme tout le monde (Z).» Ça vous évitera de lancer quelque chose de pire sous le coup de la colère.
Arrêtez votre «collection de timbres»
Plus on accumule les rancœurs, plus notre bouilloire interne se met à siffler, et plus le risque s’accroît que tout explose, comme vous l’évoquez, Liam. Ces rancœurs sont, si l’on veut, notre «collection de timbres»: on les ajoute les uns après les autres à mesure qu’ils nous viennent, on n’ose pas y toucher et ils finissent par tellement s’accumuler qu’on n’est plus capable de refermer correctement le classeur. C’est le signe évident que nous encaissons trop, au point de nous mettre en danger d’éclater à tout moment, «pour un rien».
Que faire? Arrêter cette stupide collection. Prenez un de vos “timbres”, analysez-le soigneusement, puis chiffonnez-le. Autrement dit, prenez un moment à vous pour considérer l’une des dernières fois où vous avez senti la moutarde vous monter au nez au travail, et répondez aux questions suivantes:
– Comment se sont déroulés les événements?
– Lequel de ces événements a vraiment déclenché la colère en moi?
– Pourquoi cet événement-là est-il venu me chercher?
– Quelle corde sensible chez moi cela met-il en lumière?
Une fois cette corde sensible identifiée (vous verrez, à force de faire cet exercice, que c’est souvent la ou les mêmes), vous serez en mesure de vous empêcher à l’avenir de collectionner de nouveaux “timbres”. Car vous verrez venir la situation susceptible de réveiller votre colère, et aurez le temps de l’esquiver. Résultat? Le classeur de vos colères va aller de lui-même en s’amenuisant.
Voilà, Liam. J’espère que ces différents trucs vous permettront de rendre votre quotidien au travail un peu plus agréable. N’hésitez à me dire ce qu’il en est.
En passant, le tragique grec Eschyle disait: «La parole apaise la colère».