Des mots qui font mal, très mal... (Photo: Baptista Ime James pour Unsplash)
MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudis. Vous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca
Q. – « Chaque fois que ma boss s’adresse à moi, c’est pour me faire une remarque, pour me critiquer. Je ne sais pas si c’est délibéré de sa part, ou si c’est moi qui interprète ses propos de travers. Car ses mots ne sont jamais clairs, ils peuvent toujours être compris d’une façon ou d’une autre. Je ne me vois pas en train de lui dire tout ça. Mais y a-t-il moyen pour moi de mieux prendre ses remarques, sans en être blessée ? » – Alexandra
R. – Chère Alexandra, de toute évidence, votre boss vous rend anxieuse. La communication passe mal entre vous deux et cela nuit à votre satisfaction au travail.
Les mots de votre boss sont, en quelque sorte, votre «shenpa». Ce terme tibétain signifie «gratter ce qui démange». Il évoque ce besoin que nous ressentons parfois de nous gratter dans l’espoir de calmer une petite démangeaison, mais qui ne fait qu’intensifier la douleur : on gratte, on gratte encore et au final on finit par souffrir vraiment.
Votre boss s’adresse à vous et aussitôt votre «shenpa» s’active : vous ressentez un pincement, vous vous refermez sur vous-même, le pincement s’accentue, vous vous retenez de répliquer et la douleur s’installe irrémédiablement. C’est l’enfer au quotidien.
L’auteur et conférencier américain Seth Godin a parlé de ce phénomène dans l’un de ses billets de blogue. Il y indique que «le cerveau reptilien est responsable de la shenpa». Selon le concept concocté par le neuroscientifique américain Paul MacLean, la partie «primitive» de notre cerveau – en charge de nos réflexes, notamment ceux concourant à la préservation de soi – s’enclenche dès lors que nous sommes confrontés à une «peur intense». Et cela peut nous faire perdre les pédales, comme nous livrer à la «shenpa».
«Le meilleur moyen d’enrayer la spirale infernale de la «shenpa», c’est d’agir sur soi dès que le phénomène apparaît», affirme Seth Godin. Selon lui, il nous faut aussitôt reconnaître le fait que nous sommes confrontés à l’une de nos peurs intenses et accueillir le début de démangeaison que celle-ci entraîne «sans chercher à gratter là où ça fait mal», souligne-t-il.
L’idée est de se livrer à la «prajna», soit la sagesse qui est en chacun de nous et qui nous empêche de commettre bêtise sur bêtise. Dans le cas présent, ça peut consister à remercier votre boss pour ses commentaires, à les reformuler pour lui montrer que vous avez bien saisi le message, puis à vous en aller paisiblement. «Il ne vous a fallu que trois secondes pour mettre fin à la démangeaison, vous venez d’éviter une heure de douleur», note Seth Godin.
Bien entendu, ce truc ne règle pas le problème de fond, qui est la mauvaise communication entre vous deux. Cela étant, il peut vous permettre de rendre vos journées de travail un peu plus agréables. Et – qui sait? – votre toute nouvelle ataraxie aura-t-elle un effet apaisant sur votre boss dans les semaines et les mois à venir, au point d’améliorer vos relations…