Vous avez peut-être tout faux en matière de retour au bureau
Catherine Charron|Mis à jour le 19 juin 2024Le «FOMO» serait votre meilleur allié, selon deux chercheurs. (Photo: Jason Goodman pour Unsplash)
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RHÉVEIL-MATIN. La crainte de manquer quelque chose, ce que les anglophones appellent le «FOMO» ou le «fear of missing out», pourrait bien être votre meilleur allié pour rapatrier aux bureaux vos employés.
C’est ce que conseille le professeur en comportement organisationnel Mark Mortensen à l’Institut européen d’administration des affaires et Amy C. Edmondson, professeure de leadership et de gestion à la Harvard Business School.
Dans un papier qu’ils ont rédigé pour le Harvard Business Review, les deux experts font remarquer que les histoires de retour au bureau qui ont le plus circulé dans les médias ont pour la plupart un point commun: les consignes sont unilatérales, sourdes aux doléances du personnel et ont tout l’air d’une politique dictatoriale.
«Sans surprise», écrivent-ils, elles se sont soldées par de la frustration chez les employés, voire par des vagues de départs surtout des joueurs d’expérience, d’après une étude menée chez Microsoft, Tesla et Apple.
«Les entreprises doivent engager un dialogue avec les employés et être explicites et honnêtes quant aux résultats les plus importants escomptés» avec le retour au bureau, conseillent les auteurs.
La clé réside dans la manière de présenter cette politique, une composante de l’équation à laquelle les organisations accorderaient habituellement peu d’importance. C’est un peu comme de faire d’une situation problématique une occasion de tirer des leçons, illustrent Mark Mortensen et Amy C. Edmondson.
Ils exhortent d’ailleurs les patrons à cesser de dépeindre leurs besoins de rapatrier dans le milieu de travail les employés pour stimuler l’innovation ou nourrir la culture d’entreprise comme incompatibles avec ceux des membres de l’équipe.
Autrement, «la question devient plus difficile à résoudre, car les “guerres” résistent aux ententes et les “luttes” sont soit gagnées, soit perdues, et non redéfinies», disent les experts en s’appuyant sur leurs recherches respectives.
L’affaire de tous
Pour éviter de donner l’impression d’une dualité, d’une séparation entre les intérêts de l’une et l’autre des deux parties, les dirigeants doivent admettre d’emblée que des compromis devront être faits.
Depuis le début de la pandémie, certains travailleurs ont développé de nouvelles habitudes ou changé de milieu de vie, ce qui rend le retour plus fréquent au bureau complexe. Les leaders doivent le reconnaître, tout comme le fait que de précédentes consignes adoptées ont pu contribuer à compliquer la situation dans laquelle ils se trouvent aujourd’hui.
«Il ne s’agit pas de renoncer à des politiques parce qu’elles sont impopulaires, mais plutôt de reconnaître que vos employés peuvent être confrontés à des défis réels et effrayants et d’envisager des moyens de les aider à les résoudre», nuancent Mark Mortensen et Amy C. Edmondson.
La direction doit présenter la résolution des problèmes que peut générer le retour au bureau comme la responsabilité de tous, comme une occasion de collaborer.
Changer d’approche pour présenter les bienfaits
Les bienfaits que l’employeur espère tirer du retour au bureau des membres de son organisation ne s’appliquent pas qu’à lui. Il peine toutefois bien souvent à leur faire comprendre.
Ainsi, la plupart du temps, les salariés accueillent une telle annonce en concluant que leur patron pense que promouvoir une culture d’entreprise forte vaut davantage que ce qui leur importe, comme passer plus de temps avec ses proches.
Pourtant, le présentiel engendre de réels bénéfices pour le travailleur aussi, ont démontré nombre d’études. Faire partie d’une organisation novatrice est stimulant et a des retombées positives sur le bien-être de l’employé.
À noter que l’inverse est aussi vrai. Le besoin d’avoir du contrôle sur son propre horaire de travail du personnel récalcitrant profite aux entreprises, et pas que parce qu’elles réduisent le taux de roulement en préservant le bonheur de ses employés. «Un plus grand sens de la responsabilité et de l’appropriation se traduit par des performances accrues et une répartition plus efficace des tâches», rappellent les auteurs.
Se donner le droit à l’erreur
Il n’existe pas de marche à suivre unique pour assurer que le retour se passe bien. Celle que chaque entreprise adoptera lui sera propre, mais surtout, elle devra être itérative et miser sur la collaboration.
Surtout, indiquent les auteurs, la direction doit se donner le droit à l’erreur. Elles sont cruciales pour tirer des leçons et apprendre. La première politique du retour au bureau en sera truffée, et sera appelée à changer en fonction de nouvelles réalités du monde du travail. Il est primordial d’en prendre conscience dès son adoption.
«Une partie essentielle de votre processus consiste à reconnaître – et à communiquer – dès le départ qu’une réévaluation périodique de toute politique sera nécessaire», concluent Mark Mortensen et Amy C. Edmondson.