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Quel avenir pour le 9@5?

Olivier Schmouker|Publié le 26 octobre 2020

Quel avenir pour le 9@5?

Un concept dépassé, estiment une majorité de Québécois... (Photo: Nathana Rebouças pour Unsplash)

BLOGUE. Pour la grande majorité d’entre nous, nous avons toujours connu l’horaire de travail classique qui va de 9h du matin à 5h de l’après-midi. Et puis est arrivée la pandémie du nouveau coronavirus ainsi que tous les bouleversements professionnels que celle-ci a provoqués – télétravail, réunions Zoom ou Teams, port du masque au travail, etc. -, lesquels ont fait voler en éclats toutes nos petites habitudes, en particulier celle du 9@5.

Une récente étude de la Harvard Business School (HBS) montre que les télétravailleurs actuels travaillent en moyenne une heure de plus que ce qu’ils faisaient lorsqu’ils allaient au bureau. Une heure de plus qui s’ajoute en général en fin de journée, si bien que nous faisons maintenant non plus du 9@5, mais du 9@6.

Pour être plus précis, il ne s’agit pas vraiment de 9@6 mais plutôt d’un horaire de travail éclaté: certains commencent à 8h, une fois les enfants partis à l’école, s’arrêtent à 9h pour lancer quelques tâches ménagères, se remettent à la tâche à 9h30 pour une heure de travail intense avant de devoir filer faire des courses, etc. jusqu’à parfois 20h ou 21h, un dossier devant être impérativement bouclé pour le lendemain matin. En bout de ligne, ça revient certes à faire du 9@6 en nombre d’heures travaillées, mais on ne peut plus vraiment parler d’horaire de travail régulier tant le quotidien professionnel est fondu dans le quotidien personnel.

«Le 9@5 est maintenant dépassé, a lancé Manon Poirier, directrice générale, de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA), à l’occasion de l’événement virtuel «Le Futur du travail» récemment organisé par le centre de formation Infopresse. Nous n’avons plus le choix que de revoir ce concept qui manque de flexibilité et qui ne répond plus aux besoins des gens.»

Une opinion corroborée par les résultats préliminaires d’une étude de l’Université de Montréal, qui mettent en évidence le fait que moins de 1 Québécois sur 3 disent aujourd’hui préférer le 9@5 à tout autre horaire de travail, et que 20% disent ne plus trop savoir quoi en penser, si c’est le meilleure horaire de travail, ou pas.

«Le 9@5 est un facilitateur pour ceux qui ont des enfants, et encore, a dit la psychologue Rose-Marie Charest, lors du même événement. C’est que le problème du télétravail de 9@5 réside dans le fait qu’il est alors impossible d’être à 100% au service de son travail et à 100% au service de sa famille sans s’épuiser. Nous ne l’avons jamais fait, et personne n’est là pour l’enseigner.»

Et d’expliquer: «L’idéal, ce serait de nous «nourrir» à l’occasion de chacune de nos tâches, c’est-à-dire d’alterner les tâches «fatigantes» (tellement complexes qu’il nous faut puiser dans notre stock d’énergie pour les mener à bien) et les tâches «reposantes» (tellement faciles pour nous que nous les accomplissons sans même nous en rendre compte), poursuit-elle. Car cela nous permettrait de ne pas nous épuiser. Mais voilà, la question est la suivante: nous sommes doués pour nous stresser, mais sommes-nous tout aussi doués pour relaxer?»

Autrement dit, il convient d’apprendre à travailler autrement. De ne plus être à la course comme nous le sommes tous, mais d’apprendre à alterner les moments de sprint et les moments de marche. Pour notre santé physique et psychique.

Comment y parvenir? Le Comité consultatif du travail et de la main-d’oeuvre (CCTM) vient de remettre un rapport à Jean Boulet, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, dans lequel il est préconisé d’exiger que les employeurs se dotent d’une véritable politique de télétravail. D’une politique qui en balise les modalités et en clarifie certains aspects: responsabilités en cas d’accident du travail, paiement de certaines dépenses reliées au travail, droit à la déconnexion, etc.

Mais le ministre a d’ores et déjà averti qu’il ne comptait pas s’occuper de ce dossier: «Moi, je vais faire une recommandation forte pour que les employeurs adoptent une politique sur le télétravail, a-t-il dit lors de la remise du rapport. Mais je ne crois pas qu’il soit possible, ni même souhaitable, d’adopter une mesure générale qui s’appliquerait à toutes les entreprises: il faut s’adapter à la réalité de chaque milieu de travail.»

Si le politique n’entend pas légiférer sur le télétravail, et encore moins sur l’adaptation de 9@5 au nouveau monde du travail, alors il va falloir qu’employés et employeurs s’accordent pour faire des avancées à ce sujet. Sans quoi, on risque d’assister çà et là à des bras de fer aux conséquences potentiellement dramatiques: les études s’accumulent ces temps-ci pour montrer qu’un nombre grandissant d’employés se disent prêts à changer d’employeur si jamais ils arrêtaient la possibilité de faire du télétravail, ou encore s’ils revenaient en arrière en matière de flexibilité des horaires de travail (le dernier en date indique que 1 Québécois sur 2 sont «sérieusement» prêts à faire un tel geste!).

«La pandémie a permis de faire un bond de 10 ans en matière de flexibilité, a affirmé Geneviève Provencher, la fondatrice du site d’emplois flexibles Flow, à l’occasion de l’événement d’Infopresse. À présent, on assiste à la multiplication d’initiatives visant à accroître la flexibilité du travail: lorsqu’il est trop complexe pour elles de modifier le 9@5, certaines entreprises recourent, entre autres, aux concepts de la semaine comprimée (on fait en 4 jours ce qu’on faisait en 5, ce qui permet d’allonger d’une journée la fin de semaine), du partage d’emploi (deux employés se partagent un même poste, chacun travaillant les journées qui l’arrangent le plus), ou encore de la retraite graduelle (au lieu de passer brutalement de 5 jours par semaine à 0, un pré-retraité ne travaille plus que 4, puis 3, puis 2 jours par semaine).»

Comme quoi, il y a bel et bien des solutions. À condition, bien entendu, d’être prêt à innover en matière de management.

«En tant qu’employeur, j’estime qu’il n’y a qu’une seule règle qui doit prévaloir: nous devons tous nous faire confiance, a illustré Anthony Vendrame, PDG et cofondateur, du fabricant de vêtements Poche & Fils. C’est pourquoi chacun travaille ici comme il l’entend: tu te mets au travail quand tu le veux, tu quittes quand tu estimes que tu dois quitter, tu peux travailler d’où tu le veux, etc. Il n’y a pas d’horaires de travail chez nous. Je ne veux même pas savoir si quelqu’un travaille toute une journée, ou pas du tout.»

Et de souligner: «Peu m’importe que tu trouves une idée géniale en 5 minutes sous ta douche ou si ça t’a pris 10 heures assis à un bureau, poursuit-il. Ce qui compte, c’est que tu t’épanouisses sur les plans professionnel et personnel. Les deux à la fois. Oui, mon rêve de PDG, c’est vraiment d’atteindre un tel objectif.»

À bon entendeur, salut!

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