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Quelles doivent être les qualités d’un leader d’aujourd’hui?

Olivier Schmouker|Publié le 17 août 2023

Quelles doivent être les qualités d’un leader d’aujourd’hui?

Un bon leader sait, entre autres, lâcher prise, et donc responsabiliser davantage les autres. (Photo: Headway pour Unsplash)

MAUDITE JOB! est la rubrique d’Olivier Schmouker qui répond à vos interrogations les plus croustillantes (et les plus pertinentes) sur le monde du travail et ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudis. Vous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca

Q. – «C’est la rentrée, et je veux en profiter pour améliorer mon leadership. Plus précisément, j’aimerais le mettre au goût du jour: la semaine dernière, j’ai “crié” sur une jeune recrue qui faisait la forte tête et j’ai senti que ce n’était pas le bon moyen de faire passer mon message auprès de la relève. Je suis donc prêt à changer “un peu” afin de gagner en efficacité…» – Patrick

R. — Cher Patrick, je tiens à vous féliciter pour votre ouverture d’esprit: ce ne sont pas tous les dirigeants d’entreprise qui réalisent qu’ils se doivent de sans cesse évoluer pour demeurer de bons leaders. Chapeau bas!

Maintenant, pour répondre à votre interrogation, je pourrais vous dresser la liste des compétences les plus souvent évoquées de nos jours par les leaders réputés pour leur efficacité. Cette liste serait sans surprise, tant ces compétences sont citées ici et là dans les articles actuels portant sur le management: bienveillance, empathie, respect, adaptabilité, audace, etc. Des articles qui soulignent tous, sans exception, que l’important tournait hier autour du savoir-faire et qu’il tourne aujourd’hui autour du savoir-être.

Mais une telle réponse me paraît insuffisante, car on ne peut pas devenir un bon leader à partir d’une liste d’épicerie. Je préfère vous donner un autre type de réponse, à savoir le témoignage d’une jeune entrepreneure en train d’expérimenter ce que c’est qu’être un leader de nos jours. Regardons ça ensemble.

Nicole Cuervo a eu son MBA à l’École de management Kellogg, à Evanston (États-Unis), en 2022. Elle a aussitôt après créé sa start-up, Springrose, qui conçoit et commercialise des sous-vêtements faits pour les femmes à mobilité réduite. Celle-ci est d’ores et déjà en affaires, ayant son site web, un partenaire pour la fabrication et une équipe d’une dizaine de personnes.

L’entrepreneure considère que l’un de ses atouts dans le recrutement est justement la mission que s’est donnée la start-up: apporter du confort aux femmes en situation de handicap. Les candidats à l’embauche savent qu’ils auront la chance d’améliorer le quotidien des gens, et même d’un grand nombre de gens: selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 16% de la population mondiale est actuellement handicapée, même si toutes les personnes concernées ne s’identifient pas toujours à cette étiquette. C’est qu’il peut s’agir de simples douleurs articulaires, de douleurs chroniques, ou encore d’une mobilité réduite.

Autrement dit, il convient de donner une mission tripante à l’équipe que vous dirigez. Bien entendu, vous n’allez pas changer la raison d’être de votre entreprise, mais vous pouvez néanmoins modifier la façon dont vous présentez les objectifs ponctuels à atteindre, qu’ils soient individuels ou collectifs. Et ce, en mettant l’accent sur ce en quoi ceux-ci permettent de «changer le monde».

Ce n’est pas tout. Selon Nicole Cuervo, le leader d’aujourd’hui se soucie vraiment du bien-être de tous et chacun. Par exemple, il veille à la santé mentale des membres de l’équipe, au besoin en donnant l’exemple: dans son cas, la jeune entrepreneure médite «aussi souvent que possible».

Nicole Cuervo n’adhère pas à la croyance selon laquelle le fondateur d’une start-up doit travailler 100 heures par semaine et ne manger que des ramens, vite fait. Elle trouve cela toxique, pour l’entreprise comme pour le dirigeant. D’où l’importance de s’accorder de vrais temps de repos. Concrètement, cela l’amène à arrêter parfois sa journée à 15h, l’idée étant de respirer et d’ainsi gagner l’énergie nécessaire pour le lendemain et les jours qui suivent. Bien entendu, ce qui est valable pour elle l’est tout autant pour ses employés: eux aussi ont une certaine marge de manœuvre pour modifier leur emploi du temps ; la clé est dès lors de respecter les échéances, non pas de «faire ses heures».

Enfin, la jeune titulaire d’un MBA a mis en pratique plusieurs trucs pratiques qui lui ont été enseignés à Kellogg, et elle considère que les trois les plus utiles sont les suivants:

— Validez vos décisions auprès d’autrui. En tant que leader, il vous revient de trancher, de prendre des décisions qui sont parfois lourdes de conséquences. Son truc pour y parvenir avec succès consiste à demander au membre de l’équipe le plus concerné par la décision en question ce qu’il ferait concrètement s’il lui fallait, lui, faire un choix. Cela lui permet d’affiner sa propre réflexion, puis de valider son choix, celui-ci étant très souvent, au final, le même que celui de l’employé consulté.

À noter, cerise sur le sundæ, qu’il est hyper motivant pour un employé d’être ainsi écouté.

— Promettez moins, livrez plus. En tant que leader, prenez garde aux promesses que vous pouvez être tenté de faire. Car il y a toujours des imprévus qui feront que vous allez finir par ne pas pouvoir les tenir, et par suite, que vous finirez par ne plus être considéré comme un leader fiable. Le truc? Ne plus faire de promesses, mais livrer davantage que ce qui était attendu. Par exemple, si l’échéance est de 7 jours, ça peut revenir à faire la belle surprise de livrer la marchandise en 6 jours.

À noter, ici, que l’idée n’est pas de donner son 110%, heure après heure, journée après journée, pour afficher une performance extraordinaire. Vous iriez alors droit au burn-out. Non, c’est plus subtil que ça: dans le cas présent, il faut convenir dès le départ que vous avez besoin de 7 jours pour mener à bien la mission qui vous est confiée, sachant qu’en vérité il vous en faut 6 en travaillant à un rythme normal (avec une journée de plus, en cas de pépin). Vous dépasserez ainsi les attentes, sans forcer pour autant.

— Lâchez prise autant que faire se peut. En tant que leader, on se croit souvent — à tort — omniscient et ultra compétent. Un peu d’humilité ne fait jamais de mal: si votre équipe est bien composée, il y a parmi ses membres des personnes plus compétentes que vous dans des domaines bien précis (l’un est plus créatif que vous, une autre est plus à l’aise avec les chiffres que vous, etc.). Mettez en œuvre ces forces le plus souvent possible, car les objectifs seront ainsi plus aisément atteints. D’autant plus que cela redoublera le plaisir de travailler des personnes concernées.

Une astuce à cet égard, sachant qu’il n’est jamais facile de lâcher-prise: Nicole Cuervo veille toujours à être bien comprise lorsqu’elle confie l’une de ses tâches à autrui, en demandant à la personne concernée de lui répéter ce qu’elle doit faire. Elle a alors l’assurance qu’elle et l’autre sont bel et bien sur la même longueur d’onde.

Voilà, Patrick. Misez davantage sur votre savoir-être. Veillez au bien-être, celui des autres comme le vôtre. Et recourez aux trois trucs pratiques de Nicole Cuervo pour prendre de meilleures décisions, gagner en fiabilité et engager davantage les membres de votre équipe. Cela devrait faire de vous, je pense, un meilleur leader.

En passant, l’écrivain français Jules Renard a dit dans son «Journal»: «C’est une question de propreté: il faut changer d’avis comme de chemise».