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S’inquiéter d’une vague d’immigrants?

Olivier Schmouker|Publié le 21 octobre 2021

S’inquiéter d’une vague d’immigrants?

Vous pourriez fort bien regarder l’arrivée de nouveaux venus comme une occasion en or de prendre du galon dans l’organisation. Oui, il ne tient qu’à vous de voir le changement comme une aubaine, et non pas comme une déveine. (Photo: LinkedIn Sales Solutions pour Unsplash)

MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudisVous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca

 

Q. – «Ces temps-ci, l’industrie dans laquelle je travaille fait massivement appel aux immigrants pour pallier la pénurie de main-d’œuvre. OK, je veux bien, mais ça m’inquiète : mon chèque de paie va-t-il bientôt diminuer parce que les employeurs embauchent à bas prix de plus en plus d’immigrants ? Parce que ces derniers sont prêts à travailler pour moins cher que nous?» – Antoine

 

R. – Cher Antoine, je vais aller droit au but: vous n’avez pas vraiment de raison de vous inquiéter. Ni pour votre paie ni même pour votre emploi. J’en veux pour preuve une récente étude sur le sujet, qui montre que l’impact éventuel d’un flux massif d’immigrants dans un secteur d’activité dépend de la «négociabilité» des emplois concernés. Je m’explique… 

Ariel Burstein est professeur d’économie à l’Université de Californie à Los Angeles (États-Unis). Avec trois autres chercheurs, il a regardé ce qui s’était passé dans plusieurs centaines de localités américaines lorsque davantage d’immigrants que d’habitude s’y étaient installés, entre 1980 et 2012. Puis, il a concocté un modèle de calcul économétrique — un outil d’économiste qui permet de prédire l’évolution d’un marché en fonction de la variation de ses composants (ici, une hausse inusitée du nombre d’immigrants) — afin de voir si l’on pouvait généraliser, ou pas, les impacts que cela avait pu avoir dans certains marchés du travail locaux.

Résultats ? Ils tiennent en trois points :

 

  1. Aucun impact sur les emplois négociables. Les travailleurs locaux dont les salaires sont négociés à l’embauche (en fonction, par exemple, des années d’expérience ou du diplôme de la nouvelle recrue) ne subissent aucun impact à la suite d’une arrivée massive d’immigrants. Pas de perte de poste au profit d’un travailleur étranger payé moins cher. Pas non plus de baisse de rémunération parce que les nouveaux immigrants se montrent moins exigeants quant au montant de la paie.
  2. Faible impact sur les emplois non négociables là où les travailleurs locaux sont majoritaires. Les travailleurs locaux dont les salaires ne sont pas vraiment négociés à l’embauche (parce que la rémunération est voisine du minimum légal ou parce que la grille salariale est ultra rigide) ne subissent quasiment jamais d’impact négatif lorsqu’un grand nombre d’immigrants arrive. À condition que les travailleurs locaux y soient majoritaires.

  3. Impact sensible sur les emplois non négociables là où les travailleurs locaux sont minoritaires. La donne change lorsque les travailleurs locaux sont déjà minoritaires dans leur secteur d’activité: une arrivée massive d’immigrants peut à ce moment-là «menacer» leur salaire, voire leur emploi. L’étude donne un exemple frappant, celui des femmes de ménage à Los Angeles, où les Américaines y sont maintenant une rareté. 

 

Par conséquent, cher Antoine, il faudrait que vous occupiez un emploi peu rémunéré et que vous soyiez l’un des rares Québécois au sein de votre organisation pour que l’arrivée de nouveaux immigrants puisse représenter une «menace» pour vous. Et encore, il conviendrait de nuancer le terme de «menace»: vous pourriez fort bien regarder l’arrivée de nouveaux venus comme une occasion en or de prendre du galon dans l’organisation, et donc de postuler à de nouvelles responsabilités, mieux rémunérées. Oui, il ne tient qu’à vous de voir le changement comme une aubaine, et non pas comme une déveine.