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Sous pression au travail? Voici comment ne pas craquer!

Olivier Schmouker|Publié le 10 janvier 2019

Sous pression au travail? Voici comment ne pas craquer!

Sous pression, on rate ce qu'on ne rate pourtant jamais... Photo: DR

Saviez-vous que 2019 a d’ores et déjà un nouveau champion du monde, et ce depuis le 1er janvier ? Il s’agit du Néerlandais Michael van Gerwen, qui a remporté, pour une troisième fois, le titre du Professional Darts Corporation World Championship, avec à la clé une prime record de 630 000 $ US. Une victoire triomphale devant plusieurs milliers de fanatiques du jeu de fléchettes qui s’étaient rassemblés quelques heures à peine après le passage du Nouvel An à l’Alexandra Palace de Londres, en Grande-Bretagne.

Imaginez la scène… Des milliers de gens sont là, l’esprit à la fête, certains étant même passablement éméchés. Des centaines de milliers d’autres regardent en direct à la télévision. Et vous êtes l’un des deux finalistes de la compétition ultime, qui s’est échelonnée sur deux interminables semaines. Il vous faut donner le meilleur de vous-même, là, maintenant, alors même que la pression est phénoménale : le moindre faux-pas va déclencher une vague de désapprobation dans le public et va faire chuter vos chances de remporter le titre mondial ; pis, cela risque de vous coller à vie l’étiquette du loser, de celui qui a lamentablement trébuché sur la marche la plus haute du podium.

Bref, la pression est triple : la gloire, ou l’oubli, vous attendent ; la fortune aussi ; enfin, la célébrité, puisque la finale concentre l’attention de tous les médias.

La question saute aux yeux : comment faire face à une telle pression ? Oui, comment parvenir à donner votre 110% alors que toutes les conditions sont réunies pour vous faire échouer ?

La réponse se trouve dans une étude intitulée Incentives, performance and choking in darts. Celle-ci est signée par : Bouke Klein Teeselink, doctorant en finance à l’Université libre d’Amsterdam (Pays-Bas); Rogier Potter van Loon, doctorant en finance comportementale à l’Université Érasme de Rotterdam (Pays-Bas); ainsi que Martijn van den Assem et Dennie van Dolder, tous deux professeurs de finance à l’Université libre d’Amsterdam. Regardons ensemble de quoi il retourne…

Le double centre. Photo: DR

Les quatre chercheurs néerlandais ont analysé très exactement 123.402 matchs officiels de jeu de fléchettes qui ont eu lieu entre 1974 et 2017, à différents niveaux (enfants, amateurs et professionnels). Il se trouve que les données sont riches à ce sujet, puisque les points enregistrés par chacun des jets effectués sont enregistrés en compétition. En conséquence, les chercheurs pouvaient aisément voir si un joueur maintenait son niveau de jeu jet après jet, y compris lors des tournants du match, ou s’il «craquait» à l’instant où la tension était maximale : par exemple, lorsqu’il lui faut envoyer sa fléchette au double centre (bull’s eye, en anglais) pour enregistrer pile 50 points et ainsi gagner le match.

Résultats ? Tenez-vous bien :

– Une pression «modérément forte» est bénéfique. En général, les joueurs donnent le meilleur d’eux-mêmes lorsqu’ils connaissent une pression «modérément forte». Et ce, quel que soit leur niveau de jeu. Par exemple, lorsqu’un joueur a l’occasion de prendre l’avantage sur son adversaire en envoyant sa dernière fléchette pile au milieu de la cible (le fameux double centre), eh bien, il lui arrive plus souvent qu’autrement de réussir ce coup extraordinaire !

– Une pression «forte» est presque toujours dévastatrice. En général, les jeunes joueurs et les joueurs amateurs craquent dès lors que la pression est «forte». C’est-à-dire lorsque la gloire est en jeu, lorsque la récompense est élevée, ou encore lorsque l’attention de tout le monde se porte sur eux. Leurs jets sont alors nettement moins bons qu’à l’habitude, de manière significative, voire dramatique (les chances de rater la case visée sont supérieures de 7 à 13% par rapport aux jets précédents, ce qui est énorme en compétition).

– Une exception : les professionnels. Il y a une exception, toutefois, lorsque la pression est «forte» : les professionnels, eux, sont nullement affectés par la pression, y compris lorsqu’elle est «extrême» (comme c’était le cas le 1er janvier dernier pour Michael van Gerwen) ; leur performance demeure globalement stable, tout au long du match.

«Ces résultats montrent que ceux qui sont les plus susceptibles de craquer sous la pression, ce sont les moins compétents. Et par voie de conséquence, qu’il est possible de résister à des pressions fortes ou extrêmes, pourvu que l’on s’entraîne et que l’on gagne en expérience», notent les quatre chercheurs dans leur étude.

Et de souligner : «La pression n’est pas, en soi, quelque chose de néfaste pour la performance, à moins qu’elle ne soit trop forte pour la personne qui la subit. Elle peut même être bénéfique lorsqu’elle est modérément forte».

Que retenir de tout cela ? Ceci, à mon avis :

> Qui entend ne pas craquer sous la pression au travail se doit de se voir comme un champion du jeu de fléchettes. Il lui faut se classer lui-même dans une catégorie – jeune, amateur ou professionnel –, en fonction de ses années d’expérience dans le domaine dans lequel il évolue. Puis, il doit prendre conscience du risque qu’il présente de «craquer» si jamais la pression se mettait à grimper – un dossier crucial dont on lui donne la responsabilité, un juteux contrat à négocier avec un nouveau partenaire d’affaires, etc. Dès lors, il sera en mesure de faire face à la situation avec justesse : par exemple, demander l’aide ou les lumières d’un collègue plus expérimenté, ou encore se dire que c’est là une occasion en or d’exercer ses talents propres, et donc, de gagner en expérience. Et – qui sait ? – peut-être se dirigera-t-il ainsi d’un pas ferme vers une «formidable finale du Championnat du monde», dans les prochaines années…

En passant, le feu président américain John Fitzgerald Kennedy a dit dans son livre Profiles in courage : «Un homme fait ce qu’il a à faire malgré les obstacles, les dangers, la pression et les conséquences sur sa vie ; c’est la base de toute morale humaine».

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