Soyez stratégique dans votre transformation numérique
Emmanuel Martinez|Édition de la mi‑Décembre 2023L’alignement de la stratégie constitue la première clé pour une transformation numérique réussie. (Photo: 123RF)
La transformation numérique d’une PME doit avant tout être vue sous un angle stratégique plutôt que d’être abordée comme un défi technique.
C’est la thèse centrale que défendent les auteurs québécois du livre Six clés pour la transformation numérique de votre entreprise à l’ère de l’industrie 4.0, Sylvestre Uwizeyemungu, Louis Raymond et Claudia Pelletier, qui a été publié plus tôt cette année.
« Notre vision fondamentale de la transformation numérique, c’est qu’il s’agit d’une feuille de route, explique un des chercheurs, Louis Raymond, professeur émérite en systèmes d’information à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), en entrevue. On dit à l’entrepreneur : soyez certain de le faire parce que cela correspond à la stratégie d’entreprise, pas parce que tout le monde le fait. »
Celui qui collabore, comme ses deux coauteurs, à l’Institut de recherche sur les PME de l’UQTR estime donc que les choix qui s’offrent aux entreprises dépendent des objectifs priorisés, comme stimuler l’innovation, accroître la rentabilité ou augmenter la productivité. L’environnement d’affaires, tels le secteur d’activité et la concurrence, joue aussi dans la voie à suivre.
Ayant déjà adopté des technologies de l’information et de la communication comme les progiciels de gestion intégrés, ainsi que des outils liés à l’Internet pour le commerce électronique et d’autres applications web, les PME manufacturières et de services industriels peuvent maintenant aller plus loin. L’infonuagique, l’Internet des objets, l’analytique des données massives et la réalité augmentée constituent des exemples de technologies qui s’offrent à elles dans le cadre d’une transformation numérique. Le défi en est surtout un de gestion afin de configurer les actions en un tout cohérent.
« De nombreuses entreprises mettent beaucoup l’accent sur les données, mais on doit réfléchir sur pourquoi on les recueille, note Sylvestre Uwizeyemungu, professeur titulaire en sciences comptables à l’URTR et coauteur de l’ouvrage. Plusieurs sautent cette étape. Il faut d’abord bien penser à votre problème d’affaires et aux défis organisationnels à mettre de l’avant pour les résoudre. »
Évaluer ses capacités
L’alignement de la stratégie constitue ainsi la première clé pour une transformation numérique réussie. Cela signifie qu’il n’existe pas une solution mur à mur pour les PME. Chacune doit faire son analyse selon ses buts. L’accompagnement par un tiers peut être un bon moyen d’y voir plus clair.
« Le prestataire doit démontrer qu’il a compris votre problématique spécifique et ne doit pas vous forcer à vous adapter pour adopter sa solution, souligne Louis Raymond. Il vaut mieux se tourner vers des consultants orientés vers la PME au lieu de grandes boîtes pour qui la PME est négligeable. »
La direction doit donc bien évaluer les capacités de son entreprise avant de se lancer dans un virage technologique. « La compétitivité requiert d’être agile et innovant, mais aussi d’être efficient, rappelle le professeur à la retraite. Lorsqu’on fait beaucoup d’innovation, la productivité diminue souvent durant le processus de changement. Il faut être ambidextre : il faut explorer et exploiter. Il faut créer de la nouvelle valeur et capturer la valeur existante. »
Selon lui, la transformation numérique doit améliorer cette aptitude à travailler sur ces deux tableaux. Certaines technologies sont plus axées sur l’exploitation pour réduire les coûts de fabrication, tandis que d’autres se focalisent sur l’innovation.
Il est aussi essentiel pour l’entrepreneur d’adopter une vision claire, de mobiliser ses équipes ainsi que de les outiller pour que ces améliorations numériques portent leurs fruits.
« Tout revient à la qualité des ressources humaines, à la formation et à l’ouverture des dirigeants, ajoute le professeur à la retraite. Cette transformation est avant tout une question de compétence managériale plutôt que technique. La gestion des technologies, c’est là où le bât blesse. »
À double sens
Vue sous l’angle de la capacité de l’organisation, la transformation numérique est sans fin, mais pas linéaire ni guidée seulement par les évolutions technologiques.
« Il ne s’agit pas d’une relation univoque, croit Louis Raymond. La transformation numérique peut en retour affecter la stratégie de l’entreprise parce qu’elle amène de nouvelles possibilités. »
Dans ce contexte de va-et-vient, le développement de l’intelligence d’affaires est vital pour pérenniser la transformation numérique. L’entreprise doit mettre en place des processus pour engranger des données qui ont un sens pour elle, avec des indicateurs qui reflètent ce qu’elle veut savoir.
« L’idée, c’est que l’environnement se métamorphose constamment, constate Sylvestre Uwizeyemungu. Si on ne récolte pas les données, on ne voit pas les signaux qui montrent que le milieu se modifie. Gérer une entreprise, c’est comme naviguer dans un océan : on peut le faire à vue ou avec des instruments. Si ton concurrent aperçoit les changements avant toi, il aura toujours une longueur d’avance. »