Si ce ne sont pas toujours eux que l’on remarque en premier au travail, les timides sont souvent des champions de l’écoute, de l’empathie ou de la réflexion, des atouts précieux qu’il convient de mettre en avant. (Photo: 123RF)
RESSOURCES HUMAINES. Fraîchement arrivé du Liban en 2010, Jorj Helou parlait bien français, mais l’accent québécois l’a totalement déstabilisé. «Je ne comprenais rien aux jokes de mes collègues, mais je riais pareil», se souvient-il, encore un peu honteux. Il a alors vécu une grande solitude, incapable qu’il était de nouer des relations de confiance avec les autres, faute d’une bonne communication. C’est ainsi que la timidité a fini par le gagner : « Il m’est devenu impossible de prendre la parole en réunion, car je craignais de ne rien comprendre de ce que me diraient les autres», illustre-t-il.
C’est que la timidité n’est pas qu’une question de tempérament ou d’expériences négatives qui se sont répétées durant notre jeunesse. Des circonstances particulières peuvent nous rendre timides, et si jamais elles perdurent, la timidité peut finir par «s’ancrer en nous», selon le psychiatre français Antoine Pelissolo, coauteur du livre Ne plus rougir et accepter le regard des autres.
Un patron autoritaire, une pression constante à la performance, de toutes nouvelles responsabilités… Nous nous surprenons dès lors à éviter certains couloirs du bureau afin de ne pas croiser le patron, ou encore à avoir la voix tremblante quand nous demandons un service à une collègue, étranglés que nous sommes par la peur de l’embarrasser ou bien par celle de passer pour un incapable. Nous nous mettons parfois même à fuir les situations sociales les plus banales, comme les 5 à 7 et les toilettes quand plusieurs collègues y sont déjà. La timidité paralyse la parole, fige l’attitude, renforce l’isolement.
Vaincre sa timidité
«Quand on est timide, on voudrait juste entrer dans un trou de souris et ne plus bouger», dit la coach française Anne-Marie Barreiro, qui a travaillé un temps au Québec.
D’où l’utilité de travailler sur soi-même pour parvenir à surmonter sa timidité, ce qui peut être fait en quatre étapes, selon elle.
- S’observer. Il s’agit de répertorier les moments où s’exprime notre timidité au travail.
- Observer la situation. Notre timidité est-elle plus forte lorsque certaines personnes sont présentes? Le cas échéant, pourquoi? Par ailleurs, cela fait-il écho à une situation passée? Les réponses à ces interrogations nous dévoileront des pistes « a priori » intéressantes à explorer pour faire face à notre timidité.
- Corriger le tir. Disons que notre timidité s’exprime surtout en réunion d’équipe. Il peut être bon de repérer l’attitude d’un participant qui nous inspire et de l’imiter. Par exemple, quand celui-ci prend la parole, lève-t-il la main avant ou bien saute-t-il sur la première occasion venue? L’idée est de gagner confiance en nous-mêmes en recourant à la même stratégie que ce collègue.
- Répéter l’opération, encore et encore. L’objectif est d’aller chercher l’audace qui sommeille en nous.
À noter qu’un gestionnaire peut jouer un rôle bénéfique dans ce travail, si jamais il repère qu’un des membres de son équipe en souffre en cachette. Une étude pilotée par Maria De Paola, professeure de sciences économiques à l’Université de Calabre, en Italie, a en effet mis au jour le fait que le bien-être d’un employé timide s’apprécie, en général, si :
- on parle avec lui en tête-à-tête des moments où s’exprime sa timidité ;
- on salue (discrètement) les progrès de l’employé timide chaque fois qu’il parvient à surmonter une difficulté particulière ;
- on fait travailler l’employé timide en binôme.
Plus la confiance va progresser, plus la timidité va reculer. Mais attention à ne pas tenter de l’annihiler totalement. La timidité peut se révéler être… une incroyable force!
Une force intérieure
Louis-Philippe Rivard est scripteur humoriste. Ce «gêné professionnel» s’est longtemps caché derrière nombre de jokes qu’il a inventées pour Peter MacLeod, Dominic Paquet et autres Véronic DiCaire. Jusqu’au jour où sa conjointe, Josée Boudreault, lui a demandé de monter sur scène avec elle pour l’aider à présenter ses conférences : il en a tenu aujourd’hui plus de 400.
Son secret? Il a découvert que sa timidité recélait des «superpouvoirs», comme il l’explique dans son livre « La revanche des timides ». Par exemple, les timides sont souvent les champions de l’écoute, de l’empathie, de la communication écrite, de la réflexion ou même de la créativité. Ces superpouvoirs sont autant d’atouts précieux qu’il convient de mettre en avant aussi souvent que possible au travail, histoire de briller aux yeux des autres et de prendre plus confiance en soi. Le tout, c’est de se convaincre d’une chose : «Nous, les timides, nous avons une richesse intérieure qui gagne à être partagée», dit-il.
Une conviction que partage assurément Jorj Helou, aujourd’hui coach en leadership. Il a pris le taureau par les cornes pour dompter sa peur de parler en public et a réussi le tour de force de devenir «le conférencier le plus charismatique du Québec», selon les mots de la coach Annie Boilard. Pas mal, pour un grand timide!