Un mal carrément endémique... (Photo: Nik Shuliahin/Unsplash)
J’ai une question insidieuse à vous poser, aujourd’hui : à votre avis, quelle est la proportion de vos collègues qui sont épuisés au travail? À laquelle j’ajoute celle-ci : à votre avis, la proportion est-elle la même à l’échelle du Canada?
Prenez le temps d’y répondre. Si, si…
C’est fait? Parfait. Maintenant, voici la réponse : au Canada, presque 100% des employés sont épuisés au travail, selon un sondage mené par l’agence d’intérim Accountemps! Oui, vous avez bien lu, presque 100%.
Plus précisément :
– 96% des employés souffrent d’un certain degré d’épuisement professionnel, selon les managers qui oeuvrent au Canada. Autrement dit, les dirigeants d’entreprise en sont convaincus : tous leurs employés sont épuisés.
– 95% des employés souffrent d’un certain degré d’épuisement professionnel, selon les employés eux-mêmes. Autrement dit, chaque employé se considère comme épuisé au travail.
Ce n’est pas tout. Il se trouve que managers et employés évaluent de la même façon les degrés d’épuisement en question:
– Sur une échelle de 1 (pas du tout épuisé) à 10 (totalement épuisé), les managers attribuent une moyenne de 5,7 à l’épuisement de leurs employés. Et ils sont 20% à donner une note supérieure à 8.
– Idem, les employés attribuent une moyenne de 5,6. Et ils sont 22% à donner une note de 8 ou plus.
C’est clair, managers comme employés considèrent non seulement que l’épuisement professionnel est généralisé, mais aussi qu’il est élevé. Ils s’entendent donc pour dire que le problème est on ne peut plus grave.
Tant mieux, pourrions-nous considérer : si tout le monde s’accorde pour dire qu’il y a un problème urgent à régler, cela multiplie les chances de lui trouver une bonne solution. Mais voilà, il y a un hic : les opinions divergent quant à l’origine du problème…
En effet, lorsqu’il a été présenté une liste de facteurs pouvant contribuer à l’épuisement professionnel des employés, les managers ont estimé que «les charges de travail irréalistes» constituaient le nœud du problème. Quant aux employés, ils ont répondu que c’était plutôt «les interruptions incessantes» et «les sempiternels feux à éteindre».
Résultat? L’incompréhension des managers concernant les problèmes récurrents rencontrés par les équipes dont ils ont la responsabilité les empêche, de toute évidence, de régler ceux-ci une bonne fois pour toutes. Pis, elle contribue peut-être même à aggraver la situation.
On le voit bien, l’idéal serait de voir managers et employés accorder leurs violons. Mais comment parvenir à une telle chose, a priori si simple et, pourtant, visiblement inaccessible?
J’ai une suggestion à ce sujet : et si on se penchait vraiment sur la source originelle du problème, en particulier sur la définition même de l’épuisement professionnel…
Il se trouve que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a rédigé en mai dernier sa propre définition de ce mal endémique et que celle-ci est on ne peut plus éclairante. Regardons ça ensemble.
D’après l’OMS, l’épuisement professionnel «n’est pas une maladie», mais «un phénomène lié au travail». Il présente trois dimensions:
– Un sentiment de manque d’énergie ou d’épuisement;
– Un retrait par rapport à son travail, ou bien des sentiments de négativisme ou de cynisme liés au travail;
– Une perte d’efficacité professionnelle.
Et de souligner : «L’épuisement professionnel désigne spécifiquement des phénomènes relatifs au contexte professionnel». Ce qui signifie que l’épuisement professionnel est fondamentalement un problème lié au quotidien au travail.
Pourquoi certains ressentent-ils une brutale baisse d’énergie au travail? Parce que leur quotidien au travail leur pompe toute leur énergie.
Pourquoi certains deviennent-ils subitement cyniques au travail et se montrent-ils distants par rapport à leurs collègues? Parce que leur quotidien au travail leur sape le moral au point de les rendre amers.
Pourquoi certains voient-ils leur productivité partir soudain en fumée? Parce que leur quotidien au travail a fini par les tanner, parce qu’ils ont perdu le goût de fournir des efforts, parce que leur motivation a fichu le camp.
Bref, pourquoi ont-ils la sensation d’être entrés dans un tunnel dont il leur est impossible de voir le bout? Tout bonnement parce que leur quotidien au travail est devenu un enfer. Ni plus ni moins.
Maintenant, à qui appartient la responsabilité de rendre le quotidien au travail agréable pour chacun, pour ne pas dire épanouissant pour tous? Hein? D’après vous? Eh bien oui, avant tout aux managers.
«Chaque organisation a tout intérêt à mieux gérer le niveau de stress de ses employés et d’ainsi prévenir l’épuisement professionnel, dit Koula Vasilopoulos, présidente, Ouest du Canada et Amérique du Sud, de Robert Half, dont dépend Accountemps. Les managers doivent régulièrement s’assurer que la charge de travail n’est pas trop lourde pour les employés, que les deadlines ne soient pas trop serrés, ou encore que chacun parvienne bel et bien à décrocher du travail le soir et les fins de semaine venus. Et ce, en montrant l’exemple : il leur faut notamment arrêter d’envoyer des courriels aux employés après 17 h, le samedi ou encore le dimanche.»
Et d’expliquer : «L’épuisement professionnel est un symptôme coûteux d’une culture de travail qui n’accorde pas la priorité au bien-être des employés. Il nuit à la fois à la santé de l’individu et à celle de l’organisation», dit-elle.
Cela dit, les employés ne doivent pas tout attendre de leur manager. Car il n’y a rien de pire que la passivité en matière de mieux-être personnel et collectif. «Chacun est libre d’améliorer de lui-même son quotidien au travail, à sa mesure. Par exemple, un employé peut décider d’effectuer des marches énergisantes avec des collègues, un midi par semaine, au lieu de rester planté devant un écran. Autre exemple : faire des étirements au bureau, de temps à autre», illustre Mme Vasilopoulos.
Que retenir de tout cela? Ceci, à mon avis :
> Qui entend éviter ou combattre l’épuisement professionnel se doit de rendre plaisant son quotidien au travail. Il lui faut identifier ce qui est source de plaisir dans ses tâches récurrentes, puis se concentrer sur celles-ci. Il doit également identifier ce qui nuit à son bonheur, puis trouver le moyen de s’en écarter. Ce qui ne peut se faire avec efficacité que de manière concertée : il convient d’en parler en équipe, à tout le moins avec son boss, et de trouver ensemble une bonne solution à chaque problème rencontré. Et ce, en ayant en tête les trois dimensions de l’épuisement professionnel – baisse d’énergie; baisse du moral; baisse de la motivation –, et donc, en veillant à jouer sur celles-ci pour remédier efficacement à la situation.
En passant, l’écrivain français Jean-Christophe Grangé a dit dans Le Concile de pierre : «Quand on a épuisé tous les possibles, que reste-t-il? L’impossible».
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