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Toutes les femmes ne sont pas égales en matière d’équité salariale

Catherine Charron|Mis à jour le 20 septembre 2024

Toutes les femmes ne sont pas égales en matière d’équité salariale

En 14 ans, l'écart entre hommes et femmes les mieux rémunérés est passé de 15,6% à 15%. (Photo: 123RF)

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RHÉVEIL-MATIN. L’écart salarial entre les hommes et les femmes s’estompe au Canada, mais pas toujours au même rythme.

En 2023, les femmes ont gagné un revenu moyen qui représente environ 78% de celui obtenu par leurs homologues masculins. Elles ont donc dû travailler 101 jours de plus pour percevoir la même cagnotte, soit jusqu’au 9 avril 2024, illustrent les chercheuses du Conseil de l’information sur le marché du travail, Laura Adkins-Hackett, Brittany Feor et Suzanne Spiteri. Il y a 10 ans, il leur fallait plutôt bosser jusqu’au 3 mai 2014 avant de toucher le même revenu moyen que les hommes en 2013, rappellent-elles.

Au Québec, ce jalon est passé du 11 avril au 17 mars au cours de la dernière décennie, si on se fit aux données de l’Enquête sur la population active. En dollars constants, l’écart entre la rémunération horaire moyenne entre salariés selon le genre est donc passé de 2,45$ en 2013 à 1,94$ en 2023, d’après la mise à jour des données de l’Institut de la statistique du Québec en marge de la journée internationale de l’égalité de rémunération des Nations unies du 18 septembre 2024.

On attribue cette diminution à plusieurs facteurs, dont de nombreuses politiques comme les «congés parentaux sans risque de perte d’emploi», mais aussi «une plus longue durée de l’emploi, des changements de profession parmi les travailleurs les plus âgés et un niveau de scolarité de plus en plus élevés», écrivaient Marie Drolet et Mandana Mardare Amini économiste principale et analyste chez Statistique Canada.

Dans «Perspective intersectionnelle sur l’écart salarial entre les genres au Canada», leur note parue le 21 septembre 2023, elles ont toutefois démontré que toutes les femmes ne sont pas égales en matière d’équité salariale. Derrière ces moyennes se cachent des travailleuses qui essuient encore un important écart par rapport à leurs collègues masculins.

Analysant les données de l’Enquête de la population active de manière intersectionnelle, elles ont par exemple démontré que parmi les personnes qui perçoivent les plus importants salaires horaires, l’écart ne s’est estompé que de 0,6 point de pourcentage en 14 ans, passant de 15,6% à 15%. Chez les personnes qui gagnent les plus faibles revenus, il a pourtant fondu de 12,5% à 5% au cours de cette période.

Marie Drolet et Mandana Mardare Amini ont aussi braqué les projecteurs sur le fait que les femmes autochtones vivant hors réserves, les immigrantes arrivées au pays en bas âge et celles entrées après leur 18e anniversaire sont en moins bonne posture salariale.

Ainsi, l’écart entre le taux horaire moyen des femmes et des hommes nés au pays était en 2022 de 9,2%. Pour les femmes autochtones, les immigrantes admises à l’enfance et les immigrantes arrivées à l’âge adulte, l’écart atteint respectivement 20,1%, 10,5% et 20,9%.

Celui entre les hommes nés au pays et les hommes autochtones, les immigrants admis à l’enfance et les immigrants arrivés à l’âge adulte avoisine plutôt les 12,3%, 1,5% et 1%.

À profession égale, toutefois, l’écart s’est davantage estompé entre 2008 et 2022 que ceux observés entre hommes et femmes, précise-t-on, bien qu’il continue «d’être source considérable de l’écart salarial global.»

«La répartition à la fois selon les industries et les professions joue un rôle dans la production d’écarts salariaux entre les genres pour tous les groupes, mais davantage pour les femmes autochtones et les immigrantes admises à l’âge adulte», ajoutent Marie Drolet et Mandana Mardare Amini.

Devant de telles différences entre les écarts observées, les expertes appellent à ce que désormais, l’iniquité salariale soit observée sous une loupe intersectionnelle afin de brosser un portrait plus fidèle de la réalité.

Pour tirer un trait sur ces fossés qui persistent, la Fondation canadienne des femmes avait émis une liste de recommandations en 2019 aux employeurs. On y suggérait par exemple de demeurer attentifs à la composition de leur main-d’œuvre afin de s’assurer que le genre ne soit pas une barrière à la progression de la carrière, d’offrir davantage de flexibilité quant au lieu de travail notamment aux mères et aux proches aidantes, mais aussi de faire preuve de davantage de transparence salariale.