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Annie Boilard

Travailler agilement en équipe

Annie Boilard

Expert(e) invité(e)

Un secret bien gardé des patrons

Annie Boilard|Mis à jour à 15h03

Un secret bien gardé des patrons

«Ainsi, si nous (gestionnaires) étions réellement attentifs et inclusifs, nous guiderions tous des équipes ultras performantes. La crème de la crème. Or, est-ce vraiment le cas? », demande Annie Boilard. (Photo: 123RF)

EXPERTE INVITÉE. Levez la main, les gestionnaires tortionnaires, distants, déconnectés et insensibles à leurs équipes. Personne?

Comme leader, nous croyons tous – du moins pour la plupart – être mus par la bienveillance. Nous nous efforçons de connecter avec chacun de nos collaborateurs, d’être à l’écoute. Souvent, nous avons nous-mêmes croisé de mauvais gestionnaires par le passé et sommes certains que notre propre style est à des années-lumière du leur.

C’est à croire que nous excellons tous en matière d’inclusion et de sécurité psychologique. 

Patron, c’est là le cœur du problème, cette incohérence entre les connaissances sur la marche à suivre à emprunter, ce que l’on pense faire et ce que vivent les équipes de travail. Je suis bien désolée de jouer la rabat-joie, mais nous ne sommes pas aussi bons que nous le pensons.

Lorsque les chercheurs de Google ont lancé le projet de recherche «Oxygene», leur but était d’identifier ce qui différenciait les équipes ultra-performantes des très bonnes équipes. En d’autres termes, ils tentaient de noter quels étaient les facteurs qui contribuaient à la performance des équipes.

D’après leur analyse, l’ingrédient différenciateur est la présence d’un climat de travail où règne un sentiment de sécurité psychologique et d’inclusion, est-il expliqué dans ce papier du New York Times.

Ainsi, si nous (gestionnaires) étions réellement attentifs et inclusifs, nous guiderions tous des équipes ultras performantes. La crème de la crème. Or, est-ce vraiment le cas?

C’est quoi déjà la sécurité psychologique?

Des décennies se sont écoulées depuis qu’Amy Edmondson, professeure à la Havard Business School et pionnière en matière de sécurité psychologique, s’est intéressée au sujet. À l’époque, elle cherchait à accroitre la performance des équipes médicales.

Dans ses propres mots, le concept de sécurité psychologique se définit comme étant une «croyance commune» selon laquelle tous les membres d’une équipe se sentent libres de s’exprimer «sans crainte de représailles». Il s’agit d’une confiance et d’un respect entre équipiers qui les rendent à l’aise d’être vraiment eux-mêmes et vulnérables.

Dans un langage d’affaires plus actuel, nous faisons souvent référence à l’inclusivité et la diversité (EDI) comme je l’explique dans ce balado. De nombreuses similitudes unissent ces approches.

Rien ne sert donc de chercher des trucs jazzés et inédits qui auraient un effet miraculeux sur son équipe.

La vraie question à se poser, c’est plutôt : comment peut-on améliorer quelque chose que l’on croit déjà bien faire, voire très bien faire?

Développer la sécurité psychologique dans son équipe

Comme le défi réside dans la prise de conscience et le perfectionnement, la transformation du climat sera progressive et s’échelonnera sur une longue période.

Plusieurs ouvrages proposent des approches formelles pour fortifier le climat de travail ; les réflexions partagées dans le Ted Talk d’Amy Edmondson est un bon exemple. Je vous résume ici quelques questions que les gestionnaires devraient se poser afin de forcer cette réflexion et réellement identifier des pistes d’amélioration.

Soit dit en passant, si vous survolez les prochaines lignes en vous disant : «Ça, je le sais déjà! », vous tombez dans le panneau.

  • La sécurité psychologique ne sert pas qu’aux revendications. C’est un outil pour muscler la performance de l’équipe. Est-ce que mes stratégies pour éviter les débordements sont en cohérence avec le sentiment de confiance qui permet à chacun d’être lui-même?

  • Comment se sent vraiment mon collaborateur lorsqu’il souhaite verbaliser un désaccord par rapport à l’une de mes décisions? Hésite-t-il? Qu’est-ce qui habite ses pensées avant d’ouvrir la bouche? Pourquoi?
  • Mes collaborateurs ont-ils verbalisé un désaccord ou des mises en garde par rapport à l’une de mes idées ou celle d’un de leur collègue lors de récentes réunions? Si oui, quelles sont les chances que la personne le refasse dans les trois prochains mois (quelle expérience la personne a-t-elle vécue)? Sinon, pourquoi?
  • Un collaborateur qui doit me demander un accommodement dort-il bien la nuit qui précède sa requête? Est-il nerveux?

  • Au-delà des phrases idylliques telles que : « il est permis de faire des erreurs », quelles sont les vraies réactions de mes collaborateurs en présence d’erreurs? Quelles sont les miennes? Quelles sont les leurs ? Qu’en est-il de leurs collègues? Au cours des trois derniers mois, quelqu’un a-t-il confessé ouvertement une erreur? Quand l’ai-je fait pour la dernière fois?

  • Quelle expérience vit un de mes collaborateurs qui a besoin de l’aide de ses collègues? Quand ai-je demandé et publiquement mentionné que j’avais besoin de l’aide de l’un de mes collègues ou de mon patron? Au cours des trois derniers mois, est-ce qu’un membre de mon équipe s’est dit : « je devrais savoir comment faire cela, mais je n’y arrive pas. J’aurais besoin d’aide pour… »?

Interprétons-nous bien la performance et le climat de notre équipe? Si personne ne dit rien et que tout le monde semble heureux, est-ce un bon signe? Non!

Amy Edmondson raconte qu’elle était la première surprise au début de ses recherches lorsqu’elle a constaté que les équipes où régnait de la sécurité psychologique commettaient plus d’erreurs que les autres. Pourtant, celles-ci ne se fourvoient pas davantage, elles osent simplement en parler ouvertement. La confiance qui habite chaque personne contribue à l’apprentissage accéléré de l’équipe.

Ainsi, ce secret jalousement gardé des gestionnaires – mais que les membres de nos équipes savent déjà- c’est qu’ils ne sont pas très doués pour créer un environnement de travail sécuritaire pour permettre à leurs employés d’être très performants.

Ce ne sont pas que les tortionnaires sadiques qui peinent à adopter des comportements favorisant le sentiment de confiance des équipiers. C’est pourquoi, avec raison, la plupart des gestionnaires croient à tort qu’ils font tout en leur pouvoir pour que le climat de travail soit propice.

Le hic, c’est qu’ils n’en font pas encore assez. Si nos équipes ne sont pas ultra performante (toutes choses étant égales par ailleurs), c’est en partie parce que nous devons améliorer le sentiment d’inclusivité ressentie par les membres. Leur donner l’occasion d’être pleinement eux-mêmes et d’être vulnérables sans crainte de représailles de la part du patron ou des collègues.