L'idée est de se séparer de manière prolongée et récurrente d'un gadget qui nuit à notre productivité. (Photo: Alexander Grey pour Unsplash)
Q. — «J’ai rarement eu autant de travail que cet automne. Je donne mon 110%, ça fonctionne bien jusqu’à présent, mais je redoute le pépin (me sentir ultra-fatiguée, tomber malade, etc.). Y a-t-il moyen de mener à bien toutes mes tâches habituelles, ou presque, mais en levant un peu le pied?» – Mia
R. — Chère Mia, ce que vous souhaitez, c’est gagner en productivité. En l’occurrence, il s’agit non pas du classique «faire plus avec moins», mais plutôt de faire autant avec moins (d’efforts). Autrement dit, vous aimeriez trouver une façon de travailler qui serait plus efficace que celle que vous avez actuellement.
Eh bien, Mia, j’ai une bonne nouvelle pour vous. Si, si… Il est parfaitement possible de gagner dès demain en productivité au travail, grâce à un truc génial que j’ai déniché dans une récente étude pilotée par quatre chercheuses en psychologie de l’Université de Californie, à Riverside (États-Unis): Lisa Walch, Annie Regan, Karynna Okabe-Miyamoto et Sonja Lyubomirsky. Regardons ça ensemble.
Les quatre chercheuses étaient curieuses de savoir si se séparer de son cellulaire pendant un certain temps permettait d’être plus heureux dans sa vie quotidienne. Elles ont donc demandé à 414 personnes volontaires de bien vouloir se prêter à une petite expérience d’une durée de 8 à 10 jours, laquelle consistait à répartir les participants dans quatre groupes distincts:
– Réduction drastique de l’utilisation du cellulaire. Les membres de ce groupe ont reçu pour instruction de se servir le moins possible de leur cellulaire. Ils étaient autorisés à s’en servir à des seuls fins pratiques (par exemple, pour obtenir des directions GPS ou pour répondre à des courriels professionnels), mais pas pour quoi que ce soit d’autre (ni Facebook, ni Tetris, ni Hulu, ni CNN, etc.).
– Réduction drastique de l’utilisation des médias sociaux. Pour eux, il s’agissait de ne plus se servir des médias sociaux. Il leur a été fourni des recommandations sur la manière d’atteindre cet objectif (par exemple, fixer une limite de temps d’écran pour les applications de médias sociaux, ou bien carrément supprimer les applications de médias sociaux de leur cellulaire), ainsi qu’une liste de médias sociaux à éviter impérativement (par exemple, Facebook, Instagram et X).
– Réduction drastique de la consommation d’eau. Des conseils pratiques ont été donnés aux membres de ce groupe de contrôle pour parvenir à utiliser moins d’eau quand ils se lavent les mains, font la vaisselle, ou encore prennent une douche. Bien sûr, il ne s’agissait pas de boire moins d’eau.
– Aucune réduction de quoi que ce soit. Pour les membres de ce groupe de contrôle, la vie poursuivait son cours normal.
Les quatre chercheuses ont considéré une foule de critères spécifiques afin de voir si un ou plusieurs groupes avaient gagné en bonheur à l’issue de l’expérience, ou pas. Résultat? Elles ont été amèrement déçues, car aucun groupe ne s’est retrouvé plus heureux, ni même plus malheureux, à la fin de l’expérience. Autrement dit, se priver de son cellulaire ou de médias sociaux, ça ne rend pas plus heureux, ni plus malheureux.
Cela étant, la véritable trouvaille de cette étude n’est pas là, mais dans les nombreux critères retenus par les quatre chercheuses pour voir s’il y avait des modifications dans la vie des participants à l’issue de l’expérience!
Il se trouve en effet que réduire drastiquement l’utilisation de son cellulaire permet de gagner «significativement» en:
– concentration;
– sentiment d’autonomie;
– sentiment d’être compétent;
– estime de soi.
Ce n’est pas tout. Se servir nettement moins de son cellulaire rend moins stressé. Ça donne également le sentiment que l’on est moins seul dans la vie (le temps qu’on passait sur son cellulaire, eh bien, on le passe désormais davantage avec autrui).
On le voit bien, se priver de son cellulaire permet de gagner en productivité. Car on gagne en concentration, en autonomie, en compétence et en confiance, tout en voyant son stress diminuer. En résumé, Mia, lâchez votre cellulaire aussi souvent que possible, enfermez-le des heures durant dans un tiroir ou un casier, et le tour sera joué!
À noter que restreindre son utilisation des médias sociaux n’apporte aucun de ces bénéfices. Au mieux, on note un gain «significatif» en concentration, mais c’est tout. Cela est même associé à un coût, à savoir une augmentation «significative» des émotions négatives (peut-être bien en raison du fait qu’on se prive dès lors de la satisfaction de découvrir toutes les mentions J’aime associées à nos publications…).
En passant, les anthropologues québécois Bernard Arcand et Serge Bouchard ont dit, pince-sans-rire, dans «Quinze Lieux communs»: «Le téléphone est un outil qui nuit à la communication. À cause de lui, on a de moins en moins besoin de se parler.»