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Un truc génial pour recruter la bonne personne!

Olivier Schmouker|Publié le 28 septembre 2023

Un truc génial pour recruter la bonne personne!

Bien recruter, c'est tenir compte de critères très particuliers. (Photo: Amy Hirschi pour Unsplash)

MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudisVous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca

Q. – «Nous n’arrivons pas à recruter les bonnes personnes: soit les candidats n’ont pas les compétences voulues, soit ils n’ont pas la motivation, soit il n’y a pas de fit avec notre culture d’entreprise. C’est quoi, la solution?» – Anny

R. – Chère Anny, il est clair qu’embaucher est devenu un véritable casse-tête, à plus forte raison en ces temps de pénurie de main-d’œuvre. Un temps, il convenait d’embaucher surtout en fonction des compétences et de la motivation. De nos jours, on se doit, paraît-il, de donner plutôt la priorité au fit, à savoir l’adéquation entre les valeurs de l’entreprise et celles du candidat choisi. À ceci près qu’il convient, dit-on également, de faire des exceptions à ce sujet afin d’enrichir l’organisation d’une saine diversité, histoire de gagner, entre autres, en créativité et en performance.

Bref, bien malin qui pourrait dire aujourd’hui quelle est la meilleure façon de recruter!

Miser sur le savoir-faire? Plutôt sur le savoir-être? Ou bien sur un mix des deux? Et dans ce cas, quel serait le bon mix? 70% savoir-faire et 30% savoir-être? 40% savoir-faire et 60% savoir-être? Hum, allez savoir…

Anny, vous me demandez «c’est quoi, la solution?» Je ne vais pas me défiler, je vais bel et bien vous répondre. Pour ce faire, je vais m’appuyer sur une étude signée par les quatre fondateurs de Cambridge Sports Analytics (CSA), Megan Czasonis, Mark Kritzman, Cel Kulasekaran et David Turkington. Une étude à la fois récente et solide.

Établie à Boston, CSA est spécialisée dans l’analyse de données sportives. Sa mission: prédire si un sportif de haut niveau va voir sa performance aller en augmentant, ou pas, dans les mois, les trimestres et les années à venir; et par suite, si l’équipe dans laquelle il joue va en tirer profit, ou pas. On l’imagine bien, de telles prédictions sont on ne peut plus précieuses pour le milieu sportif professionnel (LMB, LNH, etc.) – propriétaires, entraîneurs, joueurs, partisans, etc. –, des millions de dollars étant parfois en jeu concernant un seul joueur.

Cette étude montre comment CSA a élaboré le modèle de calcul qui lui permet d’évaluer les chances qu’un jeune joueur de basket-ball venant de participer à une draft (repêchage, en français) de la NBA se mette à briller de tous ses feux dans telle ou telle équipe susceptible de l’embaucher. Autrement dit, cette «formule magique» permet aux recruteurs d’identifier à l’avance le ou les jeunes talents qu’ils devraient acquérir, et inversement, ceux qu’ils feraient mieux d’éviter parce que ceux-ci ne parviendraient pas à s’épanouir au sein de l’équipe en place.

Bref, il s’agit de miser davantage sur le data que sur le flair et l’expérience des recruteurs. Et donc, de gagner en efficacité dans ses opérations de recrutement.

Anny, je ne vais pas entrer dans le détail de la formule magique de CSA, mais me contenter de vous indiquer que l’enjeu de son élaboration résidait, en fait, dans l’identification des variables qui sont vraiment pertinentes. Par exemple, concernant les attributs physiques du joueur, qu’est-ce qui est le plus pertinent: sa taille ou son poids? Ou bien, le rapport entre les deux? Ou encore, aucune de ces deux données?

Les quatre chercheurs ont regardé tout ça en détail et ont réussi à concocter leur formule magique. En voici les principaux ingrédients:

– Attributs physiques: poids.

– Performance du joueur lors de la dernière année universitaire: nombre moyen de points marqués par minute jouée; pourcentage de tirs réussis; nombre de passes par minute jouée; score moyen du joueur à l’issue d’un match.

– Université: nombre de joueurs de l’université recrutés par une équipe de la NBA au cours des 10 dernières années.

– Performance de l’équipe lors de la dernière saison: pourcentage de victoires.

Ça signifie qu’une bonne recrue potentielle est un joueur qui affiche un poids santé, qui a une belle performance individuelle (savoir-faire) et collective (savoir-être), qui vient d’un milieu réputé pour ses succès et qui atterrit dans une équipe qui est d’ores et déjà couronnée de succès, ou qui est à tout le moins ambitieuse et en progression.

Les quatre chercheurs ont regardé si leur «formule magique» aurait été efficace si les recruteurs de la NBA l’avaient appliquée lors des drafts des années 2010. Résultat? Un grand nombre d’équipes auraient sûrement modifié leurs embauches, car cela leur aurait permis de déceler la perle rare pour eux, et surtout, évité nombre d’embauches de recrues dont la performance s’est révélée décevante. 

Si l’on convertit tout cela à l’échelle d’une entreprise, ça donne ceci:

– Le candidat idéal est une personne visiblement équilibrée: en santé, passionnée par d’autres choses que son travail, etc.

– Un CV solide, à tout le moins révélateur d’un beau potentiel de développement professionnel. Un CV qui atteste qu’il est un véritable joueur d’équipe, quelqu’un qui se met au service de l’équipe, qui ne considère pas que l’équipe est à son service.

– Le milieu dont il vient (son université, son dernier employeur, etc.) est réputé dans l’industrie pour être une «pépinière de talents».

– Votre propre entreprise a le vent en poupe, et a vraiment besoin de ce candidat-là pour aller encore plus loin. Car cela atteste du fait que la nouvelle recrue aura des défis intéressants à relever, et donc de multiples occasions de faire des étincelles dans son quotidien au travail.

Si tous ces ingrédients sont réunis, les chances sont élevées qu’il s’agisse bel et bien d’un candidat intéressant pour vous. Mais si un ou plusieurs ingrédients sont manquants ou défaillants, alors il se peut fort bien que l’opération ne donne pas les résultats escomptés: la jeune recrue va vite voir si l’herbe est plus verte ailleurs; elle s’ennuie et ne donne que son 75%, mais reste parce que la paye est bonne; etc.

Maintenant, à vous de voir, Anny, lequel (ou lesquels) de ces ingrédients fait défaut à votre organisation. Filtrez-vous les candidatures en fonction de la notoriété de l’université ou de l’employeur d’où viennent les candidats? Avez-vous un projet ambitieux susceptible d’allumer une personne talentueuse? En entretien, vérifiez-vous que le candidat est bel et bien un joueur d’équipe? Etc.

Regardez tout cela attentivement, et corrigez le tir en fonction des failles qui vous décèlerez ainsi. Je suis convaincu que cela améliorera nettement le taux de succès de vos opérations de recrutement.