Une interrogation qui en taraude plus d'un... (Photo: Cristian Newman/Unsplash)
BLOGUE. Qui dit fin d’année dit évaluation annuelle, et parfois, une prime plus ou moins grande permettant de gonfler le tout dernier chèque de paie. Voilà pourquoi chacun de nous se demande maintenant si 2019 va se terminer par un petit coup de pouce financier, ou pas…
La réponse à cette interrogation? Au Canada, 2 employeurs sur 3 (64%) prévoient bel et bien attribuer une prime à leurs employés, à tout le moins à ceux qui le méritent particulièrement. C’est ce qui ressort d’un sondage mené par le cabinet de recrutement Robert Half.
Mieux, 33% de ces employeurs-là prévoient même augmenter la prime de cette année par rapport à celle de 2018. Ce qui signifie a contrario que les deux tiers d’entre eux maintiendront le même niveau de prime (seulement 3% entendent diminuer la prime versée cette année en comparaison de la prime attribuée l’année passée).
Que font les employés de cette prime? Ils s’en servent surtout pour atténuer leur stress financier, comme l’indique un autre sondage de Robert Half:
– Rembourser une dette (47%);
– Effectuer un placement dans un régime d’épargne à long terme (44%);
– Partir en vacances dans la nouvelle année (26%);
– Effectuer des achats pour le temps des Fêtes (18%);
– Etc.
«Les primes de fin d’année représentent une bonne occasion pour les employeurs de reconnaître les réalisations d’un employé durant toute l’année et de montrer qu’elles se soucient des besoins et des priorités de chaque travailleur, dit David King, directeur principal, Canada et Amérique du Sud, de Robert Half. Elles peuvent contribuer à renforcer la satisfaction des employés ainsi qu’à garder le personnel motivé et polarisé à l’orée de la nouvelle année.»
Et de souligner : «Il convient toutefois de rappeler qu’il est primordial d’offrir d’excellents avantages sociaux, qu’une prime ne compensera jamais des avantages sociaux déficients».
Fort bien. Si vous aviez l’habitude d’empocher une prime en fin d’année, les chances sont donc élevées que vous touchiez sensiblement la même somme dans les prochaines semaines. Et si votre employeur n’était pas coutumier du fait, eh bien, il ne devrait pas le devenir tout d’un coup. C’est aussi simple que ça.
Cela dit, une question se pose tout de même : est-il vraiment efficace de verser une prime de fin d’année aux employés? Et surtout, de fixer celle-ci en fonction de la performance de chacun?
Une équipe de chercheurs pilotée par Brice Corgnet, professeur de finance à l’école de commerce EM Lyon (France), s’est justement penchée sur le sujet, et il en a résulté une étude intitulée «On the merit of equal pay : Performance manipulation and incentive setting», parue en avril dernier dans l’European Economic Review. Il ressort de celle-ci que les primes versées à la performance présentent, en général, un gros problème désigné sous le terme de «coûts de l’influence»…
«Pour être en mesure de rémunérer à la performance, il faut disposer d’informations précises sur les réalisations individuelles, ont écrit les chercheurs dans un article connexe à leur étude. Ce qui n’est pas toujours facile pour les managers : ils sont alors contraints de se fier, au moins en partie, aux rapports des employés sur leurs propres réalisations marquantes, et ces informations sont susceptibles – de toute évidence – d’être biaisées.
«C’est que, si le fait de se présenter soi-même sous un jour positif peut se traduire par un bénéfice financier, cela incite à des activités d’«embellissement de façade». Comme le fait de s’approprier le beau rôle dans un succès collectif auquel, en vérité, on a peu contribué.
«Ces activités-là, qui sont largement documentées dans la littérature financière et comptable, peuvent amener à la dissimulation d’informations pertinentes, à la falsification de documents, ou encore à la tentative de manipulation de l’opinion des managers. Quelle que soit la stratégie utilisée pour fausser les mesures du rendement, l’organisation subira de plein fouet les effets négatifs de ces activités subversives (ex.: perte de temps pour toute l’organisation; détournement des programmes d’encouragement; sentiment d’injustice – et démotivation – auprès de ceux qui ont été floués; etc.), comme le montre notre étude. C’est ce qu’on appelle les «coûts de l’influence».»
Leur idée pour contrer ces coûts si néfastes? «Arrêter de donner des primes liées à la performance», suggèrent-ils carrément. D’après eux, il serait plus intelligent de miser, à la place, sur «l’égalité salariale», par exemple en versant une même prime à l’ensemble des membres d’une équipe couronnée de succès, que ce soit à la suite d’un bon coup ou de ses réalisations tout au long de l’année.
«Attention toutefois à ne pas confondre alors paiement égalitaire et prime basse! soulignent-ils au passage. Les employés doivent avant tout comprendre que leur travail est valorisé.»
Voilà. Le temps des primes arrive à grands pas. Vous sera-t-il favorable? Vous sera-t-il défavorable? Là n’est pas, au fond, l’important – vous souvenez-vous de la prime reçue l’an dernier? De celle d’il y a cinq ans? D’il y a dix ans? –, mieux vaut, je pense, vous concentrer sur vos meilleurs coups – individuels et collectifs – et chercher, lors de l’entretien avec votre manager, le meilleur moyen de récidiver en 2020. Car ça, ça boostera vraiment votre motivation au retour des Fêtes puisque vous allierez alors bonheur et efficacité au travail. Et – qui sait? – votre manager réalisera-t-il dès lors que le montant d’une prime individuelle n’est pas la clé de la productivité, que mieux vaut sans doute une prime collective, si prime il y a.
En passant, l’écrivain britannique John Ruskin disait : «La suprême récompense du travail n’est pas ce qu’il permet de gagner, mais ce qu’il permet de devenir».
Découvrez mes précédents billets
Mon groupe LinkedIn
Ma page Facebook
Mon compte Twitter
Et mon dernier livre : 11 choses que Mark Zuckerberg fait autrement