L'idée, c'est de favoriser la jubilation au travail... (Photo: Johnson Wang/Unsplash)
BLOGUE. Chaque jour, nous sommes confrontés à l’imprévu au travail. Que ce soit un appel d’un client mécontent, une demande de hausse salariale de la part d’un employé clé, ou bien une proposition d’affaire provenant d’une grande entreprise étrangère. Et il nous faut systématiquement trouver la bonne voie à emprunter pour en atténuer l’impact (en cas d’imprévu négatif) ou pour en tirer profit (en cas d’imprévu positif).
Mais voilà, avez-vous pensé deux secondes à la façon précise dont vous vous y prenez lorsqu’il vous faire face à l’imprévu au travail? Prenez-vous tout en main, et y allez-vous avec votre expérience et votre instinct? Ou au contraire, laissez-vous à d’autres – a priori mieux placés que vous – prendre la décision qui s’impose, confiants que vous êtes quant à la justesse de leur expérience et de leur instinct?
Autrement dit, chers managers, êtes-vous plutôt contrôlant ou plutôt bienveillant lorsque l’inattendu frappe à votre porte? Et surtout, faites-vous bien d’agir de la sorte?
La bonne nouvelle du jour, c’est que j’ai la réponse à cette interrogation existentielle. Si, si… Je l’ai dénichée dans une étude intitulée «Rules vs. discretion in authority», signée par Susheng Wang, professeur d’économie à l’Université des sciences et technologies de Hong Kong (Chine). Regardons ensemble de quoi il retourne…
Le chercheur chinois a noté qu’un concept était à la mode depuis déjà quelque temps en matière de management, celui d’empowerment (autonomisation, en français), lequel évoque le fait, pour quelqu’un en situation d’autorité, de céder une bonne partie de son pouvoir à ceux qui l’entourent afin de leur permettre de mieux exprimer leurs talents propres, le but final étant d’ainsi mieux surmonter les obstacles rencontrés en cours de route. Et il s’est demandé si un manager qui misait franchement sur l’empowerment faisait bien, ou plutôt s’il commettait dès lors une lourde erreur…
Pour s’en faire une juste idée, il a concocté un modèle de calcul lui permettant d’identifier la meilleure attitude à adopter lorsqu’un imprévu – quel qu’il soit – se présente à soi. Son échelle d’attitudes était on ne peut plus simple : une règle allant du contrôle total (le manager prend la décision totalement seul) à l’empowerment total (le manager confie la décision totalement aux autres). Et son moyen pour identifier l’attitude idéale consistait à calculer les «coûts» (temps pris, moyens mis en œuvre, etc.) entraînés par la décision prise : plus ceux-ci étaient faibles, plus la décision était bonne.
Résultats? Les voici:
– Avantage au lâcher-prise. Agir en manager contrôlant est l’attitude la plus efficace lorsqu’on est confronté à un imprévu «mesurable et mesuré», aux coûts «faibles ou raisonnables». Dans tous les autres cas de figure, mieux vaut agir en manager bienveillant, c’est-à-dire en manager qui lâche prise et fait assez confiance aux autres pour qu’ils prennent les choses en main.
Autrement dit, il n’est correct d’agir de manière contrôlante que lorsqu’on contrôle parfaitement la situation, soit lorsque l’imprévu… ne l’est pas tant que ça. À partir du moment où l’on sent que quelque chose nous échappe, qu’il nous manque des données ou une compétence particulière pour être certain de prendre LA bonne décision, il convient de recourir aux lumières d’autrui. Sans hésiter.
– L’autre avantage du lâcher-prise. Dès lors que l’imprévu présente des «risques», il est impératif d’agir en manager bienveillant. Sans quoi, on court droit à la catastrophe. Mais de quels risques parle-t-on, au juste? De toutes sortes de risques : des risques financiers, des risques opérationnels, des risques motivationnels et autres risques d’échec.
– L’atout partiel du contrôle. Le fait d’agir en manager contrôlant présente un avantage auquel on ne pense guère : c’est gratifiant pour celui qui a les leviers en main. Savoir que la décision nous appartient est stimulant, à tel point qu’on est disposé à donner notre 110% dans le dossier en question. Le hic? Ça saute aux yeux : non seulement les autres sont démotivés à la simple idée que leurs avis et compétences ne comptent pas tant que ça, mais aussi le bon choix sera plus complexe à atteindre, le manager ne pouvant à lui seul être aussi performant et efficace que toute son équipe.
– Un subtil dosage. La bonne attitude consiste, en vérité, à bien doser son lâcher-prise. D’ailleurs, il arrive des situations d’équilibre – rares, toutefois – où il revient au même de lâcher prise ou de trancher soi-même : les coûts sont alors identiques.
Que retenir de tout cela? Ceci, à mon avis:
> Qui entend devenir un bon manager se doit d’apprendre au plus vite à lâcher prise. Il lui faut faire davantage confiance aux talents et à l’instinct de ceux qui l’entourent, sans quoi, la plupart du temps, il prendra une décision loin d’être la décision optimale. Sans parler du fait que laisser les autres briller et apprendre est essentiel pour leur épanouissement.
En passant, l’écrivain français Daniel Pennac a dit dans La Petite marchande de prose : «Il y a pire que l’imprévu, ce sont les certitudes».
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