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Vite, valorisons le «à distance»!

Geneviève Desautels|Publié le 02 juin 2020

Vite, valorisons le «à distance»!

Une façon de travailler créatrice de valeur. (Photo: Andrew Neel/Unsplash)

BLOGUE INVITÉ. Souvenez-vous… Il y a quelques mois de cela, les entreprises dont la quasi-totalité des employés télétravaillaient et étaient gérés à distance sur une base quotidienne faisaient figure de «bibittes étranges». Des entrepreneurs qui avaient adopté ce mode d’organisation du travail m’avaient d’ailleurs confié qu’il était fréquent que des clients potentiels, apprenant que l’équipe travaillait à distance, choisissaient de ne pas leur confier leur projet de peur que le travail soit moins bien coordonné et que les livrables soient de moins bonne qualité…

Des études prépandémie indiquaient pourtant que le travail à distance serait le norme d’ici 2030. Et ce, qu’il s’agisse de télétravail, de gestion, de formation à distance, de services professionnels ou encore d’événements virtuels ou hybrides.

Certes, il y a eu ces derniers temps une accélération des façons de faire vers le travail à distance. Mais il semble que les croyances et préjugés à propos de celui-ci n’évoluent pas au même rythme : je connais des dirigeants qui s’apprêtent à limiter la possibilité de prendre des vacances cet été au sein de leur entreprise au prétexte que «les employés ont eu tout le temps pour faire leurs rénovations, pour apprendre à faire du pain et pour faire du jardinage» durant les deux derniers mois; et qui ajoutent qu’il est grand temps que ceux-ci reviennent travailler «pour vrai».

Ce n’est pas tout. Du côté des services professionnels, on m’a rapporté que des organisations négocient à la baisse les mandats (jusqu’à 50%) des formateurs, consultants et autres conférenciers sous prétexte qu’ils vont devoir offrir leurs services à distance…

Même chose en éducation… J’entends des parents et des étudiants au niveau post-secondaire qui réclament des remboursements aux établissements scolaires privés parce que l’enseignement est maintenant effectué à distance.

De telles réactions montrent clairement que l’on ne saisit pas encore bien tout ce qu’implique le travail à distance…

Ainsi, le travail à distance est exigeant. J’entends nombre d’employés et de gestionnaires dire qu’ils n’ont jamais investi autant de temps et d’énergie dans leur vie professionnelle. Ils rapportent qu’ils sont continuellement sollicités, que ce soit par visioconférences, appels téléphoniques ou courriels. Et qu’ils sacrifient beaucoup de leur temps en famille pour s’adapter à l’intensité de la charge de travail et des changements actuels.

Idem, le travail à distance est tout un art. On me demande à présent de former des gestionnaires et des experts à développer leurs habiletés d’orateur et de communication à distance. Il n’est pas rare non plus que l’on me sollicite pour savoir si j’ai déjà entendu la prestation de tel ou tel conférencier à distance, histoire de valider s’il aura autant d’impact à distance qu’en face à face. Ce qui indique bien que communiquer à distance est un art en soi, et qu’il n’y a donc aucune raison que les honoraires liés à celui-ci soient revus à la baisse.

Le travail à distance est également créateur de valeur. Des études montrent en effet que les programmes de formation à distance stimulent l’engagement des étudiants ainsi que le transfert et la rétention des connaissances «jusqu’à 9 fois plus vite et mieux» qu’un programme de formation «traditionnel», c’est-à-dire donné en classe.

Enfin, le travail à distance est une occasion exceptionnelle de gagner en souplesse. Par exemple, les gestionnaires se doivent alors d’adapter leur mode de fonctionnement, ne pouvant plus vraiment gérer des tâches, des activités, des efforts et des heures de travail (à moins de faire de la micro-gestion!). Une des parades passe pour eux par la gestion par objectifs, résultats et livrables. à l’aide d’indicateurs de performance et d’échéanciers clairs et prédéfinis. Ce qui nécessite un certain lâcher-prise de leur part, se devant dès lors d’accepter, entre autres, que chacun se responsabilise davantage qu’auparavant.

Voilà. Dans notre transition du nouveau au prochain normal, il est primordial de nous assurer d’être individuellement et collectivement vigilants à propos de nos idées reçues – pour ne pas dire erronées – sur le travail à distance. De veiller à ne pas perdre de vue les précieux avantages que celui-ci comporte. Sans quoi, nous risquerions fort d’assister à une dévalorisation de la rémunération des employés, de celle des gestionnaires et des honoraires professionnels, au prétexte fallacieux que «ce qui se fait à distance se fait moins bien».