Vous «changez [peut-être] le monde» avec des employés sous-payés
Catherine Charron|Publié le 31 juillet 2023Dans cinq enquêtes réalisées auprès de différentes populations, ils sont arrivés au même constat : les personnes qui désirent œuvrer pour de telles entreprises ont l’impression que de réclamer une meilleure rémunération serait perçu comme inapproprié, voire «cupide». (Photo: 123RF)
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RHÉVEIL-MATIN. La mission sociale d’une entreprise peut «inhiber» chez les employés ou les candidats leur intention de négocier leur salaire en raison d’un biais cognitif lancinant, rapportent quatre professeurs dans le Harvard Business Review.
Devant la hausse du nombre d’organisations qui mettent de l’avant leur volonté de créer une société plus juste et équitable, la professeure adjointe à la McCombs Business School de l’Université du Texas Insiya Hussain, le professeur associé de la Singapore Management University Marko Pitesa, le professeur à la INSEAD Business School de Singapore Stefan Thau et le professeur adjoint à la Lee Kong Chian School of Business, Insiya Hussain Michael Schaerer se sont penché sur les conséquences pécuniaires que cela pouvait avoir sur les travailleurs.
Dans cinq enquêtes réalisées auprès de différentes populations, ils sont arrivés au même constat: les personnes qui désirent œuvrer pour de telles entreprises ont l’impression que de réclamer une meilleure rémunération serait perçu comme inapproprié, voire «cupide».
La première édition de leur recherche auprès de 392 participants a démontré que les recrues potentielles d’une société fictive qui souhaitaient changer le monde avaient 32% moins tendance que le groupe témoin à négocier à la hausse le salaire proposé.
Chez les 438 étudiants universitaires interrogés par la suite, le groupe témoin avait 43% plus de chance de demander davantage que les candidats d’une entreprise à vocation sociale.
Ce phénomène serait le fruit d’un biais cognitif bien répandu qui laisse croire que «l’argent affecte l’amour du travail et la volonté de faire le bien», affirment les auteurs de l’étude.
En d’autres termes, on estime que la motivation extrinsèque comme le salaire mine la motivation intrinsèque, soit celle de se donner corps et âme à une mission, ce qui rend le candidat moins attrayant. C’est ce que les chercheurs appellent le «motivation purity bias».
Or, un travailleur peut être autant animé par l’un et l’autre, nuancent les quatre professeurs.
Corriger le tir
Cela ne signifie pas pour autant que les organisations doivent cesser de promouvoir leurs nobles intentions. Toutefois, travailleurs et employeurs peuvent contribuer à mettre un terme à ce phénomène, d’après eux.
D’abord, les employés peuvent tout simplement développer leurs compétences de négociateurs, afin de ne pas être pris de court si l’entreprise joue la carte de la mission sociale pour ne pas accorder de meilleur salaire.
Doit-on le mentionner, faire une telle chose «machiavéliquement» avec pour seule intention d’exploiter ses employés est à proscrire chez les entreprises qui souhaitent gérer leur organisation de manière éthique.
Les candidats doivent s’intéresser en amont à la qualité de l’environnement de travail avant de passer une entrevue. «Ce serait ironique si une compagnie qui prône la justice sociale négligeait le bien-être financier de ses propres employés», écrivent les auteurs de l’étude.
Les entreprises peuvent quant à elle défaire les préjugés de leur équipe de gestion qui voit d’un mauvais œil les recrues potentielles motivées par des facteurs extrinsèques. Après tout, rappellent-ils, désirer subvenir aux besoins de sa famille est un motif qui contribue grandement à la performance.
En boudant de tels candidats, les organisations à vocation sociale se privent de travailleurs passionnés par leur boulot, mais qui s’attendent à une juste compensation.